Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et Opinion d’Harris Interactive, livre en exclusivité les résultats du baromètre de confiance de l’exécutif, et décrypte les principaux enseignements en partenariat avec Délits d’Opinion.
Délits d’Opinion : François Hollande et Jean-Marc Ayrault enregistrent un niveau de défiance historique dans le baromètre Harris Interactive. Qui sont les catégories les plus décrocheuses. Et le socle des électeurs de Hollande est-il sérieusement endommagé ?
Jean-Daniel Lévy : François Hollande, comme Jean-Marc Ayrault, ne reçoivent pas la confiance des Français plus que ceux-ci leur expriment leur défiance. Rappelons que François Hollande n’a jamais bénéficié d’un fort soutien des Français. 54% seulement d’entre–eux, en effet, lui accordent leur confiance juste après son arrivée à l’Elysée. Il n’a que, de très peu, réussi à dépasser le socle électoral qui l’a porté à ce niveau de responsabilités. Qui plus est, le niveau d’espérance était, même à ses début, extrêmement bas.
Ainsi, la confiance exprimée à l’égard de François Hollande s’inscrit dans un double contexte : un « peuple de Droite » qui n’a jamais vraiment accepté, et même pour certains d’entre eux reconnu, sa victoire ; des catégories populaires l’ayant élu alors même qu’elles exprimaient un scepticisme concernant sa capacité, de part sa politique, à améliorer véritablement leurs conditions de vie.
Ce sont ces deux catégories de population (peuple de Droite et catégories populaires) qui ont le plus décroché ou, à tout le moins, qui sont les moins en soutien à l’égard du Président. Assez logiquement, les personnes âgées de 65 ans et plus sont les moins enclines à exprimer leur confiance.
Politiquement, on observe une baisse tendancielle de la confiance exprimée par les sympathisants socialistes depuis le début de l’année 2013, doublé d’un décrochage de ceux du Front de Gauche. Si, un peu plus de 50% d’entre eux affichent (encore) une forme de confiance, rappelons qu’ils étaient plus de 9 sur 10 à se positionner de la sorte l’été dernier.
Donc aujourd’hui le socle de François Hollande n’est donc pas, d’un strict point de vue d’opinion, profondément entaché. Reste que la baisse continue mesurée au cours de ces trois derniers mois auprès des sympathisants socialiste constitue un point à surveiller. Et ce d’autant plus que l’on a pu remarquer que cet électorat n’avait pas ressenti le « besoin » de se mobiliser en faveur de gouvernement que ce soit lors des législatives partielles que des manifestations en soutien au projet de loi relatif au « mariage pour tous ».
Délits d’Opinion : Dans le baromètre Harris Interactive, vous avez donné la parole aux Français sur les raisons de leur défiance. Quels sont les principaux griefs à l’encontre de F. Hollande, et sont-ils rédhibitoires ?
Jean-Daniel Lévy : Quatre dimensions structurent les griefs à l’égard de François Hollande : sur la forme relevons, des revirements jugés comme trop nombreux, reflet d’une difficulté de la part des Français à comprendre le fil conducteur de la politique impulsée par le Président ; une présence politique jugée comme parfois défaillante. S’ajoute à cela des dimensions sur le fond de l’action : une politique ne rassemblant pas les Français (le mariage pour tous en en étant l’illustration), des doutes relatifs aux directions économiques.
Ce qui est certain, c’est que deux logiques se confrontent : d’un côté, des Français qui doutent de François Hollande. Soit parce qu’ils ne lui ont jamais accordé leur confiance, soit parce qu’ils rencontrent des difficultés à décrire la logique ayant prévalu à l’action politique de ces douze derniers mois. De l’autre, des Français considérant qu’il est encore trop tôt pour juger et qui semblent en emphase avec la prise de parole de l’exécutif indiquant qu’en douze mois on ne peut revenir sur une situation déclinant de dix de politique de droite. Ce sont, ici, essentiellement des sympathisants socialistes qui mobilisent ces arguments.
Notons, enfin, que « l’affaire Cahuzac » n’est pratiquement pas mentionnée spontanément. Ni en positif, ni en négatif. Ainsi, le premier terme explicatif de la confiance accordée au Président de la République est celui… d’honnête.
Délits d’Opinion : Des scénarios de remaniement sont évoqués par les médias. Qui sont aujourd’hui les poids lourds et les poids morts du gouvernement ?
Jean-Daniel Lévy : Si par le terme « poids lourds » on entend Ministres dans lesquels la confiance est la plus forte relevons, déjà, Manuel Valls. Il s’agit de la seule personnalité bénéficiant d’une confiance de plus d’un Français sur deux. Notons également que certains ministres participent à une construction positive de l’image du gouvernement : Laurent Fabius, les « Hollandais » Jean-Yves Le Drian, Stéphane Le Foll et, dans une moindre mesure, Michel Sapin (ce dernier notamment auprès des personnes âgées de 65 ans et plus) contribuent à l’amélioration de l’image de l’exécutif. Des ministres femmes (Najat Vallaud-Belkacem, Aurélie Filippetti, Christiane Taubira) participent également de l’appréciation portée à l’égard du gouvernement.
On remarquera cependant, que dans l’ensemble, la confiance exprimée à l’égard des Ministres est profondément indexée sur l’évolution du regard à l’égard du Président. Et que peu parviennent à se construire une relation propre avec les Français. Relevons, enfin, les structures de ces relations. Celles-ci sont fortement polarisées négativement et faiblement lorsque les Français s’expriment positivement. Christiane Taubira, ne recueille « pas du tout » la confiance de 44% des Français quand seulement 13% lui font tout à fait confiance pour mener une bonne politique en tant que Ministre.