« A la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, assiste au retour de son oncle, un homme mystérieux dont elle ignorait l’existence, et qui s’installe avec elle et sa mère. India commence à soupçonner que les motivations de cet homme charmeur ne sont pas sans arrière-pensées et ne tarde pas à ressentir pour lui des sentiments mêlés de méfiance et d’attirance. »
Voilà une œuvre que beaucoup de cinéphiles attendaient impatiemment: le nouveau Park Chan-Wook. D’autant qu’il n’est pas le seul coréen talentueux à nous sortir un film tourné aux États-Unis cette année. Quelques semaines plus tôt nous étions témoins du ratage de Kim Jee-Won avec « Le dernier rempart ». C’est donc au tour du réalisateur culte de « Old Boy » et « Sympathy for mr vengeance » de se lancer outre atlantique.
Il y a quelque temps, en découvrant le projet, on apprenait avec surprise qu’il n’était pas l’auteur du scénario. Et c’est une première venant de celui qui nous avait habitué à être l’unique père de ses œuvres. Non, nous constatons donc que le scénario qui est longtemps resté posé dans la « black list » d’Hollywood aux cotés, entre autres d’« Argo », est écrit par ce comédien connu pour son rôle de tatoué dans « Prison Break »: Wentworth Miller. Ce nom peut alors provoquer une certaine appréhension et la crainte d’un formatage mal venu de la part du réalisateur face au script de l’acteur. Est-ce réellement le cas?
Dés les premières minutes, aucune surprise, les images sont léchées et d’une grande maîtrise. Chan-Wook a gardé son chef opérateur fétiche et on s’en réjouit: un esthétisme classieux parcourt le film de long en large et chaque scène est brillamment photographiée. Mais l’œil est aussi attiré par le travail d’un autre technicien, celui de Nicolas De Toth, monteur plus connu pour ses blockbusters sans âmes. Il nous offre ici un montage puissant et extrêmement bien construit qui contribue largement à la force de « Stoker ».
Le film commence avec la jeune India dont le père vient de décéder. À l’enterrement de celui-ci elle distingue au loin une silhouette… Plus tard son oncle qu’elle ne connaissait pas fait irruption dans la vie de la jeune fille et de sa mère, qui entretient une relation trouble avec cet homme inquiétant et charismatique…
Mia Wasikowska est une actrice fascinante. Sa beauté froide et envoûtante est à l’image du film, quelque chose de précieux et beau que l’on prend plaisir à contempler et voir évoluer. Sa candeur colle avec grâce à son personnage à l’allure faussement fragile, qui passe à l’âge adulte et se découvre un instinct pervers latent. India est une adolescente en marge qui avait pour habitude de chasser avec feu son père, lequel faisait empailler chacun des animaux tués par sa fille. Personnage substantiel, elle entretiendra un rapport ambigu avec son oncle à travers qui elle découvrira beaucoup…
Quant à lui, Park Chan-Wook nous montre ici que s’il ne s’occupe pas du scénario, il s’est livré corps et âme dans une mise en scène prodigieuse. Souvent comparée (et à juste titre) à du Hitckock, la réalisation de « Stoker » brille par son aspect magnétique et ensorcelant.
Et si toute la bonne volonté du monde voudrait m’empêcher de critiquer le scénario faussement provocateur et malsain de cet acteur au charisme d’huître pour cause d’a priori… Rien n’y fait. On regrette que cette mise en scène subjuguante soit ici au service d’un scénario si scolaire. Certes il n’y a rien de mauvais dedans, mais rien de trop bon non plus. On en ressort avec un goût étrange et l’impression d’avoir assisté au sauvetage d’un script presque génial par Park Chan-Wook et ses acteurs.
L’exemple de cette scène de « duet » au piano qui ne devait pas transcender le papier mais devient un passage du film important, reste longtemps en tête. India commence à jouer du piano quand son oncle la rejoint. Une scène sulfureuse. Sans que rien ne se passe, il y a une alchimie érotique grandiose qui ressort de la proximité des deux acteurs et de ce mélange de notes. Cette mélodie pour 20 doigts est d’ailleurs composée par Philip Glass, l’un des meilleurs compositeurs contemporains. Le reste de la B.O. est signée Clint Mansell à qui l’on doit « Requiem for a dream » et plus récemment « Black Swan ». L’univers musical du film est donc entre de bonnes mains.
On pense aussi à la scène de la douche (Hitchcock n’a pas le monopole de cet endroit), où le réalisateur parvient à nouveau à tout sublimer d’un goût malsain et troublant.
On retiendra surtout la mise en scène d’un génie et l’interprétation de Mia Wasikowska, sublime et affriolante. Elle est le personnage clé du film et il y a longtemps qu’une actrice n’avait pas été aussi hypnotisante et crédible dans ce genre de rôle.
Bien qu’il ne soit pas exempte de défauts, la maîtrise artistique dont « Stoker » est l’objet en fait malgré tout un des meilleurs film de l’année.
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