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L'entrelacement des crises économiques et écologiques

Publié le 01 mai 2013 par Rcoutouly

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Partout dans le monde, les débats économiques et politiques sont dominés par deux questions récurrentes:

-Comment retrouver la Croissance? Le constat majoritairement partagé demeure celui d'une croissance cyclique qui revient à terme régulier, entrecoupée de crises plus ou moins violent, la dernière étant particulièrement brutale.

-Quelles sont les bonnes pratiques pour développer la richesse d'une Nation et de ses habitants? Les partisans de la liberté économique, du moins d'Etat et moins d'impôts s'opposent aux défenseurs des politiques keynésiennes de relance par l'investissement public.

Ces deux questions occupent  le débat public alors qu'elles se révèlent finalement peu adaptées pour comprendre le monde nouveau dans lequel nous vivons désormais. 

-Le débat sur la place de l'Etat et de la liberté entrepreneuriale occupe tous les esprits. Mais est-il aussi essentiel qu'on veut bien nous le faire croire? On trouvera toujours des périodes et des pays où une politique particulière a été efficace dans un sens comme dans l'autre. En réalité, on sait qu'une "bonne" politique économique est faite d'un mélange subtil entre libertés d'entreprendre et régulation par les politiques publiques.

-Les cycles de croissance ont fonctionné jusqu'à la moitié du XXéme siècle dans les pays occidentaux. Depuis, que constate-t-on? Une baisse tendancielle inéluctable des taux de croissance s'impose désormais. Dans les années 60 et 70, sur une décennie, il était supérieur à 4% par an en moyenne dans les pays développés. Dans les années 80 et 90, il était compris entre 2,5% et 1,5%. Lors de la première décennie du siècle commençant, il est inférieur à 1%.  Ces chiffres doivent bien entendu être modulés selon les situations particulières: par exemple, les pays du sud de l'Europe ont connu des chiffres plus importants à la fin du XXéme siècle car ils étaient dans un processus de rattrapage des économies du nord de l'Europe.

Ces deux questions récurrentes occultent une autre interrogation celle d'un accès de moins en moins facile aux différentes ressources qui permettent à une économie de fonctionner. C'est une question fondamentale: sans espaces pour construire et produire, sans ressources énergétiques, une économie ralentit inéluctablement.

Nous faisons l'hypothèse que la baisse tendancielle des taux de croissance dans les pays développés depuis 50 ans s'explique, en grande partie, par des ressources de moins en moins disponibles. Les pays émergents, au contraire, vivent ce que nous avons connu dans les années 60: une dynamique d'investissements qui stimule leur croissance. Mais c'est un phénomène passager qui va disparaître quand ils seront équipés (en autoroute, en réseau électrique, d'eau, en hôpitaux et en écoles, ...).

Avec cette grille d'analyse, on peut  avoir une  lecture différente de nos taux de croissance:

-Si le Japon possède une croissance atone depuis vingt ans: n'est ce pas parce que les territoires insulaires et les ressources japonaises se révèlent limités?

-Si la France a un taux de croissance longtemps légèrement supérieur à ses homologues européens, n'est ce pas parce que la densité plus faible de l'occupation humaine a permis de continuer plus longtemps qu'ailleurs l'artificialisation des espaces par le développement de la péri-urbanisation et des zones commerciales en périphérie des villes?

-Si les Etats-Unis connaissent depuis quelques mois une embellie de leur taux de croissance, n'est ce pas parce que l'économie du gaz de schistes, l'apparition providentielle d'une nouvelle ressource a relancé temporairement leur croissance?

Si on accepte d'ajouter cette nouvelle grille de lecture à notre vision du monde, il faut alors avoir une autre lecture du monde économique dans lequel nous vivons.

Prenons l'exemple de la France.  Le patrimoine national y est estimé à 12200 milliards d'euros, dont 75% est détenu par les ménages. Les Français possèdent 3600 milliards d'euros d'épargne. Il s'agit de chiffres considérables qui donnent la mesure de la réalité d'un pays développé.  Même si cette richesse est très inégalement répartie, chaque Français profite d'une partie de cette abondance. Si on le divise en parts égales,  chacun profite de  l'équivalent de 200 000 euros.

Mais cette manne évolue dans le temps : or, il faut bien constater qu'elle ne peut que diminuer de manière inéluctable pour plusieurs raisons.

-la première est celle des mécanismes d'évasion et d'"optimisation" fiscale. Les personnes et les entreprises les plus riches se donnent les moyens de payer peu d'impôts dans le pays dont ils profitent. Chaque année, c'est l'équivalent de 60 milliards qui partent à l'étranger. La dette cumulée des différentes collectivités publiques françaises atteint aujourd'hui les 1700 milliards, soit 20000 euros par habitant. Elle était de 1200 milliards vers l'an 2000. Quelles que soient les politiques pratiquées (réduire la dépense ou accroître les prélèvements), ce manque à gagner, s'il perdure, va continuer de creuser le déficit du pays, un déficit qui est finalement celui de chaque habitant.

-la seconde est celle du déficit commercial énorme engendré par l'achat d'hydrocarbures. Nos besoins et notre dépendance énergétiques sont tellement importants que nous perdons chaque année l'équivalent de 60 milliards en achat d'énergie. La France s'est ainsi appauvrie de 600 milliards d'euros en une décennie, une fortune qui a enrichi les pays pétroliers qui viennent maintenant, en retour, acheter une partie du patrimoine du pays (biens immobiliers et entreprises).

-Il faut y ajouter l'achat de ressources non renouvelables, de métaux particulièrement, dont la France ne dispose plus, ses mines ayant été épuisé au cours du XXéme siècle. C'est probablement encore quelques milliards par an que le pays perd aussi dans ces achats.

Au total, la France perd donc au moins 120 milliards par an. Chaque habitant perd donc l'équivalent de 1500 euros par an de son patrimoine!

Même si ces chiffres ne sont que des ordres de grandeur, même si cet appauvrissement est très inégalement réparti, il s'agit d'une réalité dont il faut impérativement tenir compte. On peut faire évoluer les politiques menées dans un sens plus ou moins libéral, si on ne tient pas compte de cette analyse, on en pourra pas faire évoluer la société française. 

On comprend ainsi peut-être mieux le sentiment partagé d'une crise continue, d'un appauvrissement général, et d'une impuissance des politiques à résoudre les problèmes de la population.

Dans les grilles d'analyse de la crise économique, il est devenu indispensable de tenir compte de la réalité de la crise écologique qu'il nous faut ici définir : la crise écologique est une crise de la rareté de différentes ressources cumulée (les territoires agricoles ou urbanisés, les minerais, les hydrocarbures, ...). La crise écologique participe à la crise économique, elles sont étroitement entrelacées. 

Si on accepte ces assertions, on peut alors avoir une autre vision du mot "durable". Une économie durable serait alors une économie qui ne perdrait pas de sa richesse, à cause de l'achat de ressources non renouvelables. 

Il faut cesser de séparer crise économique et problème écologique comme si l'un n'avait pas de rapport avec l'autre. Les dégâts écologiques sur l'environnement ont déjà un coût qui ne pourra que croître dans les années à venir et qui viendra impacter la croissance.

 

Il faut donc revoir notre relation entre environnement et richesse. Réfléchir à la richesse d'une Nation, c'est se donner les moyens de la maintenir. Cela nécessite des ressources durables et renouvelables, cela exige le développement d'une économie circulaire qui réutilise et recycle, cela exige de nouveaux métiers, de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises, cela veut dire une relance économique différente et indispensable.


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