Le programme MBA de l'établissement, qui concerne plus de 1800 étudiants, a en effet introduit l'année dernière dans son parcours obligatoire de première année une nouvelle série d'"expériences en immersion totale pour le développement du leadership" (ou "Full Immersion Experiences for Leadership Development") dont celle qui nous intéresse ici, FIELD3, qui a pour objectif de créer une startup, par équipe de 6 étudiants, en 15 semaines. Attention, il n'est pas question ici de simulation : les produits conçus sont bien réels et sont même, pour la plupart, effectivement "distribués" !
L'organisation de ce programme d'apprentissage par l'expérience se veut aussi proche de la réalité que possible. Ainsi, son déroulement respecte un calendrier qui comprend les phases "normales" de la vie d'une jeune pousse : création du concept du produit (2 semaines), simulation d'un premier tour d'investissement, développement du produit (ou, a minima, d'un prototype) et de la stratégie de mise sur le marché (8 semaines), lancement "officiel" (avec ouverture d'une cotation – fictive – des valeurs des entreprises), cycle de "vente" (2 semaines) et… entrée en bourse finale.
Détail notable, la première étape de financement va déterminer les fonds réellement alloués à l'idée proposée, ce qui va souvent obliger les entrepreneurs en herbe à "pivoter" (c'est-à-dire changer de cible), s'ils n'obtiennent pas les moyens de concrétiser leur vision initiale. Pour illustrer à quel point l'ancrage dans la réalité est essentiel dans l'expérience, dans la présentation que fait Steven Sinofsky de la promotion à laquelle il a participé figurent les liens vers les sites des 14 créations de sa section (et il y en à 9 autres…), toutes opérationnelles !
Je ne connais pas l'état actuel des cursus de nos grandes écoles et universités mais je serais surpris que des approches aussi pragmatiques y soient très répandues (corrigez-moi si je me trompe !). Je pense plutôt qu'on continue à y former des spécialistes de telle ou telle discipline (y compris des inventeurs, souvent géniaux) mais qu'il manque une perspective globale de ce qui constitue la fibre même de l'entrepreneuriat, de la génération de l'idée à la fondation de l'entreprise capable de porter celle-ci, en passant par la recherche d'investisseurs et la capacité à se remettre en question…
Or ce sont les mêmes qualités que les grandes entreprises doivent cultiver pour développer leurs politiques d'innovation (d'où la tentation de plus en plus fréquente d'émuler l'esprit "startup"). Alors pourquoi ne pas imaginer de leur appliquer aussi le modèle proposé par Harvard ? Il pourrait, par exemple, être mis à profit, sous une forme toujours pédagogique, pour instiller une sensibilité entrepreneuriale dans l'organisation. Mais il serait peut-être aussi déclinable dans la démarche d'innovation elle-même : plutôt que de se contenter de "boîtes à idées" (sous des formes variées) dont les propositions restent souvent stériles, allons jusqu'au bout et stimulons la création de vraies startups dans l'entreprise !