Cette année, les divisions syndicales qui me semblent de plus en plus une question de concurrence entre boutiques rivales (ras-le-bol, camarades, vous n'êtes pas à la hauteur des enjeux !), grisaille sociale et politique à l'unisson de la météo, m'ont poussé, à grands coups de pied là, vers une salle de cinéma, le MK2 Beaubourg, pour voir en enfilade (non non, pas de jeu de mots) les deux films underground de la semaine qui me tentaient vraiment. Les grands films seront pour plus tard (Mud, évidemment et pour celles ou ceux à qui ça aurait échappé, Taxi Driver ressort en version somptueusement remastérisée, puisque c'est celle du Blu-ray que nous avons vu il y a quelques semaines, film indispensable, en rage, en nage à force de mouvements vers la violence et la perte de soi).
Mais il faut aider ce genre de film qui brise les frontières entre cinéma convenable (genre Gondry) et cinéma bis et les tabous qui font qu'une bite dans une bouche (d'homme, en l'occurence) ou un jet de sperme sur un ventre seraient moins convenables que Jugnot ou Chabat dans des comédies dont tout le monde semble admettre qu'elles se situent en-dessous de la ceinture, braghette fermée bien entendu.
D'ailleurs ce film un peu nonchalant présente bien des côtés sympathiques.
Orléans
film français de Virgil Vernier (58minutes)
avec Andréa Brusque, Julia Auchynnikava
Kazak Productions
Orléans, en revanche, est un film magnifique. Court (c'est bien), intelligent et sensible, il raconte une histoire assez ténue, mais qui dévoile progressivement des beautés que l'on n'attendait pas forcément. L'argument est mince. Joane, une pauv' fille arrive à Orléans pour y travailler comme strip-teaseuse, avec l'envie d'en repartir le plus vite possible. . Elle fait des rencontres, à commencer par Sylvia, une collègue russe qui aimerait bien partir aussi, mais n'y croit plus vraiment...
Puis d'autres rencontres, drôles ou poétiques, au rythme des déambulations de Joane et Sylvia dans la ville. Un Faucon et un fauconnier. raconteur d'histoires. Un drôle de vendeur de choses étranges et indispensables par construction. Des gens comme ça et surtout, en pleine forêt, une jeune femme bizarrement accoutrée, accrochée à un cheval curieusement caparaçonné. Elle a été choisie pour figurer, cette année, la Jeanne d'Arc des fêtes d'Orléans. D'abord accompagnée de Sylvia, puis seule, Joane va rencontrer et se fondre dans la fête, la procession, commenter avec beaucoup d'humour un défilé militaire, puis entrer dans la Cathédrale et y vivre une sorte d'élan mystique.
Tout ça est d'une fraîcheur étonnante, rappelle un peu le Jean Eustache de La Rosière de Pessac, et par moments le Jacques Tati de Jour de fête. J'avoue qu'à un moment, j'ai pensé à la fin des Demoiselles de Rochefort, quand on démonte les décors de la fête.
Ce film très personnel, au ton mi-documentaire, mi-fictionnel s'inscrit totalement dans la ville d'Orléans, sa topographie, son histoire, ses charmes. Les actrices le portent avec générosité, avec une folle justesse de jeu, raccord avec la justesse de la réalisation et du montage.
J'ai eu le privilège d'assister à la première projection de ce film précieux en présence du réalisateur, du producteur et de membres de leur équipe. Les applaudissements nourris au moment du générique de fin étaient probablement à la hauteur de leurs attentes, de leurs ambitions cinéphiliques et de l'évidente passion mise dans un projet qui, avouons-le, n'allait pas de soi, comme en témoigne sa distribution (tous les jours au MK2 Beaubourg à 19h15 uniquement, ainsi qu'au Reflet Médicis, certains jours seulement).
A noter : le très tendance format carré de l'image (comme Cosa Nostra, il y a quelques semaines et nombre de films récents signalés ici).
That's all, Folks! Bon week-end, allez voir les films qui n'attirent pas les foules, ça leur fait du bien et à vous aussi.