Notre reporter Albertine Simonnet se lance dans le journalisme Gonzo en testant le burn out, cet état de fatigue extrême causé par un surmenage professionnel. Immersion. YR
Ami lecteur et dépressif,
Il ne t’aura pas échappé que ces derniers temps, une nouvelle de démoralisation fait grand bruit dans les médias sans qu’on arrive bien cerner ce qui fait son originalité par rapport aux formes de dépression plus classiques. Malgré le succès qu’elle rencontre dans les médias, elle n’a jusqu’ici pas trouvé sa place dans nos colonnes (j’ai toujours rêvé de dire « nos colonnes »). C’est pourquoi j’ai proposé à Yves un reportage de terrain sur le burn out.
En vérité, j’y ai surtout pensé à partir du troisième jour d’arrêt maladie quand j’ai compris que je n’étais plus bonne à rien qu’à essayer de gratter minablement des arpèges sur ma guitare, chose que j’aurais du apprendre à faire il y a dix ans, si j’avais eu la présence d’esprit de profiter de ma jeunesse. Mais que veux-tu, on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, ne revenons pas sur le passé, parlons un peu du présent. Me voilà donc jeudi dernier chez moi, dans ma chambre, découvrant les joies de la sertraline et déchiffrant ma feuille d’arrêt sur laquelle l’écriture élégante et souple de mon médecin traçait en arabesques réguliers les mots « burn out ». Mais qu’est ce donc que le burn out ? Comment en suis-je arrivée là ? Quels étaient les signes annonciateurs que je n’ai pas su voir ?
Qu’est ce donc que le burn out ?
Selon Wikipedia, le terme « burnout » a été utilisé pour la première fois en 1969. Depuis, les chercheurs et spécialistes planchent sur la définition exacte. Pour l’OMS, le burnout se caractérise par « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ». Littéralement, le terme « burn out » signifie « totalement consumé » : l’individu touché a consommé ses ressources jusqu’à les épuiser (d’où le terme français de « syndrome d’épuisement professionnel »). Plus de fuel, plus d’étincelle, plus rien.
Et comment ça se manifeste ?
Ton corps dit stop. Tu aimerais bien aller travailler (enfin, « tu aimerais », c’est manière de parler), mais ton corps met son veto : douleurs, paralysie, mort subite (karoshi en japonais), j’en passe et des meilleures, n’importe quoi du moment que ça t’empêche physiquement de travailler. Un peu comme si ton corps disait « ça me gonfle un peu ton histoire d’aller au travail tous les jours, vas-y sans moi, je reste au lit ». Personnellement, j’ai bien cru que mon corps venait de fêter mes 90 ans et que mon cœur donnait sa démission.
Et est-ce qu’il n’y aurait pas par hasard des signes avant coureurs ?
Alors si, il y en a. Si tu te surprends à exprimer du cynisme, si tu commences à pratiquer l’auto-dépréciation, si tu te plains du manque de reconnaissance, si tu as des doutes sur le sens de ton travail ou l’impression que tu écopes le Titanic avec un gobelet percé, il est peut-être encore temps de prendre les devants de la maladie.
Que faire pour prévenir le burn out ?
Fais comme moi : va voir ton médecin de prévention (l’ancien médecin du travail), dis lui que tu as peur parce que tu sens que tu cours droit au burn out. Il t’écoutera en souriant avec condescendance et t’enverra chez ton médecin traitant, qui t’écoutera aussi en souriant avec condescendance et te dira que c’est bien d’être idéaliste mais qu’il faut apprendre à prendre du recul par rapport à ton travail. Bravo, tu as gagné deux séances d’humiliation et le droit de revenir le mois suivant quand ton corps aura vraiment démissionné.
Tu l’auras compris, la prévention du burn out n’est pas encore très au point. La meilleure chose à faire donc : se renseigner sur le sujet et s’écouter (désolée, je n’ai rien de mieux).
Quels sont les contextes propices ?
Un stress soutenu, des responsabilités, un fort engagement émotionnel, une certaine conscience professionnelle, un peu d’idéalisme passé à la poêle de la désillusion.
Sur ce, j’ai rendez-vous avec un psychologue qui va m’aider à retrouver des rapports plus sains avec le travail. Et vu que ce n’est sans doute pas en gratouillant des arpèges sur ma guitare que je vais remplir mon livret A, si tu as un boulot sans responsabilité et sans engagement émotionnel ni moral, fais moi signe (je chante vachement bien El condor pasa de Simon & Garfunkel).
Par Albertine Simonnet