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Le Mur des cons, marque déposée

Publié le 02 mai 2013 par Rolandlabregere

C’est l’affaire qui tombe mal. Après la tornade Cahusac et les aigreurs vis-à-vis de l’Allemagne qui déclenche les réactions outrées des boutefeux de l’opposition, voilà le Mur des cons. La même opposition voit dans ce Mur inédit, « un pilori judiciaire ». Les photos de nombreuses personnalités bien en vues sont affichées sur ce Mur, façon  Facebook retro dans le local privé du Syndicat de la magistrature.

Dans un pays où les murs sont réputés avoir en même temps la parole et des oreilles, que l’un d’entre eux affiche des photos qui épinglent quelques ténors dont certains ne se privent pas d’outrer leur parole relève d’une saine pratique démocratique. Elle démontre que pour être magistrat on n’en n’est pas moins citoyen doté de la capacité de dérision. Cette dernière est une catégorie du sens de l’humour. Cette qualité est absente des offuscations des nommés et des affichés. Après tout, ces récipiendaires sont sélectionnés selon leurs prestations langagières. Leurs petites phrases déclenchent parfois l’hilarité sans d’ailleurs que celle-ci soit recherchée. Ce qui est dit est dit. Certains ne se privent pour dire haut et fort, devant un micro, ce que la décence devrait les inciter à évacuer dans la solitude d’un cabinet. Certains journaux décernent d’ailleurs régulièrement des félicitations aux auteurs des petites phrases les plus remarquables.

Etait-il toutefois nécessaire d’aller afficher les photos de ceux que les magistrats voulaient mettre à l’index ? Il y a là vraisemblablement une faute de méthode. Sans doute la précipitation et l’excès de prétendants en sont les origines. Plus sûrement, un Mur des citations, aurait eu des effets ludiques et conviviaux. Jouer à « Qui a dit quoi et quand ? » permettrait de confronter l’actualité récente à celle plus ancienne et d’aboutir à des formes de distinction et même de décerner annuellement des oscars, les Vendôme de la petite phrase. Les mots se passent de commentaires et ne stigmatisent point puisque les propos affichés sont vérifiables. La preuve est au fondement du droit. Un Mur des citations éviterait les jugements à l’emporte-pièce qui n’appartiennent pas à une justice équitable. On imagine sans peine les débats, les hypothèses, les recherches spontanées sur le Net pour accoupler tel auteur à telle citation. Des magistrats saisis par le bonheur intérieur seraient, nul ne peut en douter, d’une grande efficience. Cela sans moyens supplémentaires. Des confrontations entre citations seraient possibles. De plus, être cité, c’est-à-dire appelé à comparaître en justice, est une des missions des magistrats. L’important est de savoir citer, de citer à bon escient.

La place manque ici pour présenter des extraits de prestations des affichés. Mentionner certains serait dévalorisant pour les autres. Cela ne procéderait pas d’une saine justice. On se référera aux absents, aux oubliés, aux disparus. La justice qui pourrait en découler n’en sera que plus clémente. Par souci de simplification, trois citations sont présentées afin de tester leur degré d’acceptabilité sociale et leur capacité à faire débat. Elles permettent de répondre à la question Qui a dit ? Elles sont présentées hors de leurs contextes respectifs : « Il ne faut pas désespérer des imbéciles. Avec un peu d'entraînement, on peut arriver à en faire des militaires » ? « La fièvre typhoïde est une maladie terrible. Ou on en meurt, ou on en reste idiot. Et je sais de quoi je parle, je l’ai eue » ? « Taisez-vous, abruti ! ».

L’auteur de la première est Pierre Desproges. La deuxième émane justement d’un militaire et homme politique, connu pour ses tournures d’esprit approximatives, le général Mac-Mahon. La troisième est l'oeuvre d’un homme politique, ministre sous la IVème République, puis ministre de François Mitterrand, Gaston Deferre, qui s’adresse ainsi au député gaulliste Ribière. Defferre refuse de retirer l’insulte. Ribière lui en demande réparation par les armes. Leur duel fut le dernier, connu à ce jour, des hommes politiques.

L’avantage du Mur des citations sur le Mur des cons s’impose d’évidence. Le jugement se fait sur pièce. Rien n’interdit, de mentionner sur un tel mur des formules qui peuvent expliquer les choix ou des citations qui font sincèrement sourire pour lesquelles on peut afficher une forme de connivence ou d'attendrissement. Ces simples exemples tentent en tout cas de le prouver. La supériorité du Mur des citations sur le Mur des cons se dégage discrètement : raser le Mur des cons comme le demandent, y compris en justice, certains placardés, est tout simplement friser le ridicule.


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