MONDE -
Travailleurs pauvres, misère sociale, voilà le modèle allemand
Le grain de sel de Norbert Arndt, dirigeant du syndicat allemand VerDi de Herne. Le modèle allemand, c’est une entreprise de redistribution de la richesse du bas vers le haut à laquelle nous assistons depuis maintenant vingt ans. C’est cela en fait que l’on recommande si fortement à toute l’Europe. L’Allemagne est au centre de cette politique.Et le sort réservé aux salariés allemands n’a rien d’un exemple à suivre. Sur le papier, le niveau du chômage est certes moins élevé ici que dans d’autres pays européens. Mais c’est un formidable trompe-l’œil car, ici, on vit sous le règne de la précarité et de la misère au travail. Après la mise en place de l’agenda 2010 (les réformes antisociales de l’ex-chancelier Schröder – NDLR), les emplois hors convention collective sont devenus légion. Nous sommes à l’âge d’or de ces sociétés d’intérim, de ces marchands d’hommes qui jouent sur les statuts des jobs sous-payés et à couverture sociale allégée. La situation ne cesse de se dégrader pour la population de ma ville, Herne (170 000 habitants près de Bochum – NDLR). On n’y recense pas moins de 3 500 travailleurs pauvres inscrits au bureau d’aide sociale. On les appelle des cumulards (Aufstocker). En effet, comme leurs revenus salariaux se situent en dessous des minima sociaux, ils sont autorisés à les cumuler avec une somme complémentaire fournie par l’organisme public. Pour s’en sortir, certains vont jusqu’à exercer trois ou quatre emplois de ce type en même temps.
La prospérité est réservée au centre des grandes métropoles comme Munich ou Stuttgart. Dès que l’on passe à la périphérie, c’est la chute des niveaux de vie qui est à l’ordre du jour. Ici, dans ma ville, un enfant sur quatre est tributaire de l’aide sociale. Sur 170 000 habitants, 21 300 ont réclamé un soutien pour faire face à leurs dépenses de chauffage cet hiver. Et pour les plus anciens, le choc est encore plus terrible. Le revenu moyen des retraités à Herne se situe à 705 euros par mois. C’est la conséquence des réformes de l’assurance vieillesse, avec la mise à mal croissante du système de base par répartition qui se traduit aussi, depuis le début de cette année, par un report à soixante-sept ans de l’âge de départ légal.
Et les populations de Herne et de toute la région commencent à subir de surcroît, maintenant, le retour du bâton du modèle de l’austérité imposée à toute l’Europe. Les commandes à l’industrie se réduisent. L’usine Opel de Bochum va fermer dès l’an prochain. Cela signifie la suppression de 3 000 emplois. Sans compter les postes induits chez les sous-traitants et autres fournisseurs du site. Ce pays est rattrapé par la crise que ses autorités successives ont semée.
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Le modèle allemand : un rêve ou un cauchemar?
Norbert Arndt