Green Interview # Nicolas, Faguo

Changement d’échelle. Je vous parlais de la collection Conscious du géant suédois H&M qui faisait la part belle au coton bio et au polyester recyclé avec l’image de Vanessa Paradis, place maintenant à la collection capsule issue de la collaboration entre la petite marque française Faguo avec les Danois de A Question Of. Retour sur une opération série limitée de chaussures en coton bio racontée par Nicolas, co-fondateur de la marque.

Parcours. Nicolas, 26 ans, a débuté l’aventure Faguo voilà 4 ans dans le cadre de son cursus en école de commerce. Plutôt que de faire un stage dans une entreprise renommée, il souhaite créer sa structure avec un ami de promo, Fred. Partis en Chine dans le cadre d’Erasmus, ils découvrent le goût pour l’entrepreneuriat au sein de la culture chinoise. A leur retour en France, ils décident de monter leur boîte. Pas forcément fétichistes de la chaussure, ils choisissent de créer un produit répondant aux exigences financières et esthétiques des étudiants et surtout française – d’où le nom, Faguo, qui signifie France en chinois. Loin du rêve de Nike, l’aventure Faguo commence avec 5000 paires produites avec les investissements des amis dits ‘ambassadeurs’ dans les universités et les écoles. Signe distinctif : un bouton en noix de coco. L’idée fonctionne (2000 paires vendues à Paris et 1200 à Lyon en quelques jours grâce à l’action des ambassadeurs) et les réseaux sociaux, Facebook en première ligne, permettent de relayer les informations et de constituer une communauté Faguo avant que les circuits de distribution se mettent en place.

Le projet étudiant d’alors emploie aujourd’hui 14 personnes en CDI et 3 stagiaires. Les valeurs de Faguo constituent une colonne vertébrale qui donne un sens à son développement : mode > une collection automne-hiver et une printemps-été, ainsi que des collections capsules ; dynamisme > une start-up très réactive autour d’une communauté de clients et de fans ; responsabilité > une prise de conscience de l’impact environnemental de la production de chaussures.

Développement durable. Plutôt que d’utiliser cette expression vague et utilisée à bon comme à mauvais escient comme leitmotiv de son action, Faguo se concentre sur son empreinte carbone. Son objectif est d’une part de réduire les emballages et de revoir les modes de transport. D’une part, une première étude l’a conduit à supprimer le papier de soie autour des chaussures et à réduire la taille de la boîte. D’autre part, le transport par berges est privilégié entre Chine (pays de production) et France, puis entre Le Havre et Paris. Le bilan carbone se double d’un bilan financier mettant en avant d’autres marges de manœuvre et possibilités d’améliorations.

Les émissions de carbone dites incompressibles sont compensées de manière volontaire avec la plantation d’arbres en France. Un contrat avec une pépinière a permis de planter près de 185 000 arbres que l’on peut localiser, Faguo finance la plantation et l’entretien de l’arbre pendant 30 ans ; de son côté, le propriétaire de la parcelle accepte la création d’une forêt sur un terrain en jachère, signifiant clairement cette démarche avec un panneau Faguo et s’engageant à ne jamais poser de clôture ni à couper les arbres pendant 30 ans. L’objectif est de développer le nombre et la visibilité de ces forêts, particulièrement dans le Sud-Est et l’Ouest, pour que les adeptes citadins de Faguo puissent trouver une forêt à 30 km environ de leur domicile.

Par ailleurs, un partenariat a été créé depuis 4 ans avec un ESAT dans les Yvelines qui fait travailler une quinzaine de personnes pour les envois vers les boutiques distributrices et via Internet.

Au fond, Nicolas ne se voit pas comme un ayatollah de la responsabilité sociale et environnementale, mais est plutôt conduit par la capacité à s’adapter aux enjeux économiques et sociaux à l’échelle de Faguo. Il est bien conscient qu’une démarche individuelle ne replace pas une dynamique collective et se veut prudent quant aux critiques de la société de l’abondance.

Communication [focus sur la collection capsule Faguo X A Question Of]. Faguo ne fait pas de publicité et mise sur le contenu sur son blog et à travers les relations presse. Le canal Facebook a été privilégié à ses débuts et aujourd’hui il permet de faire rencontrer physiquement les communautés au travers d’apéros entrepreneurs notamment. Même stratégie pour la collection en coton bio créée avec A Question Of. Nicolas a rencontré les dirigeants danois de A Question Of dans un salon professionnel ; les Danois appréciant les valeurs de Faguo (bien connu au Danemark), l’idée est de profiter de leur savoir-faire dans le textile bio pour une petite collection estivale certifiée Organic Exchange Standard 100. Difficile de trouver du coton bio en Chine ; le prix de la chaussure augmente du même coup. Voilà pourtant  une façon de sortir hors des sentiers battus et d’expérimenter de nouveaux échanges avec les fournisseurs. La communication s’est centrée autour des blogs et de la presse avec un argument plutôt de taille, la distribution chez Colette.

Alors que le label fait tout (ou presque) lorsque l’on parle de communication responsable, Faguo fait le choix de produire en Chine, dans des ateliers identifiés (cf reportage d’M6 du 29 mai 2011), sans label bio ou équitable. En un mot, la petite marque française incarne la figure de l’entrepreneur pas encore trentenaire, qui a voyagé et refuse les catégories dans lesquelles on voudrait bien le caser. Alors que l’on parle de Made in France, Faguo produit en Chine. Alors que le textile bio se développe, Faguo préfère ne pas rechercher un label peu répandu dans le pays de production. Alors que les ONG replantent des forêts dans des contrées éloignées, Faguo fait appel à une structure privée pour planter des arbres près de chez vous. Bien des éléments à contre-courant d’une démarche caractérisée de responsable, mais qui ne manquent pas de cohérence et font bouger les lignes.

Merci Nicolas pour cette échange. Merci à Capucine de l’avoir organisé !