Jusqu’où iront-ils, que cherchent-ils? C’est une guerre qui est faite à la Grèce.
Paru dans OkeaNews
Pour permettre un nouveau versement courant mai, le gouvernement grec s’était engagé envers la Troïka à faire de nouveaux “efforts” et à mettre en place de nouvelles mesures. Le Parlement grec a voté cette nuit une loi visant la restructuration du service public et prévoyant le renvoi de 15 000 fonctionnaires d’ici 2014.
La rigueur continue en Grèce et le secteur public va revoir son budget à la baisse. En effet, suite au versement par les créanciers internationaux de la tranche de 2,8 milliard d’euros de prêts UE-FMI qui jugeait les efforts de la Grèce satisfaisants, une nouvelle tranche pour le printemps de 6 milliards d’euros a été discutée et pourrait éventuellement être débloquée à la mi-mai. Mais comme à chaque reprise et puisque toute peine mérite salaire (ou inversement?),cette nouvelle tranche ne sera effective qu’à la suite de nouvelles mesures prises par le gouvernement qui a dû faire quelques concessions.
Malgré les propos tenus dernièrement par le ministre des finances grecs Yannis Stournaras indiquant qu’il n’y aurait pas d’autres mesures d’austérité, une loi sur de nouvelles mesures a été votée à la Vouli (le Parlement grec) dans la nuit du 28 au 29 Avril. La loi a été adoptée par cent soixante-huit voix sur un total de deux cent quatre-vingt-douze députés présents et ne comporte qu’un seul article – une pratique fréquente pour contraindre les députés à voter l’ensemble des dispositions.
Une restructuration du service public et le renvoi de milliers de fonctionnaires ont été décidé. La perfusion financière peut ainsi continuer. De nouvelles professions devraient donc être ouvertes à la concurrence, néanmoins sous de strictes conditions, pour permettre à l’État de récupérer des milliards d’euros via les impôts et les cotisations sociales. La loi prévoit également le renvoi de 15 000 fonctionnaires d’ici 2014 dont 4000 en 2013. Les partis d’opposition ont par ailleurs dénoncé un amendement « déposé à la dernière minute » par M. Stournaras prévoyant la réduction du salaire minimum à 490 euros contre 580 euros actuellement.
Le groupe SYRIZA qui représente le principale parti d’opposition a également déposé une motion d’anticonstitutionnalité de la procédure d’urgence qui a été rejetée par le Parlement. M. Stournaras a répondu que la procédure d’urgence est nécessaire car l’Eurogroupe « doit se prononcer lundi sur la poursuite du versement des prêts »
Dimanche soir, une manifestation qui selon la police aurait rassemblé 800 personnes, a eu lieu devant le Parlement place Syntagma pour s’opposer à ces nouvelle mesures qui signifient la « destruction du service public » et la poursuite d’application de mesures injustes pour la population.
De plus, la suppression de tant de postes aurait pour objectif de résoudre le problème de la corruption et de l’incompétence dans le secteur public. Antonis Samaras a quand même tenu à assurer que des emplois seraient créés d’ici 2015 sur la base de nouveaux moyens de recrutement « entièrement méritocratique » pour laisser la place à une nouvelle génération. A cet égard, Paul Thomsen, chef de mission du FMI, a déclaré dernièrement en conférence de presse à Athènes, « cela m’a toujours étonné qu’il y ait un tel tabou à se débarrasser de gens qui ne sont pas à la hauteur ». Pour autant, rien ne dit que le moyen de recrutement « entièrement méritocratique » ne sera pas exempt de clientélisme, il faut se rappeler que durant la campagne électorale, la Nouvelle Démocratie avait encore démontré certaines aptitudes sur ce sujet.
Par ailleurs, le constat de l’échec des nombreux plans et l’enlisement négatif dans l’austérité imposés à la Grèce est quasi unanime, malgré une aide financière internationale qui s’élève au total à 240 milliards d’euros depuis 2010. Certes, quelques résultats, notamment en ce qui concerne l’alignement voulu des données économiques grecques au standard européen, sont constatables, d’autres un peu moins à l’image du rapport du Commissaire aux droit de l’Homme du Conseil de l’Europe.
