Une main courante prenant ses jambes à son cou,trébuche dans un escalator,emportant dans sa chute toute une tripoté d'employés dévoués à la cause du grand manitou,manie tout.
Comme dans une mêlée de rugby,mais sans arbitre,c'est l'hécatombe,la dégringolade,on ne sait plus à qui appartient cette paire de jambes,ce bras cassé qui rampe à la recherche de son propriétaire,ce dentier claquant des dents de porcelaine sur une marche d'un chemin des pas perdus.
C'est le grand bazar,un voleur à la tire en profite pour embarquer un bras,un oeil de verre,une jolie paire de seins,un sac à main,achevant un nez cassé,écrasant une morue,un thon de passage,espèce pourtant en voie de disparition.
Il fonce attrapant le dernier métro,une rame salvatrice,fuyant le lieu de son délit,obligeant le conducteur à le conduire à bon port,destination soleil,Marseille.
Les ouvriers à la chaine,bien trop heureux de fuir Paris et leurs petites existences biens ternes,biens grises,kidnappés dans leur bleus de travail,pris au piège par ce voleur bien téméraire,chantent des chants guerriers de leurs lointaines contrées africaines.
Un vieux monsieur, bon chic,bon genre fait partie du voyage,aux anges de ne plus revenir vers son home de vieux,débouche des bouteilles de vin,partage sa baguette de pain et son camembert,multipliant tel Jésus le tout pour tous.
Il y a aussi dans ce convoi une bande de jeunes banlieusards de Seine Saint- Denis,tout excités de quitter leur cité HLM,ils vont pour la première fois voir la mer,rêvent déjà d'embarquer sur un cargo,destination la terre de leurs ancêtres,tous les espoirs sont permis pour ce dernier métro devenu TGV.
Toute cette joyeuse bande de nouveaux amis ,comme des collégiens en voyage scolaire,se chamaillent dans une ambiance bonne enfant.Après s'être rassasier,les jeunes font tourner des pétards,comme un calumet de la paix,la fumée bleue envahi les esprits,l'atmosphère devenant cotonneuse,les rêves tournoyants,relevants leurs manches,à voix haute ou basse,baignant cette nouvelle communauté euphorique.
Le voleur s'appelant Moïse,juif évidemment,devenu gourou de la bande malgré,lui,le vieux monsieur athée,un sage de ce petit village ambulant,les blacks et les jeunes,musulmans et chrétiens,marchands main dans la main,assurant leurs destins.
Ils sont déterminés,unis dans l'adversité,ils projettent d'échanger leur métro contre un paquebot en partance pour l'Afrique,arrivés à Massilia,ville de la mafia,port d'échange,de commerce,ils n'ont pas froids aux yeux,les pieds sur terre,ils ont fomentés un plan,leur permettant de réaliser leurs souhaits les plus fous.
Arrivés en terre d'Islam,ils vendront le bateau,afin de continuer leur route,ils ont décidé d'un commun accord,d'acheter des dromadaires et de partir en caravane voyageant comme des nomades à la découverte de ce continent. Un touareg devenu sédentaire,leurs a vendu les dromadaires,lassé par sa vie devenue statique,il leurs a proposé d'être leur guide,emportant avec lui sa petite tribu familiale et quelques chèvres;ce fut évidemment avec grande joie qu'il fut accueilli pour cette nouvelle aventure.
Au fil du temps la caravane s'étoffa,des femmes avides de liberté se mêlèrent à ce voyage libertaire,des couples se formèrent,des enfants naissaient.Il furent bientôt une bonne centaine,voyageant suivant les lois de la nature,en perpétuelle transhumance,mélangeant les cultures,inventant de nouvelles coutumes,toujours dans la tolérance de l'autre,de cette mère nature,mettant la femme sur un pied égalitaire,si pas même supérieur.
Ils s'inventaient une religion,basée sur aucune croyance précise,sauf celle de la terre,elle était leur Dieu,l'unique.Chaque jour qui passait,ils la remerciaient humblement,au lever du soleil et au coucher de l'astre solaire.Leurs yeux étaient brillants comme des étoiles,comme leurs vies,libres et insoumis,ne dépendant d'aucune société,aucun dogme,ils vivaient simplement bercés par une soif intarissable de liberté.