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[À vous de voir !] Mud ou Stoker ?

Par Anaïs

Non, vous ne rêvez pas. Mon habituelle triptyque s'est bel et bien métamorphosée en duo. Mon brelan cinématographique, en paire. Les inconnus en Laurel et Hardy (mais qu'est-ce que je raconte ?). La faute à ce satané 1er mai où, comme chaque année (mais entre temps, j'oublie, voyez-vous), messieurs et mesdames tout-le-monde nourrissent la même idée : investir (polluer) les (mes) salles obscures. L’Écume des jours avec lequel j'avais prévu de finir la journée est donc malencontreusement passé à la trappe !

En conséquence, cette semaine seuls Mud et Stoker, deux films sur l'héritage, s'affrontent sur mon ring cinématographique. L'intérêt de ce duel ? Le regard diamétralement opposé que porte les deux réalisateurs sur la notion de transmission : naïf et enfantin chez Jeff Nichols (à qui l'on doit entre autres Take Shelter), sombre et pervers chez Park Chan-wook que j'ai pour ma part découvert avec Thirst (et dont il faut absolument que je vois le, parait-il, chef d'œuvre Old Boy)
Seul l'un d'entre eux m'a réellement conquise mais lequel ?
[À vous de voir !] Mud ou Stoker ?[À vous de voir !] Mud ou Stoker ?

Mud (Jeff Nichols)Le cheminement psychologique de deux enfants qui, au contact d'un curieux inconnu (Mud), vont progressivement quitter le monde de l'enfance. Si à l'instar du Mississippi, qui habite littéralement le film, l'intrigue s'avère éminemment sinueuse (inutilement, qui plus est) et, accessoirement, sans fin, Mud a toutefois le mérite d'évoquer deux thèmes universels (l'héritage, à travers différentes figures paternelles et la brutalité du désenchantement pour un enfant) avec une empathie rare. La joliesse ensoleillée des plans contraste ainsi avec la rudesse des sentiments qui, inexorablement, sont (presque tous) déçus (le premier amour, l'amour parental, l'amitié etc). À mon sens toutefois, le film nous cueille grâce à son somptueux casting : à commencer par Matthew McConaughey qui est, sans surprise, bluffant dans le rôle du mystérieux fugitif, mais aussi de Reese Witherspooon qui livre une belle prestation, toute en retenue, quant à Tye Sheridan et Jacob Lofland, leur simplicité transcende tout bonnement l'écran. En résumé, un récit initiatique qui souffre d'une réalisation peu inspirée et d'intrigues secondaires superflues mais qui se révèle, grâce notamment à sa distribution, très attendrissant.

En deux mots : émouvant et initiatique.Le petit plus : Mud a été sélectionné au festival de Cannes en 2012 soit un an après que Take Shelter, autre long-métrage de Jeff Nichols, ait remporté le Grand Prix de la Semaine de la Critique.N'hésitez pas si :
  • vous aimez les films hybrides (ni tout à fait drame, ni tout à fait romance, Mud est un récit initiatique singulier) ;
  • la fin de l'enfance et la brutalité du monde adulte sont deux thématiques qui vous intéressent ;
  • vous n'avez encore jamais vu le petit Tye Sheridan  célèbre pour son rôle dans Tree of Life – à l'écran (c'est assurément un futur grand !) ;
Fuyez si :
  • le Mississippi et les ambiances à la Tom Sawyer n'exercent aucune attraction chez vous ; 
  • en règle générale, vous avez du mal à rester en place plus de 2h (il dure 2h10 les amis, sans compter les bandes-annonces) ;
  • vous recherchez un long-métrage haletant (comme dans Take Shelter, Jeff Nichols a une démarche assez contemplative et dilue volontairement l'intensité dramatique de son récit) ;
[À vous de voir !] Mud ou Stoker ?
[À vous de voir !] Mud ou Stoker ?

Stoker (Park Chan-wook)La métamorphose d'une adolescente (India) qui, au contact de son oncle – dont elle ignorait l'existence jusqu'ici – découvre sa vraie nature. À mi-chemin entre le film d'horreur et le thriller psychologique, Stoker suit plus précisément le quotidien d'une famille désorientée par la mort de son pilier paternel. Autopsie inquiétante des relations qui préexistent entre les membres mais aussi de celles qui se créent au fur et à mesure, ce long-métrage est un brillant condensé de non-dits qui souffre toutefois (à mon grand dam !) d'une intrigue principale éminemment conventionnelle signée Wentworth Miller (oui oui, Scofield dans Prison Break). L'atout de Stoker réside donc à mon sens uniquement dans sa beauté visuelle. Le réalisateur accumule en effet les métaphores (les chaussures pour Cendrillon), les effets visuels (il n'est pas un plan qui ne soit pas à analyser), les clins d’œil (à Hitchcock bien sûr mais aussi à Dracula qui a d'ailleurs inspiré le titre) etc. Le son n'est quant à lui pas en reste : très souvent amplifié (horloge, vent, mastication), il exacerbe à merveille l'atmosphère déjà très oppressante du film. En résumé, une mise en scène d'une rare virtuosité – qui mérite le statut de chef d'œuvre – aussi dérangeante que fascinante mais malheureusement desservie par un pâle scénario.En deux mots : hypnotique et sensuel.Le petit plus : la présence de Phyllis Somerville aka Marlene dans The Big C.N'hésitez pas si :
  • vous recherchez un film qui traite de l'origine du mal ;
  • vous aimez les films travaillés (je m'avance un peu mais au niveau esthétique et sonore, vous ne trouverez pas mieux en 2013) ;
  • vous êtes fétichiste des pieds (Tarantino, si tu me lis...) ;
Fuyez si :
  • vous n'êtes pas fan de Dracula (il y a de nombreux parallèles, tant dans l'histoire en elle-même que dans la mise en scène, qui pourront agacer) ; 
  • vous recherchez une histoire originale et surprenante ;
  • vous n'avez jamais accroché à Dexter (le film traite ici aussi d'un "dark passenger") ;

Verdict ? Bien qu'à mon sens il manque un brin de folie à l'histoire, j'ai été littéralement soufflée par les qualités esthétiques et sonores de Stoker, qui surpassent tout ce que j'ai pu voir en 2013, y compris The Grandmaster dont je vous disais déjà le plus grand bien et vous le recommande donc chaudement. Attention toutefois, le film est signé Park Chan-wook et s'adresse donc aux spectateurs qui apprécient tout particulièrement les films étranges et dérangeants. Si toutefois vous préférez ou avez simplement envie d'une belle histoire, préférez Mud qui m'a personnellement rappelé que je n'accroche que moyennement à ce que fait Jeff Nichols mais qui n'est pas désagréable pour autant

À vous de voir !Au passage, pour des raisons personnelles, je vais malheureusement devoir abandonner notre triptyque hebdomadaire pour le duo et peut-être aussi réduire progressivement mes autres publications (ou du moins adopter un rythme plus sporadique !). J'aviserai petit à petit à vrai dire mais je tenais quand même à vous informer de probables changements ! J'envisage également de plus en plus de lancer un blog collaboratif... Si toutefois ça devait se faire, vous serez bien sûr les premiers au courant.

Bonne fin de semaine à tous et bons films !


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