Une exceptionnelle nécropole gauloise a été mise au jour en Champagne, par des archéologues de l’Inrap. Certaines tombes aménagées renferment des guerriers portant encore leur épée dans un fourreau, et des restes de boucliers. Une deuxième sépulture abrite quant à elle deux défunts côte à côte, ce qui est rare, mais pas autant qu’une autre pratique funéraire…
Une équipe de l’Inrap vient de découvrir une nécropole gauloise datée entre le IVe et le IIIe siècle avant notre ère, sur le site du Parc logistique de l’Aube, à Buchères. Depuis 2004, les 260 ha de ce projet du conseil général bénéficient, sur prescription de l’État (Drac Champagne), d’un suivi archéologique : 230 ha ont déjà été diagnostiqués, et 40 fouilles réalisées. C’est la dernière d’entre elles qui livre, aujourd’hui, une série de tombes gauloises, notamment de guerriers, exceptionnelles.
Le décapage a révélé une quinzaine d’enclos funéraires spectaculaires, de forme quadrangulaire, circulaire ou en fer à cheval. Certains d’entre eux appartiennent à des périodes antérieures à l’époque celtique, et en particulier à l’âge du bronze. Ces imposants enclos, marqués par des fossés profonds de 2 m, sont alignés. Les sépultures qu’ils abritaient ont disparu. Très visibles dans le paysage, ces monuments devaient être de forts marqueurs territoriaux durant la Protohistoire. C’est sans doute ce qui a favorisé l’implantation d’une nécropole gauloise à proximité immédiate, à l’époque de la Tène, quelques centaines d’années plus tard.
Détail d'une épée et d'un bouclier dont il ne reste que la gouttière périphérique ou « orle », et le renfort central. IVe siècle avant notre ère, Buchères (Aube), 2013. © Denis Gliksman, Inrap
Des guerriers gaulois avec une épée dans le fourreau
Deux ensembles de tombes gauloises sont accolés à ces grands enclos monumentaux. Certaines sont entourées d’enclos carrés de dimensions plus modestes. Cette nécropole accueille une petite communauté appartenant à la culture archéologique de la Tène ancienne. Les corps reposent dans de profondes fosses aménagées de plancher, coffrages et couvertures. La volonté de rapprocher les défunts entre eux est patente, certaines fosses se juxtaposant ou se recoupant : dans une tombe, deux défunts ont même été inhumés l’un contre l’autre.
Sur les 14 sépultures fouillées à ce jour, les archéologues ont déjà exhumé cinq tombes de guerriers. Ces hommes sont armés d’une épée dans leur fourreau et d’une lance. Deux d’entre eux ont un bouclier : ils étaient initialement composés de bois et de cuir, mais il n’en subsiste que l’orle (lagarniture métallique du pourtour) et le couvre-spina (l’arête centrale).
Inhumées près des hommes, des femmes arborent un torque autour du cou et des parures de bronze ou de lignite aux poignets. Hommes et femmes portent sur la poitrine de grosses fibules de fer ou de bronze, parfois décorées de corail. Comme dans la majorité des nécropoles protohistoriques, l’absence d’enfants est notable.
Des défunts enfouis dans des silos souterrains
Cet ensemble funéraire est exceptionnel à plus d’un titre. Malgré les très grandes surfaces ouvertes par l’archéologie préventive dans la vallée de la Seine champenoise, et notamment autour de Troyes, la découverte d’ensembles funéraires de cette époque est très rare. Par ailleurs, sur ce territoire, au cours des IVe et IIIe siècles avant notre ère, d’autres pratiques funéraires très originales ont également été pratiquées : les défunts ont été enfouis dans des silos souterrains abandonnés, comme l’atteste la fouille d’un ensemble de ce type, situé à moins d’un kilomètre de la nécropole de Buchères.
Cette dernière se distingue nettement de celles trouvées un peu plus au nord, dans la Marne : en effet ni vaisselle (services à boisson, vaisselle de présentation et de stockage), ni quartiers de viande n’accompagnent les défunts de Buchères.
Vue zénithale d'une sépulture gauloise du IVe siècle avant notre ère, en cours de fouille, Buchères (Aube), 2013. © Denis Gliksman, Inrap