Alors que la loi du « Mariage pour Tous » (loi Taubira) vient d’être validée par l’Assemblée Nationale, le débat lui semble loin d’être achevé. La mobilisation des « anti » s’intensifie, et le vote de la loi ne paraît pas la freiner. Au contraire, à la suite de la dernière manifestation organisée le 24 mars, de nombreux groupes se sont créés en marge du collectif de La Manif Pour Tous.
Ils envahissant les réseaux sociaux de hashtags tels que #aprèsmardioncontinue, ou encore #onnelâcherien : les opposants à la loi Taubira créent de nouvelles mobilisations. Celles-ci sont portées par de nouveaux groupes, en majorité des jeunes (entre 16 et 30 ans) qui se déclarent pacifistes. Pourtant le climat actuel a tout de celui d’une guerre civile dont le porte-parole de l’un des mouvements « Hommen » prédit l’accomplissement.
La Manif Pour Tous aujourd’hui et après
Les chiffres divergent toujours mais les manifestations anti mariage pour tous continuent de rassembler un grand nombre de personnes. Une nouvelle manifestation est prévue le 26 mai.
Sous les applaudissements des députés, la loi autorisant le mariage entre deux personnes de même sexe a été définitivement adoptée mardi 23 avril à 331 voix contre 225. Pour les partisans de la Manif Pour Tous, dont les figures de proue étaient présentes dans l’hémicycle, la page n’est pourtant pas prête à se tourner. Frigide Barjot évoque déjà l’avenir du collectif dont elle est l’un des porte-parole. Les municipales de 2014 sont dans la ligne de mire. La militante assure que le collectif « aider[a] les listes qui sont contre le projet de loi (…) et en fera dans les circonscriptions où il n’y en a pas »
Des rassemblements protestataires – dont un national le 26 mai prochain – sont d’ailleurs déjà programmés. Car en plus du mariage et des gestations pour autrui (GPA), ce sont de nouveaux points qui seront abordés au cours de cette manifestation qui « n’est que la première d’une nouvelle ère » selon Frigide Barjot.
La dernière manifestation qui a regroupé plus d’un million de participants selon les organisateurs et 320 000 selon la police, a donné naissance à de nouveaux mouvements, créés en réaction aux violences policières dont ils affirment avoir été victimes.
Les Veilleurs
Dans plusieurs villes de France, des « Veilleurs » manifestent silencieusement leur désaccord avec la loi Taubira. A Lyon, les « Veilleurs » se disent prêts à se réunir jusqu’en 2017.
Les Veilleurs est un groupe de jeunes en majorité chrétiens pratiquants mais qui se réclament de toutes confessions. « Les veillées ne sont pas religieuses et parmi les veilleurs il y a de tout : des juifs, des musulmans… » affirme Charles, étudiant parisien de 21 ans, porte parole des Veilleurs de la capitale. Soixante-dix jeunes, qui, ne parvenant pas à se faire entendre, prennent le parti de se taire. Ils étaient six jeunes au départ à s’installer dans l’herbe de l’esplanade des Invalides une bougie à la main. Chassés et gazés par les forces de l’ordre la première fois, ils prônent la « désobéissance », réitèrent l’expérience, et se réunissent depuis tous les soirs à Paris.
Prônant une doctrine pacifiste et se décrivant comme un mouvement non-violent, le mouvement s’est étendu à près de soixante villes (Lyon, Lille, Quimper, Toulouse, Nantes, Montpellier, Rome et Jérusalem comprises) et l’on comptait non moins de 5000 jeunes présents à la veillée parisienne du 24 avril. Agitant des photos de Gandhi pour exprimer leurs velléités pacifistes et lisant les lignes d’Aragon, de Martin Luther King ou de Soljenitsyne ils se relaient les informations sur les réseaux sociaux étendant ainsi une communauté de plus de 8 000 personnes.
Pour les Veilleurs il n’est plus seulement question du « Mariage Pour Tous », c’est une vision de la société qu’ils prétendent défendre. Contrairement à la Manif Pour Tous, l’organisation n’a pas été officiellement déclarée et les contrôles d’identité restent fréquents. Les organisateurs ne savent pas jusqu’où ira leur groupe, mais celui-ci ne semble pas encore tout à fait prêt à s’éteindre à la vue de la rapide propagation de ce rassemblement « illégal mais légitime » selon ses leaders.
« Le Printemps pour Tous », ses groupes Hommen et « Le Camping pour Tous »
Pendants masculins de l’organisation féministe des Femen, les HomMen, qui manifestent également torse nu, bloquent les rues de Paris « au nom de la famille ». Le visage soigneusement caché derrière un masque, ce collectif de jeunes hommes disent cacher derrière ceux-ci « la majorité silencieuse qui sort de l’ombre » sur leur blog officiel. Ces jeunes hommes qui occupent les quatre coins de la France, ont multiplié les actions ces dernières semaines. Dissidents de la Manif Pour Tous, ils se revendiquent de la mouvance du Printemps Français. Ce dernier dont le nom fait référence au Printemps de Prague de 1968 a été initié par l’ancienne camarade de Frigide Barjot, Béatrice Bourges, le 24 mars. Le mouvement naît de la désobéissance : une partie du cortège déjoue les instructions et décide de passer outre les consignes préfectorales en défilant sur les Champs-Élysées. L’heure est au schisme. Bourges et ses disciples annoncent la fin des actions « bisounours » et annoncent une claire distinction avec la Manif Pour Tous. Le Printemps Français, qui se revendique de la lignée des révolutionnaires du XXème siècle rassemble des partisans de droite et d’extrême droite, a une certaine influence catholique. Leurs actions sont relayées par les groupes catholiques intégristes de Civitas et les jeunesses identitaires même si le mouvement n’a jamais revendiqué de lien avec les groupes extrémistes.
Après les « Femen », qui ont beaucoup fait parler d’elles pour leurs actions coups de poing, leur pendant masculin commence à se manifester.
Nombreuses furent les actions qui naquirent du Printemps Français. Notamment le groupe Camping pour Tous, qui reprend, comme son nom l’indique, l’usage du camping pour affirmer son mécontentement. Cette pratique, ils l’héritent de l’association des « Enfants de Don Quichotte ». L’acte symbolique, donna lieu à la fameuse affaire des 67 arrestations de la nuit du 14 avril. Les jeunes qui disent avoir été enfermés pendant 14 heures, « dans des conditions inacceptables contraires à la dignité humaine » selon David van Hemelryck, 30 ans ex-officier de la marine deux fois décoré, ne se sont pourtant pas arrêtés là. Après le Camping pour Tous, vint le « Picnic Pour Tous », ou encore « Jogging pour Tous », autant de manières pour les jeunes contestataires en sweat rose de faire parler . A l’occasion de ce dernier événement, les portes du Parc de Luxembourg ont été fermées et l’ordre a été donné aux gendarmes de renvoyer les journalistes pour ne pas ébruiter l’affaire. Les comptes Facebook et Twitter du groupe ont selon les organisateurs été hackés et le Twitter semble avoir été supprimé. Tout cela ne paraît pas décourager les jeunes gens,qui clament eux aussi haut et fort le slogan qui semble désormais être celui qui rejoint tous les « anti » mariage : « On ne lâche rien ».