Anne-Marie Soulier traduit de nombreux poètes norvégiens. À la demande de Poezibao, elle a conçu cet ensemble
autour de Torild Wardenær.
On trouvera ci-dessous une petite note de présentation de cette poète et
plusieurs textes, avec originaux, traduits par Anne-Marie Soulier.
Torild Wardenær est née en 1951 à Stavanger, une petite ville côtière du
sud-ouest de la Norvège, où elle vit toujours. Depuis la parution de son
premier recueil de poèmes, I Pionertiden
(Au temps des pionniers) en 1994, son œuvre n’a cessé de s’enrichir et de
recevoir de nombreux prix.
Ce qui frappe d’emblée dans sa poésie, c’est la liberté extrême des va-et-vient
entre le monde physique et les spéculations métaphysiques. Le temps est tout à
la fois le temps « poétique » de la sensation contemplative et le
temps des « savants »,
philosophes, astronomes, mathématiciens. L’auteur voyage sans embarras
ni contraintes entre les ères passées les plus éloignées, Moyen Âge,
Renaissance, Antiquité, et des avenirs de science-fiction, sorcière ou déesse
mue par son seul désir, sa seule et insatiable curiosité. D’un recueil à
l’autre, le voyage explore nos héritages les plus reculés, jusqu’à spéculer
autour du boson de Higgs dès l’année 2010, alors que l’existence de cette
particule élémentaire de notre univers n’était encore que pure spéculation mathématique.
Mais pourquoi y aurait-il contradiction entre l’art et la matière ?
Pourquoi la recherche scientifique serait-elle incompatible avec la beauté du
monde ? Qu’on la mesure en lux
ou qu’on la nomme « lumière », ne s’agit-il pas de la même clarté, et
de notre avidité à en percer les secrets ?
[Anne-Marie Soulier]
Bibliographie :
I Pionértiden, 1994
Null komma to lux, 1995
Houdini til minne, 1997
Døgndrift, 1998
Titanporten, 2001
Paradiseffekten, 2004
psi, 2007
Mens Higgsbosonet gnager, 2011
En français :
Quelques poèmes extraits de Paradiseffekten
traduits par Hélène Hervieu, Nouvelle Revue Française, juin 2005
Poèmes traduits par Anne-Marie Soulier pour l’anthologie « Trois poètes
norvégiens », éditions du Murmure, Dijon 2011.
Les traductions ci-dessous sont pour l’essentiel empruntées à ce recueil, sauf
la traduction du dernier texte, encore inédite (traduction du « Boson de
Higgs » en cours).
Héritage CCCXXXVI
Rituel chlorophyllien I
Me voici donc arrivée à ce troisième millénaire, à demi en armes, à demi
désarmée,
car le vert a soif de l’eau où baigne mon sang millénaire, ou bien est-ce
qu’il m’évite, qu’il me survivra, ou bien sommes-nous de la même force ?
Vais-je donc rester plantée là, au nord de l’Europe, dans l’éternel retour de
la chlorophylle, assignée à lentement traduire tout cela en un poème mal ficelé
tandis que la lumière, l’eau et les sonnets des maîtres, fracassés, éclatés,
s’éparpillent sur villes et chemins,
qu’il faut les repêcher, les remettre en circulation avec les arbres et les
oiseux alentour,
mais aussi avec tout ce que je veux encore pouvoir désirer :
les régions tempérées, les quarks minuscules qui règnent en cachette sur la vie
et la mort,
mais par-dessus tout les trente-six humains dont la bonté, en tout temps, tient
le monde debout.
Torild Wardenær, extrait de Boson de
Higgs, traduction en cours d’Anne-Marie Soulier.
Lire six autres poèmes de Torild Wardenær, avec leur version originale :
Téléchargement Torild Wardenaer