De tous les bilans de cette première année du quinquennat de François Hollande, les difficultés de l'opposition de droite ont la part belle. Comment ne pas constater que cette élection prétendument perdue de peu a également révélé, une fois de plus, combien la droite dite classique est démembrée et sans tête ?
Un an après la défaite, Nicolas Sarkozy est encore là, bloquant tout espoir de renouveau par des envies de revanche.
1. Le procès
C'est un coup classique, une parade traditionnel, un réflexe de survie intellectuelle qui saisit la droite dès qu'elle perd un scrutin. Quand elle perd un scrutin national, la gauche se déchire et s'interroge, échoue parfois à faire son propre aggiornamento, mais jamais ne remet en cause le résultat du vote. A droite, ce fut tout l'inverse. Rares sont ceux qui admettent une quelconque responsabilité. La victoire du camp d'en face fut systématiquement contestée. Au soir du 6 mai 2012, Valérie Pécresse, future ex-ministre du Budget, osa ainsi qualifier la victoire de François Hollande de « minoritaire ». C'en était pitoyable. Nicolas Sarkozy avait accumulé contre lui 20 millions de suffrages.
Pendant la campagne, Sarkozy et ses conseillers prédisaient que les "courbes" sondagières qui donnaient Hollande gagnant allaient "s'inverser". Quand il perdit, il maugréa encore qu'il s'en était fallu de peu, que c'était la faute aux médias - pourtant rapidement converti en Hollande-bashers - et aux anti-sarkozystes primaires qui avaient trop caricaturés sa Grandeur.
Le procès en illégitimité va loin. Un exilé fiscal français, millionnaire et héritier, accuse Valérie Trierweiler de profiter de l'Elysée. L'homme, comme ses quelques relais, ne supporte pas que el couple présidentiel ne soit pas marié.
La rancoeur va se loger loin et bas dans les entrailles de certains.
2. Les déchirements
Les primaires devaient un modèle. Echaudés par le succès des primaires socialistes qu'ils raillaient, les ténors de l'UMP se rallient à la formule pour départager les héritiers après la reddition du Monarque. Fillon se casse en jambe en scooter chez un industriel millionnaire italien pendant l'été pendant que son rival sillonne les cellules du pays. NKM jette l'éponge, tout comme Xavier Bertrand. Nous avons droit à un débat télévisé entre les deux impétrants. En octobre, c'est le drame. Copé bourre quelques urnes, en oublient quelques autres, et se déclare précipitamment président élu: «Les militantes et les militants de l'UMP viennent aujourd'hui de m'accorder une majorité suffisante et de m'élire comme président» «Je ne laisserai pas voler la victoire aux militants. Je ne lâcherai rien.» lui rétorque François Fillon. Ce dernier créé un groupe dissident à l'Assemblée, le RUMP (croupion, en anglais). Il faudra des mois pour que la réconciliation s'opère. De nouvelles élections seront organisées en septembre 2013. Le spectacle est désastreux.
Quand l'UMP se réconcilie, il y a trop de sous-chefs. Même Edouard Balladur est viré de ses bureaux au siège du Parti. Manque de place. Pour septembre, Laurent Wauquiez s'imagine challenger de Jean-François Copé pour la présidence du Parti. Guillaume Peltier et Geoffroy Didier tentent de faire vivre l'héritage en chassant sur les terres néo-libérales ou frontistes.
On apprend plus tard que Nicolas Sarkozy se réjouit.
3. Le chef caché
Car le chef caché, c'est bien lui. Il pense revenir en 2017. Ses amis ont créé une association, et cherchent déjà des financements. Dès l'été, au lendemain du scrutin, le procès en illégitimité contre François Hollande s'est déployé jusqu'au plus haut sommet de l'ancien camp. On se rappelle cette improbable intervention, rapidement et heureusement oublié, de Nicolas Sarkozy sur l'affaire syrienne en plein mois d'août. Réfugié au Cap Nègre, dans le château familial de son épouse Carla, l'ancien monarque avait lancé un communiqué de presse après avoir discuté avec l'un des "représentants" de l'opposition syrienne pour "donner des leçons de diplomatie" à François Hollande. Puis il agit contre Fillon pour l'empêcher d'emporter la présidence du Parti.
Pour s'occuper, il tient des conférences rémunérées, sans penser que sa place au Conseil constitutionnel mériterait plus grande discrétion. Mais il veut revenir. Il y pense si fort que cela s'entend, s'amuse l'Express. En coulisses, l'ancien monarque fait en sorte de rester maître à bord de son ancien clan. Il bloque le renouveau de l'UMP.