Finalement comme le disait La Rochefoucauld : « le monde récompense plus souvent les apparences du mérite que le mérite même ».
Mise au point et rétrospective chronologique des différents plans de sauvetage et d’austérité appliqués en Grèce depuis 2009.
- Octobre 2009 :lors de l’Eurogroupe, la Grèce (alors sous le gouvernement Papandréou) annonce que le déficit public atteindra 12,5% du PIB contrairement au 6% prévu (soit 16 milliards d’€ de plus que prévu)
- Décembre 2009 : les agences de notation réduisent la note de la Grèce. Même si leur fonctionnement, leur légitimité et leur existence peuvent être remises en cause, leurs conséquences sur l’économie sont quant à elles bien réelles. La Grèce doit en effet reverser des taux d’intérêts faramineux à ses créanciers et les cours de la bourse d’Athènes ne cessent de s’effondrer. Papandréou annonce un premier plan de rigueur qui prévoit une hausse de la fiscalité et le gel du traitement des fonctionnaires et l’objectif est de passer sous la barre des 3% de déficit avant 2013.
- Janvier 2010 : La Grèce demande au FMI une « assistance technique » en matière d’administration fiscale et de budget sans qu’il soit encore question d’aide financière. Cette assistance consiste en l’envoi d’experts pour assister les ministères grecs liés au budget de l’État. S’ensuit alors l’annonce du gouvernement d’un gel des salaires dans la fonction publique pour ceux qui gagnent moins de 2000€ par mois, la TVA augmente, les primes dans la fonction publique diminuent de 30%, augmentation de la fiscalité sur l’essence, le tabac et l’alcool et les retraites sont gelées.
- Mars 2010 : Papandréou annonce qu’il est las d’emprunter à l’Europe à un taux aussi élevé et envisage de faire appel au FMI. L’implication du FMI divise les européens.
+ Les 27 se mettent d’accord sur un filet de sécurité commun avec le FMI pour soutenir la Grèce et la stabilité de la zone € dans son ensemble.Il s’agit d’une formule mixte prévoyant des prêts bilatéraux de pays de la zone euro et du FMI vers la Grèce à condition que la Grèce est épuisée toute autre option de financement mais Athènes n’a toujours pas demandé l’activation de ce plan. À savoir que Merkel refuse l’idée proposée par la Commission européenne pour un emprunt communautaire garanti pour les pays membres afin de financer un prêt européen à la Grèce.
- Avril 2010 : La Grèce demande officiellement l’aide internationale et demande l’activation du plan d’aide UE-FMI. Il faut également rappeler que la Grèce ne pouvait à ce moment là plus emprunter sur les marchés à cause des taux devenus prohibitifs.
- Mai 2010 : La zone € et le FMI discutent le premier plan de sauvetage pour la Grèce d’un montant de 110 milliards d’€ sur trois ans. En contrepartie la Grèce se voit imposer un plan d’économie de 30 milliards d’€ sur trois ans pour ramener le déficit public à 13,6% à moins de 3% du PIB d’ici la fin 2014. Il s ‘agit d’un effort budgétaire demandé à un pays sans précédent. Dans le secteur public, les salaires sont gelés au moins jusqu’en 2014, les 13e t 14e mois de salaire (c’était une particularité grecque étant donné les salaires déjà très bas) sont supprimés. Les indemnités touchées par les fonctionnaires, après avoir déjà été réduites de 12% sont à nouveau réduites de 8%. Pour les retraites, les départs anticipés sont réduits et l’âge légal de départ est lié à l’espérance de vie. Les 13e et 14e mois de pension sont eux aussi supprimés. Une augmentation de la TVA de 19 à 23%. des impôts exceptionnels sont crées et la fiscalité immobilière est revue à la hausse. Le lundi 3 mai,le gouvernement dépose au parlement grec le projet de loi pour faire voter les mesures fiscales et permettre de débloquer la première tranche de l’aide internationale. Le 6 mai le nouveau plan d’austérité est adopté
- Novembre 2010 : Eurostat annonce que le déficit de la Grèce dépasse les prévisions et atteint 15,4% du PIB, du coup de nouvelles réformes sont demandées à la Grèce.
