Rectify, "Always There" - My Review

Publié le 29 avril 2013 par Andersonmother

VOICI LA CRITIQUE DU PILOT QUE J'AI EFFECTUÉ POUR SÉRIESADDICT.FR
Au fin fond de la petite ville de Paulie, en Georgie, Daniel Holden, un homme qui, après avoir passé 19 ans dans le couloir de la mort à cause du viol et du meurtre de sa petite amie, est relâché grâce aux preuves liées à son ADN. Il redécouvre alors ce qu’est la vie en liberté.
Le Festival de film de Sundance n’est plus ce qu’il était par le passé. Il a perdu de sa superbe avec le temps, perdant par la même occasion sa raison première : la découverte de petits films indépendants, au profit d’un regroupement de hipsters se croyants au fin fond de leur cher Utah plus intelligent que leurs homologues hollywoodiens. Le Festival crée par Robert Redford en 1985 révèle encore certaines pépites telle que Little Miss Sunshine, en 2006. Mais cela fait de plus en plus office d’exception. Le fossé entre films d’auteurs et blockbusters s’est affiné avec les années. Les premiers sont de plus en plus difficiles à mettre sur pied, et les deuxièmes attirent ponctuellement de façon exponentielle, mais plus généralement de moins en moins. Les petits et gros films partagent de plus en plus, hélas, un cruel manque de qualité et de créativité. Et pour cause, la créativité et les acteurs de cinéma sont maintenant plus présents sur le petit écran, qui n’a pas peur de proposer des histoires compliqués avec personnages ambivalents à tendance perturbés, pouvant êtres destinés à une fin tragique, là où le cinéma court désespérément après le happy-end que ses spectateurs lui demande en masse. Tout le contraire des téléspectateurs. La TV américaine a vécu un complet renouveau grâce aux chaînes du câble tel HBO ou AMC (qui ne proposait, à la base, que du cinéma et fait partie du groupe AMC Networks avec IFC, WE tv, et… Sundance Channel), et plus récemment grâce aux sites internet à la demande tel Netfix.

Rectify a donc débuté le 22 avril dernier sur la chaîne américaine, Sundance Channel, prenant la suite de la série de Jane Campion : Top of the Lake. Rectify commencera ici dès le 9 mai, à 21h, sur le Sundance Channel français. Prouvant encore une fois que le système de diffusion est véritablement en plein changement, comme dernièrement avec Netfix pour House of Cards, ou HBO pour Game of Thrones, qui proposent leurs séries aux spectateurs de façon internationale. Il était temps que cela commence à se démocratiser.
Ce premier épisode est tout dans la contemplation. C’est comme si Terence Malick renaissait de ses cendres créatives, abandonnant le cinéma, pour une association télévisuelle avec Jason Katims. En fait, il ne s’agit d’aucun des deux, mais du partenariat de Ray McKinnon (vu dans Deadwood et Sons of Anarchy) et des producteurs de Breaking Bad (Mark Johnson et Melissa Bernstein). Ce qui n’est pas mal du tout, vous en conviendrez.

La scène diffuseur n’est finalement pas un hasard, car à mesure que vous regardez ce season premier, c’est comme si vous regardiez un long-métrage et non une série. Seul le générique, mélange de photographies retraçant la vie de cette famille, vous le rappelle. D’ailleurs, très beau montage agrémenté de ces quelques notes d’instruments à corde et percussions. Le rythme de l’épisode est très lent. L’image, les couleurs et le montage sont très travaillés. Le jeu des acteurs est absolument irréprochable. Mention spéciale à Aden Young qui est magnifique tout en retenue, mélange de force tranquille et candeur.

Abigail Spencer est charismatique dans ce rôle de sœur qui s’est toujours battue pour la libération de son frère. Elle est son meilleur avocat. Elle est tellement heureuse de retrouver enfin son frère, qu’elle irradie de bonheur, blaguant et souriant en sa compagnie, ce qui est contagieux et apporte la lumière dont Daniel a justement besoin. D’ailleurs l’actrice irradie tout bonnement l’écran de sa beauté naturelle, sans fard. Elle est juste superbe.

J. Smith Cameron est également magnifique dans ce rôle de la mère, qui fait tout pour ne rien montrer de ses émotions à l’extérieur, ne sachant comment gérer le retour de son fils au sein du foyer.