4. La scission
L'UMP et le FN ne sont plus seuls à droite. Il y a aussi l'UDI. Roulement de tambours... le mouvement centriste et de droite est une résurrection de l'ancienne UDF. Jean-Louis Borloo a sonné l'indépendance (relative) au sortir de l'été. Comme toujours, nous attendrons les prochaines élections pour juger de l'éventuelle influence de cet énième incarnation du centre droit. L'espace est mince. Ces gens-là, mal à l'aise par la dérive buissonnienne de l'ancien monarque n'ont pas osé présenter de candidat à la présidentielle. Borloo s'est couché.
5. L'absence d'autocritique.
A droite, on ne refait jamais le match. Rares ont été les sarkozystes à s'interroger sur les raisons de leur défaite. Sarkozy rode toujours. Il n'a laissé personne dresser le bilan de sa période. On a compris que Nathalie Kosciusko-Morizet ne cautionnait pas la dérive extrême-droitière de son monarque, mais qu'elle a avalé toutes les couleuvres nécessaires à son ambition en assumant le porte-parolat de la campagne buissonnienne. On a saisi que Benoist Apparu en avait gros sur la patate mais l'homme a une position marginale. On a noté que Bruno Le Maire avait une plus haute estime de la politique, même à droite, que les éructations de son ancien patron, mais il compte peu. L'après-défaite a été occupé par Jean-François Copé qui singe jusqu'au tics son ami Nicolas; François Fillon qui fermé sa gueule pendant 5 ans mais tenta de livrer son "projet pour la France" à l'automne; Laurent Wauquiez, celui qui qualifiait de "cancer social" nos prestations sociales...
6. Les affaires du passé
Elles sont nombreuses. Celles de l'ancien mandat de Sarkofrance refont surface n'ont pas fini de polluer le rétablissement d'une droite finalement exsangue. Nicolas Sarkozy a été mis en examen dans l'affaire Bettencourt au début de l'année 2013. Une autre enquête, préliminaire, a été ouverte sur le soupçon de financement de sa campagne de 2007 par les autorités libyennes, après les accusations de Ziad Takkiedine. Un autre juge enquête sur les éventuelles complicités de torture dans le cadre de la vente d'équipement de surveillance à la dictature du colonel Kadhafi entre 2005 et 2007. Le volet financier du Karachigate, qui valut à quelques proches de Nicolas Sarkozy une mise en examen en 2010/2011, est loin d'être terminé. L'affaire des sondages de l'Elysée suit son cours depuis que la plainte de l'association Anticor a été enfin jugée recevable.
7. Le fanatisme.
Quand Nicolas Sarkozy est mis en examen, l'ampleur de la réaction outragée de ces plus proches démontre un réel fanatisme. Le "débat" sur le mariage pour tous ajoute au trouble. Il place quelques ténors dans des postures surréalistes. Quelques 5.300 amendements sont déposés à l'Assemblée. Henri Guaino défile avec Gilbert Collard. L'UMP réclame un référendum contre une promesse de campagne. En assumant aussi son silence sur les prières de rue et protestations publiques de la hiérarchie catholique, l'UMP ruine également les fondements de sa récupération du combat laïque.
8. L'errance.
François Hollande s'effondre dans les sondages mais ni l'UMP ni l'UDI n'en profitent. Pour l'UMP, c'est le plus inquiétant. Elle est inaudible quand elle critique une politique de redressement des comptes publiques qu'elle a été incapable de mener. L'UDI gérée par l'ancien avocat de Bernard Tapie n'a pas davantage de crédibilité. L'UMP a été pris de court par la politique de l'offre conduite par François Hollande, par la "fermeté" sécuritaire de Manuel Valls, débordée par le mouvement des Pigeons.. Rien ne s'est déroulé comme prévu. La France n'est pas devenue la Grèce ni l'Espagne comme Sarkozy le criait sur ses tribunes de campagne.
L'UMP n'a même pas profité de cette année d'opposition pour poser quelques valeurs, ou les bases d'un programme.
9. Les blogs
Il manque à ce (triste) panorama un court constat sur la blogosphère d'opposition de droite. Il sera rapide. Loin de comparer l'action hollandiste avec ses promesses, la blogosphère d'opposition - à quelques exceptions près - s'est réfugiée dans l'anecdote, la rancoeur (ah! Si l'élection avait lieu aujourd'hui...) et le faible ouvrage. Une mutation, pour certains, vers le fumier 2.0.
Finalement, la véritable opposition était ailleurs, chez Marine Le Pen et la galaxie réacosphère. Ils sont actifs, comme toujours, autant que leurs délires. Et plus à gauche du Parti socialiste, autour du Front de Gauche. Une gauche qui voulait parler "cru et dru", avec des arguments plus construits que les ragots de l'autre bord, des outrances parfois, des idées toujours.
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