Jean-Luc Steinmetz publie Et pendant ce temps-là, au Castor
Astral.
Écrire répond. Son acte
comme une ouverture de vie
alors qu’on ne sait.
À vau-l’eau nous échappent
les raisons les plus naturelles.
La fameuse pluie verte de printemps
vient de me chasser de mon poste de guet
où je n’observe guère plus que des jonquilles
pendant que les liquidateurs
s’empressent à la tâche.
Hors l’histoire l’impartiale éclosion des bourgeons
accomplit sa nécessité.
La branche ou le rameau s’étendent
jusqu’à la main qui décidera de les rompre.
Les pensées se succèdent, tentent une rime
par obsession.
J’ai perdu la gaîté du printemps dernier.
Les fruits, les désirs ne pousseront
qu’environnés de déchets invisibles.
La mort si précise qui marche à notre pas
redoublera d’inconnu.
Elle aussi perdra son nom simple.
•
Les mots ont changé de signe.
Reprenez par l’autre bout.
Et les devoirs d’avant-garde
font le bruit de l’eau grouillant dans les gouttières.
Ce qui a lieu d’être
demande révision.
On pourrait en rire
en continuant de manier les avirons
sur la Came* à l’ombre des études grecques.
Eschyle le contemporain
n’a jamais été aussi vivant que ce matin.
C’est le monde qui beaucoup vieillit, périclite
pour avoir trop voulu rajeunir ses armes.
Je reprends quelques mots usités autrefois.
Je cherche à les reconnaître
appliqués aux démarches courantes.
Ma bouche les prononce avec hésitation,
une espèce de bégaiement rituel
où résonne pour des organes inconnus
une vérité millénaire.
•
Les oiseaux – errant phénomène musicien –
irritent, autant que les fleurs
les courtiers en nouveautés lyriques.
Avec l’instinct commandé pour tous
sans art
l’écolier dessine
le V de leurs ailes par dizaines.
Quant à ces vies qui l’effleurent
elles ne sont que les figure du décor
alimentant la colonne espèces, genres et sous-genres
d’une encyclopédie aviaire.
Chut !
La présence d’un peu de rouge-gorge
me regarde et bientôt signifie.
Quoi ? Je passe des heures
à ne pas le savoir, à le deviner quand il s’envole
puis revient
posé sur fond de feuillage sur ses deux pattes.
fines, droites et fières.
À chacun sa façon animale
son endurance et sa fugacité.
Le vol se poursuit, entoure un arbre
produit une formule
irréductible aux mouvements connus.
Ne parlons par des hirondelles asymptotes à la courbe
de l’horizon,
ni de l’alouette qui grisolle invisible
ni de la grive sur son fil attendant la réponse d’une autre.
Oiseaux contenant toutes les voyelles.
Ils ont de quoi chanter avec elles.
Jean-Luc Steinmetz, Et pendant ce
temps-là, Le Castor Astral, 2013, pp.36, 37 & 55
*rivière à Cambridge
Jean-Luc Steinmetz dans Poezibao :
bio-bibliographie, Le jeu tigré des
apparences