Cette application de réalité virtuelle s’affranchit des contraintes imposées par l’environnement pour créer un espace virtuel dans lequel l’utilisateur évolue à l’infini… alors qu’il se déplace en tournant en rond ! Une innovation qui pourrait s’appliquer à des musées virtuels ou à l’entraînement militaire. Hannes Kaufmann, qui travaille sur le projet, a répondu à Futura-Sciences.
En matière de réalité virtuelle, l’un des principaux défis techniques concerne les déplacements physiques. Il faut parvenir à accommoder l’environnement virtuel à l’espace disponible réel dans lequel une personne se déplace, sans que le rapport des surfaces soit proportionnel. Il est ainsi compliqué decréer des mondes virtuels très étendus, dans lesquels on peut se déplacer physiquement sans être limité par les dimensions d’une pièce.
Des chercheurs de l’université technique de Vienne (Autriche) ont élaboré une application de réalité virtuelle qui donne l’illusion de se promener dans un labyrinthe sans fin, alors que l’on tourne simplement en rond. Les pièces et les couloirs fictifs que voit la personne sont générés dynamiquement, de manière à correspondre à l’espace physique réel dans lequel elle évolue. Cette technique repose sur un algorithme nommé Flexible Spaces (espaces flexibles) qui organise l’environnement virtuel à la volée, à partir de paramètres aléatoires.
Dans cette vidéo, on suit les parcours réel et virtuel d’une personne dans une succession de pièces aléatoires qui simule un environnement bien plus grand que le sol. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © Université technique de Vienne, YouTube
Comme l’a expliqué à Futura-Sciences le professeur Hannes Kaufmann, à l’origine du projet, cet algorithme « réorganise les pièces et change constamment la dimension des couloirs, au fur et à mesure que l’utilisateur progresse. Cela rend difficile la remémoration du chemin, mais nous permet de compresser l’espace virtuel à la taille de l’espace réel de façon imperceptible ». Muni d’un casque à réalité virtuelle, l’utilisateur se déplace dans une pièce en suivant un parcours physique sans rapport avec ce qu’il perçoit dans le monde virtuel.
Des espaces flexibles grâce à un algorithme et 52 caméras
« Notre but n’est pas de reproduire la disposition des environnements réels. Nous nous concentrons sur des environnements virtuels qui, visuellement, ressemblent au réel mais ne sont pas régis par les mêmes lois », expliquent les auteurs dans leur publication.
Sur cette photo, on voit comment la personne équipée du casque à réalité augmentée évolue dans un espace réduit, en suivant un parcours circulaire matérialisé par les flèches blanches. Mais sous le casque, elle navigue dans une succession de couloirs et de pièces (schématisées par les rectangles en pointillés). Ces espaces fictifs sont générés à la volée et de façon aléatoire par l’algorithme Flexible Spaces, et donnent l’impression de se déplacer dans un environnement sans limites. © Université technique de Vienne
Pour Futura-Sciences, Hannes Kaufmann a dévoilé quelques détails sur le système. « L’algorithme est intégré en utilisant le moteur de rendu de jeu vidéo Unity Pro, pour un casque à affichage tête haute Fakespace Wide 5, supportant un champ de vision de 150 degrés à l’horizontale et de 88 degrés à la verticale ».
Les déplacements de l’utilisateur sont suivis par un logiciel de capture des mouvements (PhaseSpace Impulse) à partir de 52 caméras haute définition, qui délimitent une surface carrée de 83,5 m2. Dans le casque, l’affichage se fait à 60 images par seconde. « Il s’agit de la première technique de redirection pour des environnements intérieurs, où l’utilisateur peut évoluer librement sans suivre un tracé prédéfini ou effectuer des tâches obligatoires, afin d’éviter d’entrer en collision avec les murs », ajoute le professeur Kaufmann.
Applications multiples, du musée à l’armée
Ce dernier précise que l’algorithme Flexible Spaces est « orienté sur le contenu » plutôt que sur la reproduction fidèle du monde réel. « Un bon exemple d’environnement orienté sur le contenu est un musée, où l’on s’intéresse plus à ce qui est exposé qu’à la disposition des pièces ». Visites de musées virtuels, jeux vidéo, entraînements militaires, circuits touristiques, voici quelques applications potentielles citées par les chercheurs de l’université technique de Vienne.
L’un de leurs prochains objectifs est d’adapter le système afin que plusieurs personnes puissent évoluer et interagir dans l’espace virtuel sans se gêner physiquement. « La prochaine étape consistera à comparer le ressenti des utilisateurs avec notre approche à celles qui existent déjà, afin de voir quels sont les paramètres les plus importants », conclut Hannes Kaufmann.
Ce projet est mené en coopération avec l’Institute for Creative Technologiesde l’université de Californie du Sud (USC), qui a récemment dévoilé une application capable de déceler un état dépressif chez une personne, en analysant divers signes extérieurs à l’aide d’un capteur Kinect.
Exemple du type de configuration virtuelle que l’algorithme Flexible Spacespeut générer de façon aléatoire. L’utilisateur navigue en passant par des couloirs qui sont réorientés dynamiquement, à chaque fois qu’il quitte une pièce, en empruntant la porte de son choix. Ceci lui donne l’illusion de circuler librement, alors qu’en réalité il suit un parcours circulaire. © Université technique de Vienne