Le tennis est par essence un sport individuel. Mais, curiosité de la discipline, c'est lorsque ses individualités s'additionent que s'écrivent les légendes. L'opération magique qui rassemble en meute conquérante les loups d'ordinaire solitaires du circuit ATP s'appelle "Coupe Davis". Leconte, Forget, Noah dans les années 1990 et avant eux Lacoste, Brugnon ou Borotra dans les années 1920 sont entrés dans l'histoire de leur discipline et dans le cœur des foules parce qu'ils ont tous un jour brandi le saladier d'argent.
Pourtant, il semble qu'à l'image d'une société où l'individualisme fait des ravages, le vieux trophée perde ces derniers temps ses vertus fédératrices. La sortie calamiteuse de l'équipe de France face aux Etats-Unis en quart de finale de Coupe Davis en est le tristre exemple. Les images de Richard Gasquet pianotant sur son portable et jouant du SMS pendant que ses coéquipiers s'escriment sur le terrain en disent long. Que Richard doute, c'est normal. Lorsque l'on compare son palmarès à celui de Nadal, son rival chez les juniors, on en arrive même à douter qu'il ait jamais commencé sa carrière chez les pros. Qu'il soit à moitié blessé ou dépressif, c'est humain, on le serait à moins…
Mais que le futur ex-espoir qu'il risque de devenir se sente si peu concerné par le destin de ses petits camarades relève plus du "rien que pour ma gueule" que du malaise. Du coup, c'est hors des courts que les échanges ont été les plus rudes et entre coéquipiers en plus ! Paul Henri Mathieu, en profita pour lâcher devant les micros quelques amabilités sur l'ami Richard, vite mises sur le compte de la déception, mais le mal était fait.
Comme un air de Fed cup, lorsque Tatiana Golovin dans le rôle de la petite peste qui tire les couettes aux copines dans le cours de récré, allumait par journaux interposés Marion "Jamais sans mon père" Bartoli… Les épreuves de tennis par équipe auraient-elles donc du plomb dans l'aile ? Les jeunes générations ne seraient-elles pas capables de mettre de côté leur ego le temps de conquérir cette autre "coupe aux grandes oreilles" ? Possible, mais ne désespérons pas trop vite. Tout ceci n'est peut-être qu'un malheureux concours de circonstances. Noah et Leconte n'ont jamais été les meilleurs amis du monde. Ils ne s'en cachaient pas et trouvaient pourtant sans trop de difficultés le moyen de faire l'union sacré autour du saladier. Souhaitons qu'ils inspirent leurs héritiers. Sans quoi ce n'est pas demain la veille que la Coupe Davis reviendra prendre la poussière dans une vitrine porte d'Auteuil…