La Commission européenne devrait suspendre, pendant deux ans à compter du 1er décembre, l'utilisation de trois insecticides impliqués dans le déclin accéléré des abeilles domestiques (Apis mellifera).
Trois pesticides tueurs d'abeilles enfin interdits par l'Europe
Après un vote, lundi 29 avril en Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, quinze Etats de l'Union se sont prononcés favorablement à la proposition de Bruxelles d'interdire l'imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame sur quatre grandes cultures (maïs, colza, tournesol, coton).L'imidaclopride : (wikipedia )
Comme tous les néonicotinoïdes, ce pesticide est un produit "systémique", c'est-à-dire qui diffuse dans tout l'organisme de la plante (et ainsi présent à très faibles dose dans le nectar et le pollen des fleurs de cultures industrielles traitées avec ces produits, telles que le maïs et le colza). Ces molécules sont de puissants neurotoxiques pour les insectes.
Elles ciblent le système nerveux des insectes qui consomment ces plantes en interagissant négativement avec les récepteurs nicotiniques de l'acétylcholine dont elles sont un agoniste. L'imidaclopride, selon des chercheurs écossais (étude 2012) pourrait participer et accélérer la régression de pollinisateurs tels que les bourdons
La clothianidine : (wikipedia )
Le clothianidine est un insecticide produit par Takeda et Bayer. Il s'agit d'un néonicotinoïde
Le thiaméthoxame : (wikipedia )
Le thiamétoxam est étiqueté comme poison. Il est nocif pour tous les insectes, dont pour les coccinelles qui peuvent indirectement l'absorber en consommant des pucerons en contenant. Il est également toxique pour les abeilles. Son mode d'action le rend a priori nocif pour d'autres organismes invertébrés vivant dans l'eau et le sol. On a d'abord pensé que les abeilles et pollinisateurs y seraient peu exposés, mais les papillons y sont mortellement exposés à l'état de larve (chenille) si ces dernières consomment des plantes traitées ou poussant sur un sol traité, et les papillons adultes (sauf quelques espèces qui ne se nourrissent pas à l'état adulte), ainsi que les abeilles domestiques ouvrières sont chroniquement exposées à de faibles doses de ce produit lors de leur alimentation, car une faible partie des molécules de thiaméthoxame migrent dans la plante jusque dans les pollens et les nectars. De plus on a montré en 2012 que le thaméthoxame peut aussi indirectement contaminer, à faibles doses, des plantes sauvages à proximité des zones qui en ont reçu
La molécule active peut ainsi atteindre les insectes butineurs. Ensuite les ouvrières peuvent régurgiter de la nourriture et en contaminer d'autres, ou contaminer les larves via leur nourriture. Pour cette raison, parmi d'autres pesticides de cette famille, elle a été mise en cause dans les phénomène de « désorientation », de dépression immunitaire, d'augmentation de la charge parasitaire, de perte de capacité de mémorisation ou apprentissage et in fine de surmortalité des abeilles et d'autres apidés ou insectes en voie de régression (bourdons, papillons, coléoptères...).
« Durant le printemps, des niveaux extrêmement élevés de la clothianidine et le thiamethoxam sont émis lors du semis de semences de maïs enrobées ». Une étude de l'Université de Purdue a récemment (2012) montré que plusieurs voies indirectes de contamination des abeilles existent dont pour les néonicotinoïdes. Une des surprises de l'étude est que ces molécules (relativement stables) ont été retrouvées dans le sol de tous les champs échantillonnés lors de l'étude, y compris dans les champs non ensemencés avec des graines traitées. Ainsi, les pissenlits poussant en bordure de ces champs ou à proximité contenaient aussi des néonicotinoïdes. Et ils étaient visités par les abeilles butineuses (lesquelles prospectent une large zone, jusqu'à 7 km de la ruche). On ignore encore si la contamination de ces pissenlits provient de particules de thiaméthoxame aéroportées (retombés sur les fleurs et/ou feuilles, éventuellement mieux captés via la rosée), ou si la contamination des pissenlits s'est faite par l'eau du sol ou des résidus intégrés au sol, puis absorbés par la plante au travers des racines et de la sève... Il s'agit d'une source d'exposition qui n'avait pas été prise en compte dans les études de risque.
La stabilité de la molécule laisse craindre une accumulation progressive du produit dans l'environnement et une diffusion de plus en plus large hors des seuls champs ayant reçu des graines pré-traitées ou des vergers ayant reçu des pulvérisations.
