De vous à moi, je vais vous confier un secret: cette semaine, je viens de fêter mes quarante ans. Comme je vous le disais hier, je me trouve actuellement à Bâle, en Suisse, à la plus grande foire d’horlogerie du monde, Baselworld, d’où je partage avec vous mes coups de coeur parmi les nouveautés présentées. Quarante ans. Un cap important dans la vie d’un homme. Or il se trouve que le jour même de mon anniversaire, la marque Swatch a convié les journalistes de toute la planète à fêter avec elle ses 30 ans. Même date, chiffre rond, mais une décennie de différence. Mais voilà, cette coincidence de date à priori anodine est pour moi bien plus importante qu’il n’y paraît. Il se trouve que j’ai grandi à Neuchâtel, une ville de l’arc jurassien helvétique, région concentrant la plus grande densité au monde de marques horlogères. Là, les liens de tout un chacun avec la planète montres sont très solides, formés par des générations de travailleurs dans ce secteur, le patrimoine horloger et le savoir-faire se perpétuant de génération en génération. Justement, il n’en a pas toujours été ainsi. Dans les années septante, l’avénement des montres à quartz japonaises a failli tuer cette tradition locale. Concurrence, modernité et baisse des prix avaient rendu impossible la tâche aux productions suisses, restées fidèles aux mouvements mécaniques. Certaines marques disparurent alors à tout jamais, toutes y laissèrent des plumes. C’est à ce moment là que des esprits libres se révoltèrent: non, il n’était pas question d’enterrer ce trésor. La solution, à laquelle pourtant personne n’avait pensé, s’est révélée en fait simplissime: soigner le mal par le mal. Deux jeunes ingénieurs n’ayant rien à perdre, Elmar Mock et Jacques Müller,
mirent au point le prototype de ce qui allait devenir le plus grand best seller de l’horlogerie à ce jour: la Swatch! Un mouvement à quartz réduit à sa plus simple expression, un design et un marketing tout autant révolutionnaires: dès 1983, la reconquête était lancée. Paradoxe ultime, c’est justement grâce à cette petite montre à quartz et au large fruit de ses ventes que l’industrie horlogère suisse put être sauvée. Petit à petit, le monde entier fût inondé de cette drôle de toquante au tic tac unique, portant haut les couleurs du Swiss Made. De fil en aiguille, l’intérêt pour les montres helvétiques reconquit les consommateurs, permettant aux marques fabricant des mouvement mécaniques de survivre, puis de prospérer, avec comme figure de proue le groupe ETA, alors fabricant de la Swatch. Sous l’égide de Nick Hayek, ce groupe devint le plus grand fabricant de montres au monde, avec son portefeuille de marques unique, en adoptant le nom Swatch comme nom du groupe également. En 1983 donc, la Swatch fût commercialisée. Revenons, voulez-vous, à ma propre histoire: il se trouve que mes parents m’offrirent l’un de ces modèles. Elle était noire avec un fond blanc, et ce fût là ma première montre. Du coup, comprenez que cette coincidence de dates est pour moi, trente ans plus tard, touchante. Ce fût donc avec un plaisir non dissimulé que me dirigeai à la conférence de presse tenue par Nick Hayek Jr. dans un pavillon spécialement conçu pour l’occasion et exposant les 6300 modèles (oui, 6300) de Swatch lancés tout au long de ces trois décennies d’existence. Comme si la démesure de l’évènement en soi ne suffisait pas à faire l’actualité, voilà que Swatch prend toute l’audience de court en dévoilant la Swatch System 51: un nouveau modèle décliné en trois versions et équipé d’un… mouvement automatique. Il ne faut pas s’y tromper: l’innovation réside avant tout dans ce nouveau mouvement. Pourquoi 51? Parce qu’il n’est doté que de 51 composants. Et qu’il ne comporte qu’une seule vis centrale. Et qu’il dispose d’une réserve de marche de 90 heures. Et que sa fabrication est totalement automatisée. Innovation? Non, révolution! Alors que le monde horloger se livre une guerre féroce à coups de grandes complications, Swatch prend tout le monde à contre-pied en proposant… la simplification. L’histoire de Swatch se répéterait-elle à 30 ans d’intervalle? « La simplicité est la sophistication ultime », cabotine Nick Hayek Jr. en citant Leonard de Vinci. Joyeux anniversaire, Swatch! Outre cette nouveauté, la marque dédiera chaque jour de la semaine à un thème issu de son univers: Art, Fashion, Sports, Women, Colors. Je reviendrai sur ceux-ci en détail. D’ici là, je vous laisse: vais aller digérer mes quarante ans…