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Classe sociale vs réseaux personnels: une inversion de l'espace d'apprentissage?

Publié le 01 mai 2013 par Olivier Leguay

La masse des lectures que je trouve sur le web semble nous présenter les réseaux et d'une façon plus générale le Web comme un espace public alors que la classe serait un espace plutôt privé, confiné et caché. J'ai cependant  l'impression opposée.

En effet, habitués à manipuler chat, sms et réseaux, nos adolescents ont dessiné personnel un espace de liberté où ils maîtrisent et peuvent actualiser leur image. En ce sens malgré l'ouverture tant invoquée soit par les partisants d'un socio-constructivisme ayant trouvé leur univers de jeu ou au contraire les grands moralisateurs apocalyptiques qui tétanisent chacune de nos actions numériques de la peur de maux à la hauteur du nombre d'utilisateurs.

Sans en parler, je pense que nos jeunes ont bien conscience de l'univers dans lesquel ils naviguent, même s'il est numérique. Cette capacité "d'exister", au sens de se définir soi-même et non par une médiation tierce, et au contact des autres fait que la culture numérique adolescente est plus perçue par eux comme personnelle que sociale.

Ce n'est pas du tout le cas de l'espace de classe qui revet un caractère collectif. Les élèves maîtrisent très difficilement leur image, d'autant plus que le nombre de situations dans lesquelles ils doivent agir pour la "conserver" est impressionnante. Les acteurs extérieurs sont bien plus divers et différents que dans l'espace numérique sur lequel ils ne rencontrent guère plus que des individus, qui même s'ils peuvent s'ajouter, peinent à constituer des groupes abstraits autres que ceux qui forment les "tribus".

Depuis de nombreuses années, j'inclus des éléments pouvant favoriser l'apprentissage des élèves dans mes cours, je leur fais des remarques en classe concernant la façon dont ils rédigent, le soin qu'ils apportent à leurs exercices. ... Enfin une panoplie assez étayée et argumentée de techniques leur permettant de progresser, de gagner en rigueur et de structurer leurs apprentissages.
J'utilise aussi à forte dose les technologies numériques, partages de fichier, Edmodo, blog... etc.

Je m'aperçois d'un phénomène de plus en plus flagrant: les élèves considèrent l'espace classe comme public alors que l'espace numérique est plutôt privé ou caché. 

Alors que je souhaitais faire collaborer tous les élèves de façon numérique, faire des outils numériques une occasion de dévoilement d'un groupe d'apprenants dans son ensemble en train d'apprendre, je constate de plus en plus l'atomisation des demandes, le peu d'utilisation collective. Alors que je pensais que l'espace de la classe était privé, comme un entre-soi, dans lequel je m'adresse à chaque individu comme je le ferai s'il était seul, chacun d'entre eux me renvoie l'image d'un espace collectif dans lequel il faut rester pudique, ne pas se dévoiler. Il me semble que les élèves dépensent de plus en plus d'énergie à "sauvegarder" leur image dans la classe puisque celle-ci est considérée comme publique à ce moment, alors que leur identité personnelle numérique est bien plus facilement pilotable: présent/absent, ouvert/fermé, demandeur/attentiste, souriant/pas souriant... 
Alors que  l'élève se trouve en position de réaction dans la classe car des éléments de son identité sont manipulés par d'autres acteurs que lui, la présence numérique est globalement plus apaisée.

Force est de constater que ma double volonté de vouloir construire un espace collectif numérique et un espace privé classe semble se confronter à l'analyse ci-dessus.

Je réfléchis donc sur ces éléments qui me laissent à penser qu'il faut considérer aujourd'hui l'espace de regroupement scolaire, comme un espace de plus en plus public, alors que les espaces numériques sont sans doute à concevoir plus de façon privée et cachée. 

Je vais doute sans doute remballer ma boite à outils d'aide supposée aux apprentissages que j'ouvrais dans la classe et dont j'abreuvais chacun pour en construire une version numérique personnelle et que j'ouvrirai à la demande.

Il me semble aujourd'hui nécessaire de considérer la classe comme un espace public, c'est à dire dans lequel l'individu, au sein du collectif, n'a d'autre choix que de se conformer à la norme proposée par un élément extérieur ou de symboliquement s'en démarquer, suscitant souvent une réaction violente au passage. De plus toute tentative d'actualisation de son identité instantanée ne pourra se faire que sous le regard du groupe-juge.

Je pense donc pour les prochaines années inverser ma conception de l'espace et du temps scolaires. Je considérerai sans doute plus l'espace et le temps classe comme public et utiliserai les outils numériques, même s'ils sont collectifs, collaboratifs, en terme de différenciation, d'individualisation...
La réflexion n'est pas close. 


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