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Les yeux, le sexe et le cerveau

Par Tobie @tobie_nathan

à propos des mémoires de Michel Jouvet, De la science et des rêves. Mémoires d’un onirologue. Paris, Odile Jacob, 2013

Michel Jouvet, le célèbre neurobiologiste qui a découvert le sommeil paradoxal et révolutionné notre conception du rêve vient de publier ses mémoires, un beau livre, intitulé De la Science et des Rêves. Mémoires d’un onirologue, chez Odile Jacob.

Ce livre est d’abord un résumé des recherches passionnantes de Michel Jouvet sur les différents états que nous traversons durant le sommeil — recherches datées, émaillées des voyages, des rencontres, des réflexions, des heurs et des malheurs d’une carrière. Il est donc témoignage de l’activité incessante d’un chercheur, qui cherche le jour, la nuit, durant son sommeil, aussi et qui, la plupart du temps trouve par sérendipité, par « sagacité accidentelle »[1]. C’est enfin les mémoires d’un homme, né le 16 novembre 1925, au dynamisme exceptionnel, tant dans sa vie que dans ses recherches, débordant d’imagination, d’idées nouvelles, de désirs, aussi — un passionné ! Quel plaisir d’être en présence d’un homme qui pense et qui vit!

MichelJouvet

Michel Jouvet interviewé par Jean-Pierre Elkabache sur Public Sénat

Qu’a découvert Michel Jouvet ? Dans les années 1958-59, alors qu’il fait des expériences sur le cerveau de chats bardés d’électrodes, il se rend compte qu’il existe plusieurs états du sommeil. Un sommeil à ondes lentes et un autre sommeil à ondes rapides, survenant lorsque disparait totalement le tonus musculaire et s’originant dans la partie postérieure du cerveau, le rhombencéphale. Voici comment se déroulent les phases du sommeil, chez le chat, tout comme chez l’homme. Durant les quatre premières, le tonus musculaire s’estompe jusqu’à disparaître totalement ; les ondes du cerveau se ralentissent au fur et à mesure que nous nous enfonçons jusqu’à atteindre le sommeil le plus profond. Mais lorsque nous sommes parvenus au 4ème stade, lorsque le tonus musculaire est totalement absent, le cerveau se réveille soudain et présente une activité proche de l’éveil. C’est ce stade du sommeil que Jouvet appellera « sommeil paradoxal » car, pour faire bref, c’est un état où le corps est totalement endormi. Mais il n’y a pas que le cerveau qui se réveille ; les yeux sont aussi agités de mouvements rapides et aussi le sexe puisqu’à ce moment, nous avons une érection. Oui ! Les hommes et les femmes[2].

Cet état est découvert à peu près au même moment par les chercheurs américains, William Dement et Nathaniel Kleitman qui, de leur côté, le nomment « Rapid Eye Movement » (REM). Jouvet fait remarquer à juste raison que cette désignation est trop restrictive. Elle ne tient pas compte du fait que les mouvements oculaires ne sont pas la seule caractéristique de cet état et que, d’autre part, certains animaux, qui connaissent le même état, n’ont pas de mouvements oculaires, comme la taupe, par exemple, ou la chouette, qui ne bouge pas les yeux.

Jouvet-mémoir
Jouvet a l’idée que le sommeil paradoxal n’est pas seulement une sorte de sommeil spécifique, mais qu’il constitue un état particulier du cerveau. Peu de temps après, il découvre que cet état du sommeil est aussi celui dans lequel se déroulent les rêves.

Les Grecs disaient que Hypnos (le sommeil) paralyse et Oneiros, le rêve délie. Je ne suis pas certain qu’ils étaient conscients de la précision de leur métaphore.

Quelles sont les conséquences de cette découverte ? Énormes ! En deux mots, tout le monde rêve, de quatre à cinq fois par nuit. Près d’un dixième de notre vie est donc consacré au rêve. Mais les humains ne sont pas les seuls à rêver. Tous les mammifères, la plupart des oiseaux, et même, peut-être, certains reptiles.

Si tout le monde rêve, si les animaux rêvent — et on sait même, plus ou moins, à quoi ils rêvent, alors, à quoi donc peut bien servir de rêver ?

Question gigantesque, passionnante, ouverte vers l’avenir, comme le rêve, précisément…

                                                                       TN   

Pour (ré)écouter l’émission sur France Culture ici <—

[1] Sérendipité ? Défini par Horace Walpole, un écrivain britannique au XVIIIème  siècle, comme la « découverte de quelque chose par accident et sagacité alors qu’on recherchait autre chose…

[2] et même les animaux, comme on l’a prouvé chez le rat…



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