C’est ce qu’est devenue la galerie Xippas, à l’initiative de Céleste Boursier-Mougenot, jusqu’au 17 Mai. De lui, qui fut musicien, je connaissais un beau travail de sons cristallins causés par des entrechoquements d’assiettes dans une mini-piscine, aussi étrange qu’en puisse paraître la description.
Ici, dans ‘from here to ear’ (pas très bon jeu de mots), les sons sont créés par de petits oiseaux à bec rouge, dont je ne saurais vous dire le nom, non point par leurs pépiements, mais par leur atterrissage sur des cordes de guitares électriques, perchoirs sur lesquelles ils tentent vainement de bâtir un nid. La galerie, dont les portes sont obturées de pellicules de films blancs ici et noirs là (comme dans les épiceries de mon enfance rurale), est devenue un espace clos où les oiseaux nichent, boivent et mangent dans des bacs faits d’étuis de guitare cependant que, dans les plates-bandes, pousse le millet (je crois, c’est peut-être du seigle). C’est une oeuvre éphémère et interactive, dans laquelle les visiteurs pénètrent, une oeuvre de sons aléatoires en fonction des cordes touchées par les pattes des oiseaux (qui réagissent aussi aux déplacements des visiteurs), mais pas cacophoniques car les guitares semblent soigneusement accordées. On est à la fois charmé et désorienté, perplexe et émerveillé.
Les autres pièces présentées ici sont moins spectaculaires, mais l’idée de montrer dans ‘zombiedrones’ un journal télévisé d’où tous les points immobiles ont été éliminés, donne aussi une impression d’étrangeté : cette invisibilité programmée du fixe, tant décor que parties du visage que le présentateur n’actionne pas (cheveux, front,..) confère une prime au mouvement, à l’expressivité, à l’agitation (au bling-bling ?).
Dans l’entrée, avant de se laisser bercer par le chant des sirènes, comme seul Ulysse attaché au mat put en jouir (‘approches’), on essuie le souffle intermittent de neuf ventilateurs: interloqué, on se retourne pour voir une vidéo de banales feuilles parfois agitées par le vent. Leur mouvement déclenche les ventilateurs (‘recycle’).
Céleste Boursier-Mougenot poursuit ainsi un travail joyeux et déroutant, où tout interagit, images, sons, souffles, musique, oiseaux et spectateurs, dans un système complexe, aléatoire et poétique.
Photos 1 et 3 de l’auteur. Photo 2 © Céleste Boursier-Mougenot, courtoisie Galerie Xippas.