Yahvé me pardonne ! D’abord de braver l’interdiction et de prononcer son nom alors que le pauvre n’y est pour rien. Deuxièmement de ne pas suivre pleinement mon chemin intérieur en préparant à mon fils du Mandelbrot pour Pessah. Mais je suis bien obligé de me rendre à l’évidence, j’ai été une mère juive dans une vie antérieure.
Nettoyeur des bacs à sable
J’avais un peu senti le vent venir lorsque j’avais demandé à l’échographe de mentionné un crédit photo sur les tirages de l’écho du deuxième trimestre. Faut dire que le petit avait déjà un profil de médaille et je voyais poindre l’exploitation illicite du premier mannequin in-utero. Plus tard, les choses ne se sont pas améliorées et j’ai dû poliment demander, menaces de violences physiques à l’appui, le port obligatoire de la cravate au jardin d’enfant afin que mon petit ait un look décent. J’apporte donc un soin tout particulier à la protection rapprochée de la merveille des merveilles en situation de jeu extérieur. Le dernier en date qui a voulu tester l’attachement irrationnel que je porte à mon fils l’a appris à ses dépends lorsqu’il a osé un « dégage » en direction de ma progéniture sous prétexte qu’il le trouvait trop petit pour l’intégrer à sa partie de BeyBlade (6 mois, c’est trop petit pour les BeyBlades ?). Et bien je peux vous dire que le gamin lui a rapidement fait une place dans le cercle et qu’il va se retourner pendant un long moment chaque fois qu’il marchera seul dans la rue !
Gavage industriel au pays du foie gras
On parle souvent de la polémique autour des conditions dans lesquelles sont alimentées de force les oies destinées à garnir, en pièces détachées, nos plus belles tables de fête. Mais il est un scandale sanitaire bien plus alarmant face auquel les autorités ferment les yeux, le gavage des enfants ! Est-ce parce qu’adolescent, ma grand-mère ne savait me concevoir un repas de midi à moins de 12 000 Kcal et 5 plats différents, le dessert englouti au bord du malaise pantagruélique étant immanquablement recouvert d’un verre de Yop, mais j’ai une fâcheuse tendance à suralimenter le pauvre enfant. Ma grand-mère disait toujours, « mieux vaut faire envie que pitié » et à elle seule, elle aurait pu fournir intégralement le sujet d’une thèse sur les facteurs socio-culturels en matière de nutrition. Malheureusement, il y a eu quelques loupés dans ma réincarnation et j’ai laissé au pied du Mont Sinaï la recette des falafels. Du coup, essayez d’engraisser un gamin avec des carottes rapées !
La fête de l’école vue 150 000 fois sur youtube
Une fois correctement nourri et apprêté comme un premier communiant, mon petit n’a plus qu’à laisser s’exprimer son talent naturel pour conquérir les foules (enfin au moins le petit groupe qui constitue son entourage proche déjà tout acquis à sa cause). Je ne manque donc jamais une occasion d’immortaliser ses exploits, et ce n’est pas sans poser certains problèmes. Lors de la dernière kermesse, en charge du film officiel de l’événement, la maîtresse a moyennement gouté ma référence à Sergio Leone via 27’32’’ de plan serré sur mon petit déguisé en petit tambour. Surtout que le reste du film, je cadrais aussi sur lui, mais en plan américain. Pour les photos c’est pareil, j’ai dû racheter un vague bâtiment ministériel quai de Bercy pour avoir suffisamment de couloirs pour toutes les afficher. Au moins, je serai aux premières loges lors de mon prochain contrôle fiscal !
Je ne sais pas pourquoi, mais parfois, je me sens un peu en marge par rapport aux autres pères de famille qui prennent avec détachement et circonspection les exploits de leur progéniture jusqu’à ce que celle-ci soit en âge de partager un bière devant un match de foot. A ma prochaine réincarnation, je demande à revenir indépendantiste tchétchène, ce sera moins fatiguant !
B. de Rouge-Bouclier