Le Bayern a envoyé un message à l'Europe du ballon rond en étrillant le Barça (4-0). (AFP)
Une démonstration de force destinée à marquer les esprits. Mardi soir, le Bayern Munich a complètement survolé le choc l’opposant au FC Barcelone dans le cadre des demi-finales aller de la Ligue des champions dans une Allianz Arena en ébullition (4-0). Et, plus encore que le score, c’est la manière qui a impressionné. En l’espace d’une rencontre, la formation bavaroise a tout simplement remis en cause l’ordre établi en Europe par le génial Barça ces dernières années.
Comme une impression de passation de pouvoir. Mardi, les Munichois passaient un test destiné à évaluer leur véritable puissance. Prince despotique outre-Rhin ayant l’ambition affichée d’étendre sa toute-puissance à l’Europe, le Bayern se savait attendu à l’occasion de la réception d’un Barça ayant révolutionné les standards du jeu au cours des dernières saisons. Ce grand rendez-vous, entre deux institutions animées par une indicible culture de la conquête, sonnait comme l’avènement d’un choc des titans et promettait une bataille acharnée en deux actes avec l’indécision comme mot d’ordre. D’opposition, en réalité, il n’en a guère été question. En l’espace de 90 minutes, les Bavarois, passés en mode rouleau compresseur, ont dynamité un adversaire réduit au rang de faire-valoir. Le constat est cruel mais avéré. Les Blaugranas ont implosé et, cette fois, la thèse de l’accident de parcours ne tient plus.
De la tête et des épaules
Déjà mis hors-jeu dans la compétition reine par l’Inter Milan et Chelsea lors d’affrontements à la physionomie toute particulière, accroché cette année par l’AC Milan, le Real Madrid et le Paris Saint-Germain, le Barça n’était pour autant jamais paru aussi impuissant dans son histoire récente. Et si Pep Guardiola n’est plus sur le banc, si Lionel Messi revenait de blessure et si l’arrière-garde devait composer avec des absences de marque, ces arguments ne doivent éclipser l’immense prestation délivrée par le Bayern.
Les Allemands, disciplinés tactiquement et solidaires, ont su désarticuler avec aplomb le secteur offensif catalan. Muselant les côtés grâce, en partie, à l’intense travail fourni par les ailiers Franck Ribéry et Arjen Robben, les Bavarois ont en outre insufflé un pressing permanent et payant, diligenté par Bastian Schweinsteiger et un Javi Martinez formidable d’abnégation. La pression sur le porteur, déterminisme habituel de la réussite blaugrana, s’est trouvée inversée et les champions d’Europe 2011 n’ont dès lors pu que constater les dégâts. Lionel Messi, invisible en pointe, Xavi et Andres Iniesta, métronomes complètement déréglés, sont redevenus humains le temps d’un match. Jeu stéréotypé, incapacité chronique à créer des différences, esprit de créativité laissé aux vestiaires, ce Barça a été proche de susciter une certaine compassion.
Dans ce contexte, il ne restait plus à un Bayern ayant refusé de subir qu’à achever son ennemi en appuyant sur ses points faibles. Chose qu’il s’est appliqué à faire avec brio. Submergée par les banderilles répétées placées par des Munichois bien plus tranchants en attaque, le défense azulgrana a fini par capituler. Les Barcelonais ont été essorés dans les airs, des lacunes apparues flagrantes sur les deux premiers buts, et l’atterrissage s’est révélé fatal. Emmené par un Thomas Müller éruptif, le front offensif local s’est régalé en délivrant une impression de facilité parfois déconcertante. La loi du plus fort a prévalu, tout simplement.
Heynckes, le mésestimé
Un grand crédit dans ce succès, incontestablement le plus marquant de 2013, doit être attribué à Jupp Heynckes. L’entraîneur bavarois, loin des standards des « coachs superstars » en vogue (au premier rang desquels José Mourinho et Pep Guardiola, qui prendra d’ailleurs sa place dès la saison prochaine), a effectué un travail remarquable depuis sa prise de fonction en 2011. Après avoir atteint la finale de la Ligue des champions en mai dernier, l’ancien attaquant international a transformé son Bayern en véritable machine de guerre. Rien ne semble cette année pouvoir résister à cet ogre qui dévore la concurrence et est toujours en course pour un triplé historique. Heynckes, technicien mésestimé, est parvenu à tirer la quintessence de son groupe, un travail de fond qui s’est cristallisé au grand jour mardi. Les efforts défensifs consentis par l’individualiste Arjen Robben ou l’investissement d’un Mario Gomez pourtant passé au deuxième rang de la hiérarchie des avant-centres, au profit de Mario Mandzukic, en sont des exemples frappants.
Le Bayern, uni comme un seul homme, a ainsi surclassé une équipe blaugrana catégorisée comme référence mondiale en apposant avec éclat la domination de sa philosophie. S’il n’est point question de renier les exploits du Barça et son miracle perpétuel dans le jeu, les Munichois viennent de prouver qu’il existait une alternative pour atteindre un niveau de performance exceptionnel sans pour autant renier ses principes. L’idée de l’émergence d’un ordre nouveau n’apparaît dès lors pas totalement farfelue. Reste désormais à Franck Ribéry et sa bande à aller jusqu’au bout de leur rêve en soulevant la Coupe aux grandes oreilles à Wembley le 25 mai. Car il est bien connu que seuls les plus grands triomphes forgent les légendes.