Je l'ai déjà écrit, je le répète (je suis bête), dans la conception du projet d’atelier, nous avions rencontré un processus particulier. Celui, processus, qui donne à voir la grille d’analyse projet et permet à celui qui soumet une idée de vérifier son adéquation avec la politique dans laquelle il l’inscrit. De ce processus, je reparlerai plus tard et j'en dirai tout le bien que j'en pense.
Pour l'heure revenir à la détonation 2, et aux mots del'instant....
Mon père était un étranger, un errant.... Il l’est resté longtemps ; je crois jusqu’à sa mort. Il m’a transmis cette distance particulière ; celle de l'étranger ! Une distance qui nous demande de nous interroger nous même avant de poser une quelconque question à l’autre (ici un clin d'oeil particulier à Olegs) . Une distance qui nous impose le silence quand nous n'avons rien à dire ; une distance qui nous demande de ne pas juger l’autre avant de s’être jugé soi même ! Mais dans un monde où le jugement hâtif devient monnaie courante, cette distance peut se transformer en douleur. Douleurs quotidiennes de voir l’inhumanité grandir.
Pourquoi me référer à mon père ? Dans cette analyse de notre projet, dans cette grille d'évaluation partagée, je rencontrais quelque chose qui, échappant à la bassesse, réduisait ma douleur, quelquechose qui ressemblait à cette honeteté qui l'avait habitée. Au final, si je reviens aujjourd'hui en chronique sur l'histoire de cette rencontre, c'est pour raconter ces chocs intimes et humains. Raconter cette aventure, ne peut se réduire, pour ce qui me concerne, à l'élaboration d'une feuille de calcul dans laquelle e trouverait en acquis, non acquis, la somme des conniassance transmises. Dans cette chronique, la chronique entre les lignes, je cherche à accompagner les déflagrations, celles qui ont pu se produire ici et là ; celles qui nous ont transformés, nous on fait européens. Sans sarcasme ni ironie, les mots de cette chronique n'engagent que moi. Une chronique à l'envers, pour raconter quoi ? Les mots de Fabrice, pour les ressentis de Fabrice... Seraient-ce ceux d'un autre qu'ils seraient autres.... 8 jours, le vent, le vide, le froid, Babel retrouvée ? Le vent le vide !
Il était une fois, une petite fois…. Je reviens.
La seconde détonation est intervenue après que le projet « La marionnette au service des hommes » ait été sélectionné. Nous avions préparé les
outils spécifiques (grille d'analyses formulaires...) à la sélection des candidats et nous avions commencé de diffuser l’information. Après le tempsdédié à
la peur, celle du vide, de l’absence de réaction, quand les candidatures ont commencé de nous parvenir, j’ai ressenti une émotion particulière. Une émotion qui fait tomber les frontières
physiques, les barrières humaines. Entre juin et décembre 2012, les échanges locaux, la relation que nous voulions mettre en œuvre entre le local et l’Europe, avaient commencé à transformer
mon regard. Et vous savez quoi ? Quand je parlais au local de cette réalité que nous commencions d’entrevoir, je sentais que nous nous transformions en animaux particuliers ; animaux dont on
ne comprend pas la langue.... J’utilisais des subterfuges et des signes, je manipulais les éléments mais, malgré les traductions et tentatives, je sentais que la réalité locale étouffait de son
égocentrisme et qu'il fallait, ici et là, lui donner un souffle d'air ; un peu d'air, juste un peu d'air... C'est ce que nous avons fait dans la préparation du territoire.
Vous n’imaginez pas le choc. Lire des déclarations de candidatures à l’atelier qui, malgré une langue approximative, témoignait d’un désir et, de
l’autre côté de la chaîne frontalière, entendre le « et moi ? » si particulier et sans « émoi » ni « curiosité. De l'air, juste un peu d'air qui permette de transfermer
le "et moi ?" en "émoi". Ce ne sont pas que des jeux de mots. Ce sont des enjeux d'ames et d'humanités. Des enjeux qui nous permettront, demain, de vivre ensemble... De cette explosion locale, de
cette culture de l'exclusion construite en réponse à l'exclusion ressentie, de la situation si particulière des territoires où nous nous engageons, des
diversités culturelles que nous nous obstinions à défendre, avec tous ces ingrédients, nous construisions
Entre décembre et janvier l’exercice de la sélection m’apparut comme un calvaire. J’avais préparé une grille d’analyse des CV et formulaires de candidatures mais, la lecture et la sélection prirent plus de temps que ce que j’avais pensé. Assis à mon bureau, je voyageais de pays en pays, je découvrais des contrées jusqu’alors inconnues de moi. Je me laissais emporter dans un tourbillon. Du sud au Nord, d’est en ouest, je parcourais une Europe de l’humanité et de la connaissance.
Dans les 60 candidatures, je trouvais la diversité des situations et des envies. Parfois je m’interrogeais de la réalité des déclarations. J’étais tel Noé
regroupant ceux qui allaient accéder au navire. Je n’aimais pas cette position et pourtant il fallait l’assumer. Derrière elle, je me voyais, interrogé dans mes pratiques habituelles et mis face
aux limites du système qui avait participé à la faire paraître. Ce projet m’amenait à interroger le chemin parcouru, le créateur que je pouvais être dans les années de jeunesse, le citoyen
investi, l’humain qui avait vécu les fractures sociales et s’était parfois replié derrière des certitudes égoïstes. Dans les 62 premières candidatures, dans les 36 qui ont suivi, je voyais
l'avenir de terres dévastées. Je voyais que l'espoir ne repose que sur ce que nous sommes. Notre capacité à transformer le monde, chacun à notre echelle.
Le 10 janvier l’équipe était constituée, j’envoyais un mail d’information. Les changements qui interviendraient ensuite, ne toucheraient que les marges. Une équipe d’individualités de 23 à 60 ans. Une équipe non frontalière. Une équipe peu habituée, voire n’ayant jamais participée à un projet européen. Une équipe voulant acquérir de nouveaux savoirs et les disséminer dans le cadre de leur vie personnelle et/ou professionnelle. 15 personnes prêtes à vivre un choc culturel et humain. Mon explosion, par effet rebond, allait créer 15 explosions, qui elles même « choc papillon aidant » allaient se répercuter.
En constituant la liste, je comprenais que nous allions vivre 8 jours intenses. Aujourd’hui je le sais, 8 jours sous perfusion européenne, ça vous change un regard. 8 jours à entendre Babel revivre, 8 jours à réduire les distances, à écouter, à dire, 8 jours, je le répète c’est une vie nouvelle. 8 jours permettent de repenser les usages, les ronrons, donnent de la distance. Mais en même temps, 8 jours, permettent de voir les fractures humaines et sociales, les violences en sommeil !
Finalisant la sélection, je savais que mon regard d’ «errant » reprendrait le dessus. Et alors que cela faisait près de 15 années que je creusais au même endroit, cherchant à développer mes humanités, je n’avais pas trouvé la chine, je venais de découvrir l’Europe.
Fabrice Levy-Hadida - To be transleted and continued....