Chaudron. Il faut aller à Geoffroy-Guichard de temps en temps les soirs de match pour comprendre la beauté intérieure d’un lieu qui résonne hors les années. Le bloc-noteur ne cachera pas, ici, son amour irraisonné pour ce théâtre populaire mythifié par une génération de footeux hors du commun.
Vous êtes prévenus: inutile de s’en étonner ou de s’en indigner. Être de manière binaire «pour» ou «contre» le football, c’est parfois oublier que l’intelligence nous recommande d’aimer si nous aimons, d’apprendre à aimer si ça en vaut la peine, mais en toute connaissance de cause! Geoffroy-Guichard est un panthéon du peuple où se mêlent les grandes et les nouvelles heures, les titres comme les épopées. Une scène de l’impossible où se côtoient grands-parents, enfants et petits-enfants, tous tendus vers un unique objectif: une certaine idée du bonheur et des valeurs. Ceux qui ne connaissent pas Geoffroy-Guichard peuvent penser: c’est un autre temps. Mais c’est toujours le Chaudron. C’était il y a longtemps mais c’est encore aujourd’hui. Croyez-nous. Chacune de nos apparitions dans ces tribunes – en ce moment, les travaux en vue de l’Euro 2016 gâchent quelque peu le plaisir – se solde par une remontée de souvenirs et d’émotions irrépressibles. Quand les ouvriers aux pattes d’éléphant avaient une autre gueule. Quand le maire communiste de l’époque et ancien Résistant, Joseph Sanguedolce, parlait autant de foot que de la mine voisine, dans laquelle il était descendu dès l’âge de douze ans pour extraire, paraît-il, l’un des meilleurs charbons du monde. Quand nous pouvions encore observer des types dont l’allure générale n’était pas sans nous rappeler le physique de Depardieu dans le Choix des armes, cheveux longs et pantalon en Tergal.
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 26 avril 2013.]