Elles sont des dizaines, dans le noir, debout, bousculées et transportées. Enlevées, sans savoir où elles vont. Elles sont trois à être sélectionnées. Parmi elles, Rhine, seize ans. Elles sont emmenées dans une superbe demeure, logées chacune dans une luxueuse chambre avec du personnel à leur disposition. Mais ce palace est une prison. Rhine, Cecily et Jenna deviennent les trois épouses de Linden, un jeune homme de vingt ans qui a déjà une première épouse, une jeune femme appelée Rose. Et le temps presse: à vingt ans, Rose n’a plus que quelques semaines à vivre. Comme toutes les filles depuis que la médecine a permis à une génération entière de se défaire de toutes les maladies, condamnant toutes les générations suivantes à mourir prématurément. Les filles à vingt ans, les garçons à vingt-cinq. Voilà pourquoi le monde va si mal, et que pendant que certaines pourrissent dans des orphelinats ou essaient de survivre dans la rue, on enlève des filles pour les revendre à des riches jeunes hommes en mal de descendance. Arrachée à son frère jumeau, sa seule famille, Rhine n’a plus qu’une obsession: s’enfuir. Elle se rend vite compte pourtant que Linden est à mille lieues de se douter du calvaire qu’elle vit, mais que ce n’est pas le cas de son père, Vaughn, qui appartient à la première génération et qui, non content de tenir la maisonnée d’une main de fer, mène au sous-sol de mystérieuses expérimentations pour trouver un antidote au fléau qui fauche la population dans la fleur de l’âge.
La sublime couverture et le résumé assez intrigant de ce livre avaient attiré mon attention. Je dois dire que sur beaucoup de points, je reste sur ma faim. Le début de l’intrigue est excellent et, pour une fois, j’ai apprécié qu’un livre jeunesse ne s’embarrasse pas du politiquement correct. Les jeunes filles qui ne sont pas sélectionnées sont abattues purement et simplement, les épouses sont des génitrices et même si Cecily a à peine treize ans, elle est clairement là pour avoir un enfant. Le système est tout particulièrement intéressant et je me suis plu à essayer de comprendre quel était exactement le rôle de chacun, si Linden était si innocent que cela, si Cecily et Jenna était réellement digne de confiance, à quel saint se vouer dans cette prison dorée.
Car Rhine elle-même petit à petit se prend à se satisfaire de cette vie protégée où elle ne manque de rien, à être solidaire de ses “soeurs–épouses” et à jouer le jeu que l’on attend d’elle, sans trop vraiment savoir pourquoi. Et le point fort de ce roman est probablement la manière avec laquelle il parvient à nous convaincre que la vie est idéale dans cette maison: même les domestiques semblent ravis, certains sortis d’un orphelinat où ils n’avaient aucun avenir. Les moindres désirs des épouses peuvent être exaucés, qu’il s’agisse d’un caprice en guise de repas ou d’un terrain de jeu dans le jardin, jusqu’à des détails ridiculement girly comme les bonbons colorés ou la mousse rose du bain. Ce sont d’infime détails qui viennent se glisser dans le paysage et le rendre grinçant, comme les fenêtres qui ne s’ouvre pas ou la carte magnétique qui ouvre l’ascenseur.
Pourtant, l’intrigue m’a semblé à de très nombreux niveaux bien peu creusée. On ne saura jamais ce qui se passe réellement dans les sous-sols, qui est vraiment Vaughn. Avec sa volonté d’éviter constamment de lever les soupçons, Rhine empêche aussi toute action réelle: j’espérais en permanence qu’elle essaie d’ouvrir les yeux de Linden, à défaut de se rebeller contre Vaughn. Mais elle se contente d’attendre, de raconter l’agonie d’une épouse, la grossesse d’une autre, en restant essentiellement spectatrice. Le rythme est très égal jusqu’à l’évasion de Rhine qui se déroule finalement avec une facilité presque déconcertante. Le tout reste donc un peu plat, même s’il se laisse lire sans difficulté aucune.
La note de Mélu:
Une bonne idée, sous-exploitée.
Titre original: Wither (traduit de l’anglais)
Un mot sur l’auteur: Lauren DeStefano est une auteure américaine.
catégorie “animal”