Aujourd'hui fut une journée constructive. N'entendons pas par là que j'ai réussi à faire dix fiches de révision, revoir trois manuels de cours et en plus à ranger ma chambre jusqu'à la dernière poussière. Ce serait trop beau. Non. Cette journée fut psychologiquement constructive. Cet article va être un petit foutoir bien organisé, sans réel cheminement, mais j'ai besoin d'évacuer un peu, de raconter ma vie.
1) J'ai revu mon ex. Benoît, pour les intimes. C'est moi qui aies pris l'initiative du rendez-vous, parce que j'avais à lui parler. Je voulais une bonne fois pour toutes mettre cartes sur table, parler de manière honnête, pour pouvoir avancer plus efficacement par la suite. J'aurais pu survivre sans, évoluer même sans explications de sa part, mais c'est toujours plus facile avec. Et comme je suis pas dans la période la plus paillettée de ma vie, si je peux me simplifier la tâche, ça me va. Alors voilà. On est restés une heure, à parler de tout, de rien, à rigoler. Parfois, je le fixais, je décortiquais les détails de son visage, son sourire, et j'essayais de déterminer ce que ça me faisait. Rien. Plus une once de sentiments amoureux. Bien. Jusqu'au bout j'ai cru que j'allais me dégonfler. Arrivés à nos voitures, j'ai lâché la phrase : "J'aimerais te parler". Il a pas eu l'air content, le bougre. Mais c'est comme ça, jeune homme. J'ai commencé par lui demander si nous étions amis. Genre, vraiment amis. Il a dit oui, oui, nous sommes amis. J'ai dit que je le trouvais malhonnête. Il m'a demandé pourquoi. J'ai répondu qu'il m'avait quittée pour être seul, et qu'il était déjà avec quelqu'un d'autre pour du sérieux, et que sans jalousie aucune, j'avais juste l'impression qu'il m'avait mentie, et prise pour une conne. Il s'est un peu offusqué, mais bien sûr que non il ne m'a pas prise pour une conne, ce n'est pas parce qu'on quitte quelqu'un pour être seul qu'on est obligé de rester seul un an ! Il trouve lui aussi que c'est tôt, mais ça se passe bien, alors il y va. Il ne peut s'empêcher de me dire que je n'ai rien à lui reprocher, parce que moi aussi, j'ai quelqu'un. Envie de le gifler. Je lui dis premièrement que ce n'est pas moi qui suis partie pour être célibataire, et qu'en plus, il n'a rien compris, car ce n'est pas être en couple que je lui reproche. C'est l'incohérence de ses propos lors de notre rupture par rapport à la réalité actuelle. Bref, vous l'aurez compris. Rien de productif ne peut ressortir d'une conversation avec lui. Ou juste, entre nous. Nous n'étions pas faits pour être ensemble. Je le savais déjà. J'ai essayé d'amorcer une discussion honnête. Nous avons été honnêtes, mais nous étions dans l'animosité. C'est nul, quoi. Maintenant, je vais pouvoir avancer. Que ça se soit bien passé ou pas, il fallait juste que ça se passe.
2) J'ai eu mon deuxième rendez-vous chez ma nutritionniste. Je n'ai pas perdu beaucoup de grammes, mais j'ai bien dégonflé au niveau des mensurations. Elle me rassure en me disant que même si c'est peu, c'est normal au début, vu le programme établi. Maintenant, elle va me diminuer mes féculents, et je vais perdre beaucoup plus vite. De fil en aiguille, nous parlons de mon ressenti vis à vis du régime, du fait que ça soit dur de s'y tenir dans ma situation : étudiante à domicile, à moitié pro, à moitié sans emploi, à moitié je-sais-pas-quoi-faire-de-ma-vie. Elle me dit que je suis très méritante d'avoir bien suivi son programme. Je souris. Elle est gentille. Je lui dis que non, ça n'a pas été dur, les quantités étaient bien suffisantes, voire trop imposantes, car je n'ai plus d'appétit. Elle me demande pourquoi. J'hésite trois minutes, puis je lui dis. J'ai besoin de le dire à quelqu'un de l'extérieur, quelqu'un qui me comprendra. "Je fais une dépression, j'ai été chez le médecin, j'ai des médicaments, et je n'ai presque plus faim de toute manière". Elle ne semble pas étonnée. Elle me fait un petit sourire, puis me dit que je suis d'autant plus méritante d'avoir suivi et perdu des centimètres dans mon état. Je sens que ça l'intéresse tout ça. Elle me pose des questions : pourquoi fais-tu une dépression ? Il y a une raison, à ça ?