- Février 2011 : l’Institut Bruegel annonce que la dette de la Grèce est insolvable et que de continuer à prêter à la Grèce ne résoudra pas la solution.
- Mars 2011 : Athènes s’engage à accélérer son programme de privatisations. En échange le pays obtient une baisse des taux d’intérêts des prêts et l’allongement de leur durée.
- Avril 2011 : Papandréou annonce un deuxième plan d’austérité avec pour objectif de réaliser 26 milliards d’économies supplémentaires d’ici 2015
- Juin 2011 : Remaniement ministériel, E. Venizelos est nommé ministre des finances ce qui permettra au Gouvernement d’obtenir du Parlement un vote de confiance pour le nouveau plan d’austérité. Résultat : une nouvelle tranche d’aide de 12 milliards d’€ est débloquée.
- Juillet 2011 : Deuxième plan d’aide de la Grèce est discuté d’un montant de 159 milliards d’€ impliquant pour la première fois les institutions financières privées qui doivent accepter une perte de 21% de leurs créances.
+ Le Président de la Commission Européenne met en place sous sa direction la Task Force soit une équipe de 20 fonctionnaires à Bruxelles et 15 à Athènes qui doit encadrer les quatre fléaux grecs qui concernent l’encadrement de la collecte des impôts et sa gestion, l’accélération du règlement des différends sur l’imposition qui traînent devant les tribunaux, le renforcement des audits informatiques des contribuables et la mise en place d’un contrôle accru des contribuables les plus fortunés.
+ le taux de chômage s’élève à 15,1%
- Octobre 2011 : Accord de juillet ne sera jamais appliqué à cause des doutes sur la soutenabilité de la dette grecque.
+ Le plan sera doté de 130 milliards d’€ accompagné d’une recapitalisation des banques à hauteur de 106 milliards d’€ et celles ci acceptent de renoncer à 50% de la dette grecque qu’elles détiennent (soit 100 milliards ‘€), le tout accompagné d’une mise sous tutelle de la Grèce.
Samaras ,en échange de l’acceptation du plan de sauvetage qu’il refusait jusque la et qu’il voulait renégocier,exige la démission du gouvernement et la mise en place d’un gouvernement de coopération transitoire avec deux seules missions: la conclusion du nouveau programme d’aide a la Grèce et l’accord de la participation des créanciers prives a la réduction de la dette grecque.
Annonce du référendum par Papandreou sur le plan. Face à au tollé européen, il renonce et démissionne le 9 Novembre.
Le PASOK et Nouvelle Démocratie s’entendent pour former un Gouvernement de coalition. Lucas Papadimos en sa qualité d’ancien directeur de la Banque Centrale Européenne jouit d’une forte crédibilité au niveau européen.
Sa toute première tache sera d’obtenir les 8 milliards de la 6e tranche d’aide. L’équation est difficile a résoudre car depuis le 7 novembre, les ministres des finances de la zone euro exigent l’engagement par écrit des forces politiques qui participent au gouvernement sur le respect du programme afin d’éliminer les incertitudes et les ambiguïtés dans le futur. Au départ, Nouvelle Démocratie campe sur son non ce qui éxaspère les créanciers internationaux qui estiment ne pas pouvoir débloquer les 8 milliards d’euros sans visibilité a long terme sur les politiques menées en Grèce. Samaras finira par céder et l’Eurogroupe donnera son feu vert pour le versement de la 6e tranche d’aide.
- Janvier 2012 : – les banques suspendent les négociations avec le gouvernement grec pour cause de désaccord.
Coup d’envoi des négociations avec la Troïka pour la mise en place d’un deuxième plan de sauvetage. Le Laos se retire du gouvernement pour manifester son opposition.
