Les taux d’infection à VIH en Grèce auraient augmenté de plus de 200% depuis 2011. En cause, le chômage des jeunes qui favorise l’usage de drogues et la réduction des budgets de prévention. C’est un exemple du coût humain de la crise financière et de l’austérité, l’objet de cette recherche de deux chercheurs Sanjay Basu, professeur à l’Université de Stanford et David Stuckler, économiste et professeur à l’Université d’Oxford qui publient aujourd’hui un bilan sans concession, avec leur ouvrage « The Body Economic: Why Austerity Kills, and What We Can Do About It ».
Comment la crise financière mondiale au-delà de son impact sur la richesse des nations, affecte notre santé physique et mentale ? C’est la question que se posent depuis 10 ans, ces deux chercheurs déjà publiés dans le Lancet en 2009, et ici, par l’étude de la vie quotidienne des personnes touchées par la crise financière, de la Grande Dépression des années 1930, à la crise financière de 2008. Une question, que se posent trop rarement les politiques, selon les auteurs, car, en situation de crise financière, de nombreux dirigeants vont prendre des mesures d’austérité sévère et couper dans les programmes sanitaires et sociaux et entraîner une aggravation des besoins de santé.
Austérité et santé : Mais, avant tout, les auteurs montrent comment la dernière crise financière mondiale et les politiques d’austérité mises en place ont eu un effet néfaste sur la santé des Européens et des Américains, avec des taux de suicide et une prévalence de certaines maladies infectieuses augmentés et un accès aux traitements et aux soins réduits, avec la réduction imposée des dépenses de santé. L’exemple type est l’augmentation de l’incidence des infections à VIH en Grèce de plus de 200% depuis 2011 ou encore la résurgence du paludisme après réduction des budgets de lutte anti-vectorielle. Un autre exemple est l’association entre l’augmentation du chômage et celle du taux de suicide. Ainsi, chaque augmentation d’1% du taux de chômage entraîne une augmentation de 0,79% de l’incidence des suicides avant l’âge de 65 ans. Une augmentation de plus de 3% du chômage va également entraîner une augmentation des décès liés à l’excès d’alcool, d’environ 3.500 à l’échelle européenne. Au global, 1 million de cas de dépression et 10.000 suicides pour l’Europe et les Etats-Unis, pourraient être associés aux mesures d’austérité mises en place avec la crise économique.
Le principal discours de l’ouvrage, tel que présenté par son éditeur, est une accusation lancée contre l’austérité, démontrée comme néfaste pour la santé publique. On peut prévenir les crises financières de devenir des épidémies, mais les données scientifiques, expliquent les auteurs, nous enseignent qu’il existe un lien de causalité entre la force des systèmes de protection sociale et la santé de la collectivité. Ainsi, les conclusions sont parfois surprenantes : En cas de crise financière, la santé de certaines sociétés, comme l’Islande va s’améliorer alors que celle d’autres pays, comme la Grèce, va se détériorer. Au-delà, la construction de sociétés et de systèmes plus justes et plus égalitaires pourrait aussi déterminer la santé de notre économie, ajoutent-ils. L’analyse veut ainsi démontrer que même au milieu des pires catastrophes économiques, certains choix politiques peuvent éviter les effets négatifs de la crise sur la santé publique.
Sources:
Penguin Books, UK The Body Economic: Why Austerity Kills, and What We Can Do About It Sanjay Basu & David Stuckler
The Lancet, 25 July 2009 doi:10.1016/S0140-6736(09)61124-7Cite or Link Using DOI The public health effect of economic crises and alternative policy responses in Europe: an empirical analysis