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L’Ecume des Jours, mission suicide ?

Publié le 30 avril 2013 par Wtfru @romain_wtfru

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réalisé par: Michel Gondry
avec: Romain Duris, Audrey Tautou, Gad Elmaleh, Omar Sy, Aïssa Maïga, Charlotte le Bon
d’après le roman de Boris Vian
durée: 2h05

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SYNOPSIS
L’histoire surréelle et poétique d’un jeune homme idéaliste et inventif, Colin, qui rencontre Chloé, une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus absurdes, pendant qu’autour d’eux leur appartement se dégrade et que leur groupe d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du philosophe Jean-Sol Partre, se délite.

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AVIS
Après plus de 50 ans d’attente, on la tient enfin, l’adaptation cinématographique du chef d’oeuvre littéraire de Vian. Si personne ne s’y attelé auparavant (à part pour la télévision), ce n’est pas par manque d’intérêt, au contraire, c’est qu’aucun réalisateur n’a voulu se frotter à ce suicide annoncé. Quiconque a lu le roman comprendra immédiatement, pour les autres il faut savoir que l’Ecume des Jours est un livre purement surréel, acoquiné à un aspect visuel totalement absurde, un monde que se crée chaque lecteur pour lui même.
Difficile alors de créer quelque chose qui n’est pas palpable, de devoir inventer des objets, des situations non communes sans trop s’éloigner du livre. Et pour cette mission impossible, il n’y avait pas beaucoup de réalisateurs français autre que Michel Gondry. A vrai dire, il s’agit même du choix le plus incontestable. Un garçon lunaire, plus marqué par le visuel, l’émotion que par le scénario, tout comme la version bouquin, pas le dernier pour avoir toujours des idées géniales, à la recherche du petit détail qui fera la différence.
Ajouté à ceci un casting frenchie très bankable, c’est donc plein de curiosité et d’envie que l’on attendait la sortie du film.

Sans grande surprise, on en prend plein les yeux. Le problème, c’est qu’on en prend peut être un peu trop d’emblée. Le générique n’est pas encore terminé qu’on frôle déjà la crise d’épilepsie. Gondry a prit le parti de ne pas laisser s’installer le doute, on n’est dans un monde absurde et poétique, alors autant tartiner d’entrée histoire d’inclure le spectateur tout de suite. Il faut donc s’accrocher, quitte à s’arracher les paupières comme Colin (Duris) pour ne pas perdre le fil.
Les inventions du livre sont bien présentes, l’anguille dans les robinets, les repas, la souris (qu’on veut un peu trop d’ailleurs) et surtout le fameux pianocktail (à chaque note, un ingrédient et un cocktail différent selon la musique qu’on joue) mais elles sont toutes balancées les unes après les autres, dans un style « emballez, c’est pesé ». Cependant, difficiles à faire passer à l’écran, Gondry s’en sort plutôt bien dans le style et évite facilement que l’on trouve ça too much.
Pas le cas pour la danse du biglemoi par contre, sans doute la chose la plus difficile à adapter et qui s’en ressent fortement à l’écran. Cet allongement des jambes est tout à fait ridicule, quasi cartoonesque, et il faut toute l’ingéniosité dans la réalisation pour que la scène de danse collective ne tourne pas à la catastrophe, grâce à une mise en scène et des plans bien sentis.

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Le gros point positif, c’est que plus l’histoire avance et plus on fait abstraction du gavage d’images, comme si notre cerveau s’était finalement habitué à cette orgie venue d’un autre monde. Le film trouve son rythme de croisière après une grosse demie heure et atteint son apogée pendant le mariage de Colin et Chloé (Tautou), grand moment rempli d’amour, de beauté et de poésie. Moment clé du film, qui bascule ensuite, grâce à cette scène de soleil-pluie, dans la seconde partie, logiquement plus sombre (toujours pour ceux qui connaissent l’histoire). Et encore plus fort, c’est peut être cette dernière heure la meilleure. Moins de visuel en ce qui concerne les objets mais plus de sensations et d’empathies avec les personnages. On bascule petit à petit dans un monde moins coloré, plus étroit, jusqu’à finir sur du noir et blanc pur et simple. Encore une grande idée.
Mais, au lieu de tirer sur la corde sensible et l’émotion lacrymale de la situation, Gondry a choisi de jouer sur l’humour noir, le cynisme propre à Vian, et sur un côté lunaire qui lui est si cher. Il suffit de voir cette scène finale de l’enterrement qui aurait pu virer sur les pleurs mais qui réussit au contraire à nous arracher un petit sourire. Le réalisateur de Soyez Sympas, Rembobinez a réussit à imposer sa patte là où celle de Boris Vian ne pouvait être que très forte. Belle performance.

Forcément, dans un film qui mise autant sur notre sens visuel, difficile pour les acteurs de se faire une place. Chacun fait le minimum syndical, Duris et Tautou sont convaincants et mignons en couple amoureux, sans pour autant nous impressionner plus que ça. Gad Elmaleh dans le rôle du fan absolu de Partre est totalement anecdotique , ça aurait pu être quelqu’un d’autre qu’on y aurait vu que du feu. Il n’y a que Omar Sy qui tire vraiment son épingle du jeu dans son style à la cool et qui a vraiment mis de sa personnalité dans le personnage de Nicolas, le tombeur de ses dames. Les seconds rôles font le nombre également, sans difficulté mais sans grand jeu non plus et on appréciera les passages de Chabat, Laffite ou même Gondry en médecin.

Il fallait le faire, ça était fait, voilà. Ce n’est pas un chef d’oeuvre absolu mais on passe deux bonnes heures où l’on en a honnêtement pour son argent. La tâche était ardue, Gondry ne s’est pas planté et on est surtout content pour lui finalement. Il va sûrement dépasser pour la première fois le million d’entrées (même si en dessous de 2, ce serait une déception…) et ça c’est chouette. Puis si ça peut donner envie aux titous de lire ce livre, alors c’est tout bénef’.

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