J'hésite. Je lui en parle ou pas ? Ce n'est que ma diététicienne, après tout. Je vais l'ennuyer, avec mes histoires. Et puis zut. Je dis que ce n'est qu'une accumulation. Et qu'il y a peu, j'ai eu quelques problèmes qui ont fait craquer le dernier nerf survivant. Elle me demande si c'est la rupture dont je lui ai parlé il y a quelques temps. Allez, je le dis ou pas ? Allez. Non non, c'est une histoire amoureuse, très dure à vivre au quotidien. Elle est intriguée. Je sais qu'elle a des enfants, un mari. Je ne peux pas lui raconter. Non. Je suis quelqu'un de mauvais. Elle me demande des détails. Et je lui dis tout.
Elle comprend à quel point je me sens mal. Elle comprend que je suis dans l'attente, et non dans la vie. Que c'est à moi de faire en sorte de concilier les deux, mais que mon état de santé psychologique me complique la tâche. J'ai l'impression de parler à une amie, elle me raconte sa vie, l'expérience de ses parents, qui se sont séparés pour que son père se remarie avec sa maîtresse depuis déjà seize ans. Seize ans d'attente. Seize ans qui en font, selon elle, une femme extrêmement patiente et courageuse. Elle ne la hait même pas, elle l'admire. Je suis étonnée qu'elle me raconte tout ça. Mais ça me fait du bien. On m'écoute, on me comprend, voire, on m'aime bien quand même. Punaise.
Elle finit par me faire une avalanche de compliments. Selon elle, je suis une jeune femme dégourdie, intelligente, battante et très méritante de réussir à continuer à me lever le matin, à réviser, à suivre mon régime, malgré ma maladie, malgré la situation d'échec dans laquelle j'ai sans arrêt l'impression d'être plongée. Quelqu'un semble impressionné par moi. Putain. Le pire, c'est qu'elle est sincère. Elle a un visage, un regard, un sourire gentils. Cette femme est une crème.
Nous parlons également de mon père qui, depuis que je suis toute petite, me rabaisse continuellement. D'abord, mon poids. M'appeler "gros cul", me faire sans cesse des remarques, me dire que je serais toute même plus jolie sans tout ce gras, et encore, je ne cite que les amabalités. Puis, remettre en cause mon intelligence, mon esprit, lorsque j'ai décidé d'abandonner l'université. Dire, même en public, qu'il me pensait intelligente et qu'en fait je ne le suis pas. Et enfin, au quotidien, me reprocher d'être comme je suis. Pas assez souriante, pas assez là, trop là, et t'as oublié de laisser la porte ouverte grosse merde, et je trouverai le moindre prétexte pour te parler comme à une crotte ma petite fille. Elle me dit que placée si souvent en situation d'échec, que ça soit par les autres ou moi-même, il ne faut pas que j'en fasse mon idendité. Mes proches me voient peut-être comme "Ellie, qui déconne avec son poids, Ellie qui fait n'importe quoi avec ses études, Ellie qui est même pas foutue d'être de bonne humeur et la dépression ça n'existe pas d'abord"... Mais je ne suis qu'Ellie, et pas ce qu'ils voient de moi.
J'ai envie de lui faire un bisou. Elle est géniale. Géniale. Elle me fait du bien. Le rendez-vous se termine, mais moi j'aimerais bien rester. Elle me dit de tenir bon, même si je n'ai pas perdu beaucoup. Elle a baissé ma quantité de féculents, et maintenant, je vais vraiment baisser. Elle ne voulait pas me faire perdre trop vite. J'y arriverai. Je suis une battante. Merci, vous êtes si gentille, que j'ai envie de vous dire que je vous aime !
Tout ça en quelques heures. C'est bien peu, pour ceux ou celles qui me lisent... Mais je pense que ça m'a fait un bien fou. J'en avais besoin. De me confronter à ce passé que je n'acceptais toujours pas, par trouille de penser à l'avenir, et de dire à quelqu'un, sans tabou, tout ce que je vivais. Quelqu'un qui m'a comprise, et m'a félicité d'être encore là. Belle journée.