Pas le courage d'interdire ceux qui demeurent autorisés
Le déploiement de cette technologie de protection des plantes s'est accompagné d'une forte accélération du déclin des insectes pollinisateurs. Or, depuis plus de dix ans, de nombreuses études, menées en laboratoire, montrent une variété d'effets toxiques inattendus, attribuables aux néonicoti-noïdes : désorientation des insectes, perte des fonctions cognitives, synergie avec des pathogènes naturels, etc. Certains de ces effets se manifestent à des expositions de l'ordre d'une fraction de milliardième de gramme.L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fini par reconnaître, au printemps 2012, que les tests réglementaires qui ont conduit à l'homologation de ces molécules ne permettaient pas d'en évaluer les risques. Ces nouveaux produits sont en effet très différents de ceux qui sont appliqués épisodiquement sur les cultures : ils les imprègnent, certes à faible dose, mais en permanence et sur des millions d'hectares... L'Autorité européenne de sécurité des aliments vient aussi de reconnaître, avec un retard considérable, que ces produits présentaient un risque pour les abeilles...
En conséquence, la Commission européenne propose de suspendre, pendant une durée de deux ans, trois de ces molécules controversées, sur certaines cultures. Cette proposition, à laquelle s'en remet Stéphane Le Foll, n'est pas conforme à l'état des connaissances. Ces produits persistent plusieurs années dans l'environnement, et leur propagation est connue de manière très imparfaite. Avant d'annoncer un plan d'aide à la filière apicole, il aurait fallu, de toute urgence, avoir le courage d'interdire ceux qui demeurent autorisés.
20 ans de laxisme, pour une si petite victoire
Le coupable est-il plutôt l'incompétence ou l'accumulation de conflits d'intérêts ?Impossible de trancher. Mais la question est désormais posée : comment des tests d'évaluation des risques pour l'abeille, notoirement déficients, ont-ils pu être utilisés pendant près de vingt ans pour homologuer les dernières générations d'insecticides ?
La mise en cause des tests d'évaluation vient d'un avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Jamais, sans doute, celle-ci n'aura endossé un document aussi embarrassant. Paru fin mai 2012, ce texte technique de 275 pages est d'ailleurs passé à peu près totalement inaperçu...
De manière générale, explique le rapport :
"les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire", pas plus que "l'exposition par inhalation et l'exposition des larves". Les calculs d'exposition des insectes sont systématiquement biaisés : ils ne tiennent pas compte de l'eau exsudée par les plantes traitées, avec laquelle les insectes sont en contact. Ils ne considèrent pas non plus les poussières produites par les semences enrobées au cours de la période des semis...
"De même, les effets des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte par les tests standard conventionnels." Ces faibles doses ne tuent pas directement les abeilles, mais peuvent par exemple altérer leur capacité à retrouver le chemin de leur ruche, comme l'a récemment montré une étude conduite par Mickaël Henry (INRA) et publiée le 30 mars dans la revue Science.
Les tests standard réalisés en champ sont eux aussi critiqués. Colonies trop petites, durée d'exposition trop courte... Des effets délétères, mêmes détectés, s'avèrent souvent non significatifs en raison du trop faible nombre d'abeilles utilisées.
Des "faiblesses majeures" sont pointées par les rapporteurs, comme la taille des champs traités aux insecticides testés. Les ruches enrôlées sont en effet placées devant une surface test de 2 500 m2 à un hectare en fonction de la plante. Or, explique le rapport, ces superficies ne représentent que 0,01 % à 0,05 % de la surface visitée par une butineuse autour de sa ruche... Dès lors, l'exposition au produit est potentiellement plusieurs milliers de fois inférieure à la réalité, notamment dans le cas où les abeilles seraient situées dans des zones de monoculture intensive recourant à ce même produit.
En outre, poursuit le rapport, les abeilles devraient être testées pour déterminer si de faibles doses du produit ont déclenché des maladies dues à des virus ou des parasites... De récents travaux, conduits par Cyril Vidau (INRA) et publiés en juin 2011 dans la revue PLoS One, ont en effet montré des synergies entre le fipronil (Régent), le thiaclopride (un néo-nicotinoïde) et la nosémose, une maladie commune de l'abeille...
Ces manquements sont, selon l'expression d'un apidologue français qui a requis l'anonymat, chercheur dans un organisme public, "un secret de polichinelle". De longue date en effet, le renforcement de ces "lignes directrices" et autres protocoles standardisés est demandé par des apiculteurs et les associations de défense de l'environnement. En vain. Et ce, malgré un nombre toujours plus grand d'études publiées dans les revues scientifiques depuis le milieu des années 2000, qui mettent en évidence leurs lacunes.
Source : http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/07/09/abeilles-la-faillite-de-l-evaluation-des-pesticides_1731092_3244.html
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L'Europe qui attend Janvier 2014 pour faire appliquer l'interdiction de ses 3 pauvres efforts consentis, ne se fera pas attendre. Les agriculteurs et jardiniers responsables pourraient bien trouver par eux-même les remèdes nécessaires, comme ces produits de "Biodevas" répondant avec efficacité et respect de l'environnement à une urgence immédiate.