Une pièce de Bill C. DavisAdaptée par Jean Piat et Dominique PiatMise en scène par Steve SuissaDécor de Stéphanie JarreCostumes d’Edith VesperiniLumières de Jacques RouveyrollisAvec Francis Huster (Tim Farley), Davy Sardou (Mark Dolson)
Le sujet : L’un, jeune séminariste, est impétueux et fervent ; l’autre, prêtre installé, pratique une foi moins radicale. Leur rencontre promet un débat sur les questions que se pose, ou devrait se poser, l’Eglise comme le sacerdoce des femmes, l’homosexualité…
Mon avis : Personnellement, je me suis séparé à l’amiable avec la religion vers mes 10-11 ans. Mais il n’empêche qu’étant scolarisé dans une école catholique, j’ai reçu une solide formation et, par la suite, j’ai eu de longues conversations sur la foi et la théologie avec des amis prêtres…Ce préambule pour dire combien j’ai été passionné de bout en bout par cet Affrontement entre un prêtre « installé » dans son confort et un jeune séminariste idéaliste. Je ne peux pas dire que j’ai suivi les débats religieusement car j’ai bien trop souvent éclaté de rire. Rien de tel que le prisme de l’humour pour faire passer les idées.
Cette pièce est une superbe réussite dans tous les domaines.D’abord par son décor moderne et très classieux, tout en tons de gris, concocté par Stéphanie Jarre. Les larges pans de murs sont traversés par des sortes de vitraux lumineux. Sur scène, un autel austère, deux chaises ouvragées. Côté cour se dresse une chaire au côté de laquelle une dizaine de cierges inégaux se consument. On se sent bien dans ce décor. D’autant qu’il se transforme à vue pour passer de l’église à l’appartement de Tim Farley. L’autel pivote pour se métamorphoser en bureau, les panneaux coulissent pour faire apparaître une bibliothèque ou des rayonnages plus secrets… Ce décor est magnifié par les lumières de ce magicien de l’éclairage qu’est Jacques Rouveyrollis… Et puis il y a la bande son qui a son importance. Des chants religieux et un harmonium mélodieux introduisent la montée en chaire du Père Farley. Puis, lors de chaque intermède, c’est la sublime chanson de Jeff Buckley, Hallelujah, qui s’égrène discrètement… Nous sommes donc placés d’emblée dans les meilleures conditions pour écouter le sermon du prêtre…
Il ne faut pas en révéler plus sur le déroulement de l’action.Les dialogues sont remarquables, vifs, ciselés. Le rythme des échanges est enlevé, nerveux, entrecoupé deux-trois fois de plages plus calmes lorsque les deux hommes sont dans la confidence, puis repart de plus belle en raison d’une sale blague dont Mark Dolson est friand et dont Tim Farley est la victime. Il y a de grands moments de drôlerie dont l’un des pics est le tout premier sermon prononcé par notre rebelle. Son discours, humaniste et progressiste, est dévastateur. Les « fidèles » que nous sommes devenus par la force des choses s’en esclaffent de joie.
Davy Sardou est la preuve vivante, dans cette pièce, que l’habit ne fait pas le moine. C’est la quatrième fois que je le vois jouer. Il m’avait particulièrement épaté par sa composition en Charles VII face à Jeanne d’Arc dans L’Alouette. Ici, il franchit encore un palier. Il ne donne jamais l’impression de jouer, il EST. Convaincant dans tous les registres, aussi à l’aise dans l’émotion que dans la fantaisie, il est d’un naturel confondant. Tout ce que dit son personnage, je suis convaincu qu’il le ressent au plus profond de lui-même. Et puis il a un sourire !... Je lui prédis une longue et belle carrière.
Je terminerai en saluant la qualité de la mise en scène de Steve Suissa. Tout en privilégiant une certaine arythmie, il s’est beaucoup basé sur la vivacité. Il a, c’est visible, exigé énormément de ses comédiens. Ils sont tout le temps au cordeau. Ils ne peuvent s’autoriser aucun relâchement. C’est de l’orfèvrerie.
Très sincèrement, je pense que le texte de L’Affrontement devrait être distribué et étudié dans tous les séminaires.