Au premier visionnage, plus de références cinématographiques viennent à l’esprit, tel : - La ligne verte, pour le parallèle fait avec le héros retrouvé auprès du corps de sa petite amie sans vie et la même façon dont il en a été déduit qu’il était le meurtrier. D’ailleurs le sénateur pourrait avoir besoin d’une petite lecture de la psychologie pour les nuls, car il ne connaît rien de ce que l’on appelle « état de choc » visiblement. Déduisant que parce que Daniel a été retrouvé sans larmes, ni cris auprès du corps, c’est évidemment la réaction d’un tueur de sang-froid. Qui plus est, s’agissant du petit ami de la victime. - Les évadés, pour la difficulté d’acclimatation à la vie en société, après avoir passé tant d’années dans le système carcéral. En prison, il avait ses livres et son « lethal injection humor ». Dehors, il découvre un monde rempli d’écrans plats, d’ordinateurs, tablettes et autres portables, et de personnes qui ont continués leur vie sans lui. - les films de Malick pour la photographie emprunte de mélancolie.

Comme Daniel le dit aux journalistes, à sa sortie de prison, il a passé ces vingt dernières années ne faisant pas de projet de futur. Se trouver dans le couloir de la mort ne vous donne pas vraiment cette chance. Il soit donc repenser sa vie d’une tout autre façon. Quoi faire de ce nouveau demain qui s’offre à lui ? Quoi faire d’autre que passer ses journées sur son lit ? Comment apprendre à interagir de nouveau avec le monde extérieur dont il a été coupé si longtemps ? Autant de questions auxquelles nous tentons de répondre avec lui. Pour souligner son malaise dans ce nouveau monde, c’est comme si chaque son était amplifié, histoire de souligner sa difficulté d’acclimatation et nous aider par la même occasion à comprendre par quoi il passe. Notamment dans les petites scènes de la prison qui ne peuvent nous laisser indifférents et mal à l’aise, favorisant l’empathie.
Nous avons tous vécu, à un moment donné de notre vie, sans pour autant être passé par la case prison, un événement qui a plus ou moins changé notre quotidien, que ce soit un passage à l’hôpital plus ou moins prolongé, le choix ou l’obligation de quitter sa ville/famille ou son pays pendant un certain temps et revenir après alors que les gens ont évidemment continués à vivre, sans vous. Et vis versa. Vous avez changé/évolué/vieilli de votre côté, et quand vous retrouvez les vôtres, c’est comme si une certaine connexion était rompu.  Ce qui pourrait expliquer que pour le moment, à part avec sa sœur, il est plus simple à Daniel de communiquer avec son jeune demi-frère ou la femme de son autre demi-frère, car il n’y a pas souvenirs passés communs avec lesquels comparer. A tout cette partie émotionnelle/relationnelle, vient en plus s’ajouter le facteur société de consommation et produits à l’obsolescence programmée parfois difficile à suivre pour nous au quotidien, alors imaginez avec un hiatus de 19 ans…

La difficulté est au final autant pour lui de reprendre pied dans « la vraie vie » que pour sa famille de se réhabituer à sa présence, et à une certaine « normalité » qu’ils n’ont presque jamais connu. Comme le dit si bien Janet à sa fille. Mais on voit aussi combien cette expérience a pu bousiller toute cette famille à différents niveaux, même s’ils essayent de ne pas perdre la face, à l’image de la mère qui est tout en retenue. Ou la sœur qui tente de rester forte, même face à l’acharnement de la police, mais n’est au final une jeune femme ayant dû porter un poids trop important, sauver son frère, la moitié de sa vie.
L’autre difficulté de Daniel est de faire face à la ville et ses habitants qui le considèrent toujours aussi coupable, car au final il n’a pas été innocenté, mais sortie de prison grâce à un providentiel test ADN qui s’avérait ne pas être le sien. Ses plus fervents opposants se trouvent parmi les hommes de loi, à commencer par le sénateur et le shérif qui seront visiblement prêt à tout pour le renvoyer dans le couloir de la mort. C’est comme si cette saison n’allait qu’être un interlude, un cours répit, avant de devoir peut être de nouveau faire face à la mort. Quelle vienne de la main du Gouvernement, ou de celle d’un habitant souhaitant faire justice lui-même.
La ville de Griffin, dans l’état de Georgie, où est tournée la série, représente est un personnage à part entière, bien loin des sets hollywoodiens ou new-yorkais habituels. Et c’est vraiment rafraîchissant. Tout comme le fait que cela prenne place en décors réels et avec ses accents du sud. C’est comme si un vent de Friday Night Lights vous entourait, et c’est très agréable.
I’m not sure what to make of this drastic change of course in my life.

BILAN : Un très bel épisode comme le cinéma fait de moins en moins, et la tv de plus en plus. Le style est très lent et empli d’une certaine contemplation mélancolique qui vous touche instantanément en plein cœur. Chose rare dès le premier épisode. Un grand bravo à Ray McKinnon et à la chaîne Sundance qui fait ainsi son entrée fracassante auprès de ses grandes sœurs du câble et prouve qu’il faudra dorénavant compter avec elle.