Ce fut une semaine fatale. Après des semaines, voire des mois de silence, les pays européens ne parviennent plus à cacher leurs divisions. Quel que soit le chiffre ou l’angle d’attaque pris, la réalité a fini par rattraper les gouvernements européens : la politique d’austérité imposée depuis trois ans à toute l’Europe est une faillite, comme l’avaient annoncé nombre d’économistes (voir l’entretien d’André Orléan par exemple).
Dès lundi, le signal que quelque chose ne tournait plus rond au sein des instances européennes avait été donné : face à la presse, José Manuel Barroso, craquait. Encore sous l’influence du sommet du G-20 au cours duquel le gouvernement américain, le FMI, le puissant institut de la finance internationale avaient mené une charge en règle contre la politique européenne, le président de la commission européenne reconnaissait que l’Europe était dans l’impasse. «« Bien que je pense que cette politique est fondamentalement la bonne, je pense qu’elle a atteint ses limites. Pour réussir, une politique ne doit pas seulement être bien conçue, elle doit avoir un minimum de soutien politique et social », avait-il expliqué. (Lire l'article de Ludovic Lamant)
Peut-être avait-il déjà connaissance des sondages réalisés dans les principaux pays européens, publiés jeudi ? 72% des Espagnols, 69% des Britanniques, 59% des Allemands, 56% des Français et 53% des Italiens disent ne plus avoir confiance dans l’Europe. La foule des données à la disposition de la commission de toute façon pouvait suffire. Chômage record, récession, déficits et endettement vertigineux, effondrement de l’industrie automobile européenne, impossibilité pour les entreprises dans l’Europe du Sud de se financer, en raison d’un système bancaire en pleine déconfiture… La débâcle est totale.
L’audace du président de la commission européenne – qui n’en a jamais fait beaucoup preuve jusqu’ici – avait surpris. Après cette sortie, l’ensemble de la Commission européenne ramait pour minimiser l’incident. A entendre Olli Rehn, commissaire européen des affaires économiques et autres, les propos de José Manuel Barroso étaient un non-événement. Depuis longtemps, l’Europe avait admis un allégement de sa politique. La preuve ? Le Portugal et l’Irlande avaient déjà obtenu des aménagements. L’Espagne pourrait à son tour à bénéficier.
Dès le lendemain, l’Allemagne parlait et faisait savoir son désaccord.
Campagne électorale oblige, la chancelière allemande campe sur la ligne de l’orthodoxie financière et économique, « le retour à la vertu pour les pays pécheurs », qui lui a si bien réussi jusqu’à présent. Postulant pour un troisième mandat en septembre, Angela Merkel ne cesse de durcir sa position pour assurer ses électeurs qu’ils ne seront pas, comme ils le redoutent, la vache à lait de l’Europe. Sa position se veut d’autant plus ferme que le nouveau parti, l’Alternative pour l’Europe, qui prône une sortie de l’euro, mord sur ses marges. A peine créé, il est déjà crédité de plus de 5% dans les sondages. Une position qui pourrait lui permettre de siéger au Parlement.
Aussi Angela Merkel hausse le ton : « Les membres de la zone euro doivent se préparer à céder une partie de leur souveraineté à des institutions européennes s'il veulent surmonter la crise de la dette souveraine et voir revenir les investisseurs étrangers (…) Tant que la pression ne sera pas plus forte, certains préféreront suivre leur propre voie. Nous devons accepter que l'Union européenne ait le dernier mot sur certaines questions. Dans le cas contraire, nous ne pourrons pas continuer à construire l'Europe », a-t-elle averti mardi.
Mais les discours de la chancelière allemande, destinés à son électorat, débordent les frontières et inquiètent de plus en plus. Même les Européens les plus convaincus finissent par s’en émouvoir : l’Allemagne parle trop fort, selon eux.
Forte d’avoir réussi à imposer son modèle pour le sauvetage de Chypre – un modèle qu’elle défendait depuis deux ans visant à faire payer les actionnaires et les déposants des banques plutôt que les contribuables –, Angela Merkel semble vouloir dessiner un pouvoir européen à sa main. Ainsi, elle revient sur toutes les concessions qu’elle avait dû consentir au moment de la panique financière qui avait saisi la zone euro. Les garanties uniformes pour tous les déposants européens, comme cela avait été décidé au sommet de juin 2012 ? Plus question : les contribuables des autres pays – sous-entendu allemands – n’ont pas à payer pour les fautes des banques des autres pays. L’union bancaire européenne, elle aussi décidée au sommet de juin ? Impossible tant les pays européens n’ont pas accompli les réformes nécessaires pour assurer la cohésion de l’ensemble. Autant dire que la mesure est renvoyée aux calendes grecques. Le mécanisme européen de stabilité, décidé en 2011 pour venir au secours de pays confrontés à des faillites bancaires ? Inutile puisque désormais le schéma de sauvetage imposé à Chypre doit s’imposer comme modèle.
En quelques phrases dans des meetings électoraux, tout le programme européen, péniblement bâti au cours de ces trois années de crise, pour accompagner les politiques d’austérité est vidé, sans discussion, de tout contenu.
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