- Février 2012 : la Task Force est doté d’un pouvoir de contrôle sur l’application du programme économique.
Le Parlement adopte un nouveau plan de rigueur et les pays de la zone euro se mettent d’accord pour un nouveau plan de sauvetage → 21 février, réunion de l’eurogroupe qui finalisera le plan d’aide à la Grèce. Vue la réticence des pays membres à mettre la main a la poche, il est de plus en plus évident que le fardeau doit retomber sur les épaules des banquiers qui finiront finalement et difficilement par accepter. Sur le fond, le plan d’aide s’élèvera a 130 milliards d’euros jusque fin 2014 surtout via des prêts accompagnés d’un effacement de 107 milliards sur les 210 milliards de la dette de la Grece détenue par les créanciers privés, banques et fonds d’investissements sur un montant total de 350 milliards d’euros. Ces derniers doivent accepter sur une base volontaire un effacement de la dette de 53,5% de la valeur nominale de leurs créances ce qui représentent en termes réels une perte de plus de 70%. Le nouveau programme vise a ramener la dette de 160% du PIB en 2012 a 120% en 2020. En échange de cette dette, un plan d’économies de 3,3 milliards d’euros va être appliqué sans pouvoir exclure de nouvelles mesures d’ici juin. Mais les doutes persistent étant données les élections anticipées prévues pour le printemps 2012.
- Mars 2012 : l’Eurogroupe déclare que la Grèce remplit les conditions pour le second plan d’aide avec quelques jours plus tard le versement de la première tranche.
- Juin 2012 : réduction des dépensée sociales de 9%
- Août 2012 : La Grèce s’engage à réaliser les réductions de dépenses de 11,5 milliards d’euros réclamées par l’Union européenne et le FMI mais veut davantage de temps pour mettre en œuvre les réformes exigées.
- 27 Novembre 2012 : Accord de la zone euro et du FMI sur les moyens de réduire la dette grecque ainsi que sur le versement attendu d’une aide financière. Ainsi les pays se sont finalement entendus avec le FMI pour que la dette grecque soit ramenée à 124% du PIB d’ici 2020, contre un objectif initia de 120% défendu par le FMI. Les ministres de l’Eurogroupe ont donc décidé un grand nombre de mesures souvent complexes, parmi lesquelles figurent un rachat par la Grèce de titres de dette, la réduction significative des taux d’intérêt des prêts bilatéraux déjà consentis à Athènes, un allongement de 15 ans de la durée de remboursement des prêts et un report de 10 ans pour le paiement des intérêts. Les gains réalisés par les banques centrales nationales et la BCE sur les obligations grecques qu’elles détiennent seront rétrocédés au pays sur un compte bloqué. Outre cet allègement, les ministres ont décidé de débourser un total de 43,7 milliards d’euros, bloqués depuis des semaines. Une première tranche d’un peu plus de 34 milliards devrait être versée le 13 décembre. Le versement du solde se fera en trois tranches au cours du premier trimestre 2013.
- 3 décembre 2012 : réunion de l’Eurogroupe. Les ministres des finances de la zone euro attendent des informations sur l’opération de rachat de la dette que mène Athènes, et un audit du secteur bancaire à Chypre qui doit être finalisé dans les prochains jours, avant de prendre une décision sur les plans de sauvetage et de décider du déblocage de la tranche d’aide de 34,3 milliards.
- 11 décembre 2012 : La Grèce achève officiellement son appel d’offres pour le rachat d’une partie de la dette. 30 milliards de créances sont rachetées en vue de réduire la dette souveraine de 20 milliards
- 13 décembre 2012 : A l’issue d’une réunion de ses ministres des finances réunis à Bruxelles, la zone euro a décidé, jeudi 13 décembre 2012, de débloquer 34,3 milliards d’euros d’aide à la Grèce laquelle était gelée depuis des mois. Cette somme comprend 16 milliards d’euros pour recapitaliser les banques grecques, 7 milliards pour les dépenses d’État et 11,3 milliards pour couvrir l’opération de rachat de dette.
Source: OkeaNews