Triomphe, Pavane

Publié le 30 avril 2013 par Bertrand Gillet

Épais EP et dense musique.

Pourquoi la chronique longue, détaillée, circonstanciée ne serait-elle réservée qu’au Lp, format roi qui, depuis les prolifiques sixties, dicte sa loi ? La chose étant dite, actée, passons aux choses sérieuses. Humm… Sous l’arc de Triomphe où sommeille le soldat inconnu s’est réveillée une force pour l’instant méconnue. Quoique. De l’architecture centenaire aux héros maintes fois célébrés, elle a conservé le nom comme une adresse préventive à celles et ceux qui découvriront le délicat objet de carton dont l’intérieur semble préserver le meilleur. TRIOMPHE. Tout un programme. Ce n’est pas une voiture grand luxe, pas un cri ou peut-être les deux tant la musique que l’on y trouve, vivifiante, fusèle ses notes, ses thèmes avec l’efficience d’une rutilante berline à la vrombissante motorisation. On pense de suite à la DS. La comparaison n’est pas anodine tant l’inspiration de TRIOMPHE, aka Charles-Baptiste et Alexandre Chatelard, puise dans cette imagerie post choc pétrolier. Charles-Baptiste, qui s’apprête à baptiser cette variété alternative en plein boom, et Alexandre Chatelard, châtelain de la pop cinéphilique, sont deux personnalités autonomes ayant décidé un jour de croiser leur destinée le temps d’un EP, mirifique, et d’un album – prévu pour bientôt – dont le chroniqueur sait déjà à quel point il va séduire, compter, peser. Ce premier témoignage se pavane donc entre plusieurs époques et a le bon goût de mixer les influences qui ici ne relèvent en aucun cas de la posture, du trip « arty » pour hipster en mal de nouveauté – et surtout de reconnaissance. De son enfance passée à écouter classiques et romantiques – Conservatoire oblige– sans omettre d’ajouter à cette playlist éducative les empereurs du prog, Charles-Baptiste aura retenu le très mélancolique thème de Maurice Ravel, Pavane pour une infante défunte. Fort d’un esprit touche-à-tout, élevé aux grains des chefs-d’œuvre du 7ème art – Un homme et une femme, Un éléphant ça trompe énormément – et des BO de Cosma et de Legrand, Alexandre Chatelard synthétise depuis 2010 ces références chéries dans ses éprouvettes analogiques. Avec leurs allures de têtes pensantes, nos deux esthètes pensent TRIOMPHE comme un véritable projet multimédia – sons, visuels, clips –, un mini album concept comme on savait les envisager à l’époque des mastodontes pop, Camel, Tangerine Dream et autres Jean Michel Jarre. La formule sera instrumentale, symphonique et électronique. Trinité rêvée. À l’écoute de ce Ep, les anges dans les cieux modulent sur leurs tables de mixage des chants magnétiques. En trois thèmes, ils prônent l’innocence dans la mélancolie synthétique. Pavane explore particulièrement bien cette dimension sentimentale quand Rothschild, par sa tension échevelée, accélère le cours du temps comme une série dans les saisons s’enchaîneraient sans attente. Roman, quant à lui, réserve sa part d’étonnement et de mystère et les claviers scintillants et son harmonica plaintif y sont pour beaucoup. Au fond, Triomphe a d’ores et déjà réussi ce qu’un groupe comme Château Marmont recherchait depuis des années : une musique formellement électronique et intrinsèquement mélodique. Une pop dansante, sans paroles mais profondément historiée. Narrative et émotive donc. Ces impressions heureuses résisteront-elles au temps de l’exaltation artistique qui précède le temps promotionnel ? Il faut le croire, l’actuel album en préparation renforçant l’argumentaire que les musiciens déploient par instruments interposés. Édifiant constat d’une musique réfléchie mais qui ne cède jamais aux artifices glacés de la mode, de l’effet toujours vain. Triomphe renvoie aux heures les plus folles de l’expérimentation musicale, à une époque bénie où tout était permis. Le talent y compris.

Pavane par Triomphe, sur vos plateformes de téléchargement légal of course :

https://itunes.apple.com/gb/album/pavane-ep/id622784728




30-04-2013 | Envoyer | Déposer un commentaire | Lu 5 fois | Public Ajoutez votre commentaire