In the Mud for love

Il est fort Jeff Nichols. En seulement deux films, et en ayant même pas 35 ans, il s’est assuré une renommée mondiale. Son dernier film en date, Mud donc, a bénéficié d’une sélection en compétition du dernier festival de Cannes. Et s’il est reparti bredouille, nul doute que le film réussira à gagner le coeur des spectateurs français. Très différents de ses précédents films singuliers, Mud prend une tournure plus classique pour finalement vous toucher en plein coeur et ce, en toute subtilité. Toujours décidé à s’intéresser aux gens les moins fortunés de son pays, il pose sa caméra sur les rives du Mississippi, dans le bayou, comme dans Les Bêtes du Sud Sauvage. L’onirisme et le misérabilisme en moins

« Ellis et Neckbone, 14 ans, découvrent lors d’une de leurs escapades quotidiennes, un homme réfugié sur une île au milieu du Mississipi. C’est Mud : un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise porte-bonheur. Mud, c’est aussi un homme qui croit en l’amour, une croyance à laquelle Ellis a désespérément besoin de se raccrocher pour tenter d’oublier les tensions quotidiennes entre ses parents. »

De mémoire de cinéphile, cela faisait très longtemps que des adolescents au cinéma n’avaient pas été autant attachants. Au revoir donc les petits cinéphiles de J.J Abrams, et bonjour Ellis et Neckbone, deux amis inséparables qui s’aventurent sur une île perdue dans le delta du Mississippi. La rencontre qu’ils vont faire sera fascinante puisqu’elle incarnera la figure paternelle dont ils sont en manque. Le premier ne place pas du tout son père sur un piédestal tandis que l’autre n’a pas connu son pater et est élevé par son oncle bienveillant et obsédé sexuel. Cette rencontre c’est Mud. Un homme qui croit en l’amour dur comme fer. Il fera tout pour retrouver sa dulcinée et déjouer les plans de ceux qui veulent le tuer.

Si l’intrigue n’est pas la meilleure écrite par Jeff Nichols, son film reste admirablement efficace car il ne tombe dans aucun piège. Le parcours initiatique de l’adolescence est un thème sans cesse montré sur grand écran, et pourtant l’émotion est bien là. Grâce, notamment, à un casting exceptionnel. Matthew McConaughey irradie la pellicule de sa beauté sauvage et de son talent. Qui aurait pu croire il y a quelques années encore qu’il serait capable d’enchaîner d’excellents films et qu’il deviendrait un gage de qualité ? Le jeune Tye Sheridan est admirable également. Déjà vu dans la Palme d’Or de Terrence Malick, il vous brisera à coup sûr le coeur quand le sien sera violenté. La scène où il rompt la confiance qu’il avait en Mud est à coup sûre une preuve de plus qu’il faudra suivre cet acteur. Et remercions Jeff Nichols d’avoir fait de Reese Witherspoon une blonde fragile et mystérieuse.

Si la trame est basique, on se surprend à frissonner quand surviennent les accidents ou d’avoir peur quand des chasseurs de primes assaillent la maison de l’enfant. Et la fin, que l’on peut voir comme un happy ending, nous rappelle que l’amour c’est bien beau, mais quand il n’est plus là les amis, eux, le sont toujours. Un film plus positif que Shotgun Stories ou Take Shelter, qui tout en parlant d’amour, s’éloigne sur la piste de la figure paternelle. La figure paternelle en mal d’autorité, la figure paternelle fantasmée par un adolescent, la figure paternelle vengeresse et dangereuse. Le film lorgne très souvent sur La Nuit du Chasseur, parfois sur Steven Spielberg ou même Stand By Me.

À bien des regards, il serait facile de considérer Mud comme le film le moins complexe de la courte filmographie de Jeff Nichols. Ce serait mal jugé ce film qui malgré sa simplicité apporte une fraîcheur indéniable au cinéma indépendant américain. Le réalisateur arrive, même sans complexité cérébrale et ambiguïté, à nous tenir en haleine. Car on s’attache à ces gamins, et on les aime bien. Comme ce film de Jeff Nichols.

Courage, amour, amitié, premiers tourments amoureux, aventure, c’est tout le programme de Mud qu’il faut voir de toute urgence.

Comments

comments