La laïcité, finalement, c'est un concept typiquement français, voire franchouille à mesure que les réformes s'entassent pour s'assurer de son étanchéité à la société réelle. Heureusement, régulièrement, quelques élites lumineuses viennent éclairer nos lanternes sur la question. Et lorsqu'elles s'allument, les ombres peintes sur la caverne sont ... étonnantes.
Bien sûr, on a récemment goûté à l'inénarrable plaisir d'écouter Vincent Peillon, le ministre de la Rééducation Mentale des petits Français, nous expliquer exactement comment il entendait inculquer à nos chères têtes blondes les rudiments pratiques de la République Laïque, Une et Indivisible. D'ailleurs, le rapport complet destiné à expliquer précisément comment la lobotomie sera effectuée sur le jeune peuple citoyen en devenir est maintenant disponible (ici) et ne laisse aucun doute ni sur l'aspect moral du projet, ni sur son aspect laïc.
On pourrait s'imaginer qu'alors qu'une crise économique sans précédent secoue cette fameuse République, qu'une crise sociale est en train de s'installer, et qu'une crise politique devrait débouler dans les prochaines semaines, un hurluberlu politicien serait déjà bien assez voire déjà en trop pour se lancer dans le fin ciselage des questions rhétoriques sur la laïcité. Eh bien non ! C'est, en général, quand tout va mal que de frétillants saboteurs s'ajoutent à la ridicule coterie pour mettre leur grain de sel (ou leur brouettée, plus exactement) et assurer, par leur agitation néfaste, un sort funeste inéluctable à la victime qu'ils ont vigoureusement décidé "d'aider".
« Cela n'est pas du tout la priorité. Un jeune élève a d'autres choses à apprendre avant de se faire enseigner la cupidité. Qu'est ce que cela veut dire enseigner l'esprit d'entreprise ? Cela n'a pas de sens car cela n'a pas de contenu. »
Eh oui les petits enfants : apprendre ce qu'est une entreprise, comment elle fonctionne, à quoi elle sert, c'est, selon le crypto-stalinien hontectomisé, rien moins qu'apprendre la cupidité. Vouloir réaliser un projet et vendre son savoir-faire à des clients, c'est de la cupidité. Vouloir expliquer aux élèves de France comment l'artisanat crée de l'emploi, ce qu'il suppose d'enseignement, d'abnégation ou de sacrifice pour monter son entreprise et répondre au marché, c'est apprendre la cupidité. Le type qui, en sixième, veut devenir boulanger ? Pour Jean-Luc, un type cupide, assurément. Le futur plombier ? Pareil. Ce n'est pas à l'école de lui expliquer comment établir une facture. Cupidité que tout cela !
Et surtout, la France n'a pas besoin de ça. Elle croule sous les micro-entrepreneurs, sous les artisans, les chefs d'entreprises et les créateurs ingénieux ! C'est connu.
D'ailleurs, un truculent article de l'improbable site gauchiste Rue89 (improbable parce qu'en concurrence frontale avec 90% des autres sites et médias d'information dans ce pays) vient taper un peu plus sur ce nouveau clou pourtant déjà bien enfoncé par le gars Méluche dans le cercueil de la société française. On découvre en effet que selon son auteur, un certain Francis Daspe qui, au moins, ne se cache pas d'appartenir au même kolkhoze que Mélenchon, le fait d'enseigner l'esprit d'entreprise nuirait gravement à la laïcité car ...
C’est d’abord remettre en cause de manière frontale la laïcité qui ne se résume pas au champ du religieux. Elle vise également à garantir la neutralité en mettant à distance tous les dogmes : celui du marché et de l’économisme triomphant doivent être maintenus hors de portée des enfants.
Il faudrait donc tenir l'économisme triomphant hors de portée des enfants, ce qui revient, ni plus ni moins, qu'à raconter des fables et des sornettes à ces enfants renvoyés au rang de simples marionnettes dans les mains de ces dangereux idéologues. Comment, en effet, leur expliquer le monde qui les entoure, comment espérer leur donner les outils pour s'insérer dans la société si on ne tient pas compte de l'environnement heureusement encore un peu capitaliste qui les entoure ?
Or, c'est bien le centre du problème : notre brave communiste tente ainsi de nous expliquer que "L’intrusion au sein de l’école des façons de penser de l’entreprise et des intérêts du monde économique constitue une régression." On s'étonne. L’École de la République, tous fantasmes humides de collectiviste déconnecté du réel mis à part, c'est tout de même un endroit qui aura produit, ces derniers décennies, des paquets d'individus qui ont des problèmes pour lire, écrire et compter correctement, qui auront "bénéficié", justement, de l'éloignement obstiné de leur enseignement à toute réalité économique palpable. Cette école républicaine aura tout de même réussi l'exploit de produire une proportion toujours plus faible de scientifiques et d'ingénieurs qui, tous comptes faits, se barrent de France aussi vite que possible pour éviter d'y vivre la misère. Cette école républicaine, en choisissant d'ignorer à peu près complètement l'artisanat, l'entreprise, les éléments pragmatiques du commerce et du capitalisme, aura produit en échange une proportion toujours plus grande de fins lettrés à l'orthographe créative, aux pensées destructurées mais tendrement marxisantes dont chaque strate de société est maintenant gorgée, avec les résultats économiques généraux qu'on peut constater tous les jours.
N'y allons pas par quatre chemins : les Français sont de plus en plus nuls en économie, et cette inculture est en train de leur coûter fort cher. Ce que propose le frétillant bas du Front de Gauche, c'est d'accentuer encore l'étanchéité entre l'école et le monde réel où des gens sont obligés de travailler pour vivre. Cette recette, testée progressivement depuis plus de trente ans, a démontré sa redoutable efficacité : il faut donc mettre les bouchées doubles.
C'est, on le comprend, parfaitement crétin. Mais c'est surtout dramatiquement logique de la part de nos turbo-communistes : comme l'explique assez bien cet article, l'esprit d'entreprise, c'est la concrétisation palpable de la liberté, c'est la cristallisation dans le réel d'une idée et de l'application de sa liberté de prendre un risque, de faire autre chose que les autres, de le faire autrement. C'est l'expression la plus évidente d'une liberté de pensée, de l'expérimentation d'une voie que d'autres n'ont pas choisie, avec les bénéfices évidents qu'un succès peut apporter, et les coûts parfois élevés qu'un échec suscite. Or, tout ça, c'est parfaitement insupportable pour nos collectivistes : une tête qui dépasse, un rang qui n'est pas droit, un type qui fait autre chose, autrement, c'est une fêlure dans leur mur, c'est une fissure dans leur monde parfait d'hommes tous identiques, c'est, évidemment, l'individualisme et donc l'opposé abhorré du collectif au-delà duquel il ne peut y avoir aucun salut.
On comprend que Méluche bave un peu à la commissure de ses lèvres à l'évocation d'une telle immixtion de la vie réelle dans l'endoctrinement des petits Français : des élèves auxquels on expose une vraie façon crédible de créer leur propre emploi, vous n'y pensez pas !
Enseigner l'esprit d'entreprise, en France ? Et pourquoi pas les bénéfices de la liberté, tant qu'on y est ?! Êtes-vous fou ?
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