Qui étaient les sophistes ?

Publié le 03 mai 2013 par Christophefaurie
Nous sommes injustes envers les sophistes dit Jacqueline de Romilly. (Les grands sophistes dans l’Athènes de Périclès, Le Livre de Poche, 2004.)
« l’individu en ce temps là, pouvait se faire entendre directement et toutes les grandes décisions résultaient de débats publics ; la parole était donc un moyen d’action privilégié. Elle le devint d’autant plus que progressait la démocratie. » Les sophistes, « professionnels de l’intelligence », émergent au moment où la Grèce découvre la raison (qui est aussi la parole, logos, pour les Grecs). Et cela lui donne une sorte de coup de folie. Tout semble possible avec cette invention (« pouvoir de persuasion que plus rien n’arrête »).
Mais les sophistes dignes de ce nom, tels Protagoras, Gorgias ou Critias, en font un sage emploi. S’ils sont « relativistes », s’ils font « table rase » des anciens usages, des croyances religieuses ou de l’existence d’une vérité objective, c’est pour reconstruire le monde sur des bases rationnelles. Principe ? « l’homme est la mesure de toutes choses ». Le monde doit être fait pour l’homme et son bonheur. Vient alors « l’utilité », le bien commun. En effet, les sophistes démontrent qu’aucun homme ne peut être supérieur à la société (le mythe du surhomme est un leurre). C’est pourquoi l’homme crée des sociétés, et les lois qui permettent d’y vivre. Forme de « contrat social », donc, et rôle essentiel de la justice. Ce qui est bon pour la cité est bon pour l’homme. D’ailleurs, la cité crée l’homme, du fait de l’ « action morale qu’exerce un milieu donné, et la façon dont peu à peu il modèle le cœur de chacun. » Les sophistes n’étaient pas des individualistes, comme on le pense ! « La gloire a cédé la place à des sentiments d’estime, d’affection, et d’union (…) importance donnée depuis peu aux relations humaines, au sein de la cité. »
Partant de ces fondations, ils constituent une morale « lucide et exigeante ». Au passage, ils inventent beaucoup de choses. L’éducation de l’intelligence (dont l’objet est de « faire de chacun une sorte d’expert, capable d’y voir clair. ») tout d’abord. Ils estimaient que « le mérite s’apprenait », il n’était plus héréditaire. Ils créent aussi la grammaire, la logique, un début de médecine, les sciences humaines, et politiques. L’intérêt de l’homme étant de suivre les lois de la cité, ils sont législateurs et constitutionnalistes. « Ils étaient engagés, prêts à agir et à prendre des risques ». Ils marquent leur époque, qui parle comme eux, et ses arts. Jusqu’à la pensée de Platon, qui serait leur négatif. « Cette démarche est empirique et réaliste. Elle constitue l’inverse de celle de Platon, pour qui tout est commandé par des principes, correspondant à des exigences intellectuelles et morales. »
S’ils ont mauvaise presse aujourd’hui, c’est peut-être qu’ils ont vécu à une période égoïste (« L’ambition d’Athènes, apparemment, libérait les ambitions privées. »), où des individus mal intentionnés, pour promouvoir leurs intérêts personnels, se sont servis de l’enseignement des sophistes contre son esprit.