L'esprit humain travaille souvent par association, deux événements qui surviennent en même temps ont souvent l'air d'être liés.
Ces associations sont courantes, mais simultanéité n'est pas causalité. Deux événements peuvent survenir en même temps et n'avoir aucun rapport l'un à l'autre.
Dans la logique booléenne, si une condition A implique une condition B (A==>B). Alors si la condition A est vraie, la condition B est systématiquement vraie.
Dans cette relation simple, il faut noter que l'inverse n'est pas vrai. Si B est vrai, on ne peut rien déduire de la valeur de A. Par exemple, si il est vrai que tirer sur un homme à bout portant (A) implique sa mort (B), il est faux de supposer que tout homme mort l'est d'une balle tirée à bout portant. La mort (B) peut avoir bien d'autres causes: la noyade (C), la mort naturelle (C), etc... Pour que les valeurs de B ait une influence sur A, il faudrait qu'une relation symétrique existe, du type B ==> A.
Dans la nature, les relations de causalité pures restent théoriques: Fumer pourra entrainer votre mort, mais il est facile de trouver des contres-exemples. On dit que Jeanne Calmant fumait beaucoup et jusque tard dans sa vie...
Dans la réalité, les événements ont souvent des causes multiples, et les relations de causes à effet sont diluées dans le bruit des facteurs aggravants et contributeurs. Pour examiner la relation entre le tabagisme et la mort, il faudrait aussi prendre d'autres facteurs: antécédents familiaux, manque d'exercice, alimentation, etc.
Et la dette dans tout ça ?
Pour revenir à notre thématique financière, le petit monde des économistes du Web est entré en ébullition la semaine dernière avec la publication d'une étude remettant en cause les calculs de l'étude de Reinhart & Rogoff dont j'avais déjà eu l'occasion de parler.Cette étude et son auteur dont les résultats ne sont pas aussi incriminant que l'ont pourrais penser, remettent à l'ordre du jour cette question essentielle: Qui le premier de l’œuf ou de la poule ? Et par extension de la crise ou la dette ? de la dépense ou de l'austérité ?
En effet, suivant les termes de cet étude, les économies endettées à moins de 30% du PIB ont crues sur la période 1946-2009 de plus de 4% en moyenne, celles endettées entre 30% et 90% ont crues en moyenne de 3%, et quand à celles endettées à plus de 90% , elles auraient crûes de seulement 2.2% en moyenne.
Il serait simple de penser qu'un état endetté entre automatiquement en crise, mais peut-on vraiment établir cette relation de cause à effet ? Cette question n'a pas échappée au célèbre blogueur et économiste Paul Krugman, dans un article intitulé Grasping at Straw Men.
Dans cet article, Paul Krugman, pointe d'abord la faiblesse statistique de la relation mis en avant par l'étude. En effet suivant ses calculs à lui, une réduction de 2% du déficit pendant 10 ans, se traduit la décennie suivante par une hausse du PIB de... 0.23%. On peut difficilement parler d'une relation forte et systématique.
Ensuite, pour revenir à notre démarche initiale, il faut se poser la question de savoir si le problème n'est tout simplement pas inversé. C'est lorsque l'économie va mal que les états ont tendance à s'endetter. On voudrait voir dans l'endettement des états une cause de la crise, mais n'en est-ce pas plutôt un symptôme ?
Il est vrai que pendant des années, l'économie européenne s'est adossée à la dette, mais si il y avait eu une croissance soutenue, les états se seraient financés par la croissance de l'économie et la hausse des entrées fiscales qu'elle entraine.
Enfin il faut insister sur la faiblesse des relations que cette étude fait apparaître. Pour arriver à une conclusion, elle considère un échantillon réduit dans le temps et dans l'espace. Qui pourrait penser que la période qui a suivie la seconde guerre mondiale est réellement représentative des années qui l'ont précédée et de ceux qui lui font suite (voir cet article en anglais) ?
Ces considérations trouvent une application directe dans le sort de la France d'aujourd'hui. Sous prétexte d'austérité et de contrôle des dépenses, sois disant générateurs de croissance économique, on voit disparaître toute ambition de mener dans ce pays des grands projets qui pourraient payer dans les années à venir.
Je pense à titre personnel qu'à choisir entre économiser et investir, il vaut mieux investir. Le retour sur investissement sera toujours plus haut que celui de l'épargne.