Dans le paysage des opéras européens, la Bayerische Staatsoper a une place particulière. Je l'ai écrit souvent, c'est une institution d'une stabilité modèle. Vous y alliez en 1980, vous y retournez en 2013, et les rituels sont les mêmes, les repères sont les mêmes, jusqu'à la glace à la vanille aux framboises chaudes et le public est à peu près immuable, des jeunes habitués aux places debout au public chic de l'orchestre, plutôt habillé, et quelquefois à la bavaroise. Le cadre, restauré et remis à neuf il y a 50 ans après les bombardements de la seconde guerre mondiale, est élégant, d'un rose apaisant et tout cela fait qu'on s'y sent bien: contrairement à d'autres salles, on lit à tous les étages l'histoire du théâtre, bustes des directeurs musicaux ou de grands chefs, portraits de chanteurs, de chefs, de directeurs: Sir Peter Jonas, Wolfgang Sawallisch, Zubin Mehta (pas trop réussi!). J'aime me promener dans un théâtre qui respire son histoire, et du même coup ravive mes souvenirs. A Munich, pour ma part, ils s'appellent Sawallisch et Kleiber.
L'Opéra est actuellement dirigé par Nikolaus Bachler, un autrichien qui a dirigé les Wiener festwochen, la Volksoper de Vienne et le Burgtheater, c'est à dire (Staatsoper mis à part) les plus grosses institutions viennoises; c'est un soutien des grands metteurs en scène allemands et du théâtre à l'allemande, ce qui ne manque pas de susciter l'ire des opposants (je lisais encore récemment quelques remarques acerbes contre sa politique sur le fameux blog italien de la Grisi - Il corriere della Grisi). A noter que son directeur de casting est Pål Moe qui le fut à Paris sous Hugues Gall.
La saison 2013-2014 marque le début au pupitre de Generalmusikdirektor de Kirill Petrenko qui succède à Kent Nagano, GMD depuis 2006, dont le départ de Munich a étonné tous les mélomanes. Kent Nagano va à Hambourg comme GMD de l'Opéra (il succède à Simone Young) et à Göteborg. Au vu de l'accueil chaleureux du public à chacune de ses apparitions, et du succès incroyable, et mérité qu'il a reçu lors des représentations auxquelles j'ai dernièrement assisté, Kent Nagano sera sans doute regretté, même si Kirill Petrenko est considéré comme un futur (déjà) grand de la baguette. Le chef russe a déjà dirigé l'Opéra de Meiningen, en Thuringe, une jolies salles d'Allemagne, avec un passé riche de grands musiciens (Hans von Bülow, Rihcard Strauss, Max Reger), puis la Komische Oper de Berlin, il arrive à Munich l'année-même de ses débuts dans le Ring à Bayreuth.
Munich est un théâtre de répertoire à l'allemande, avec une troupe qui a toujours été de très bon niveau et il offrira en 2013-2014 5 nouvelles productions dans la saison (et deux lors du festival). Dernière originalité justement, le mois de juillet est le mois du Festival, les Münchner Opernfestspiele qui en général proposent des représentations du répertoire de l'opéra avec des distributions exceptionnelles, des nouvelles productions reprises dans la saison suivante, et les nouvelles productions de la saison passée avec leur distribution originale (dans ma jeunesse mélomaniaque je faisais des aller/retour Bayreuth-Munich, "courant" de Chéreau à Kleiber et passant la moitié des nuits à rouler sur les 219 km qui séparent les deux villes. Cet heureux temps n'est plus (enfin..presque).
Cette année, la saison propose donc cinq nouvelles productions, dont une par l'opéra studio qui n'est pas encore fixée et trois dirigées par Kirill Petrenko, Die Frau ohne Schatten, de Richard Strauss mise en scène de Krzysztof Warlikowski (6 représentations en novembre-décembre), avec Adrianne Pieczonka, Johann Botha, Deborah Polaski, Wolfgang Koch, et hélas Elena Pankratova, La Clemenza di Tito de Mozart dans une mise en scène de Jan Bosse, né en 1969, connu surtout comme metteur en scène de théâtre (il a été metteur en scène résident du Deutsches Schauspielhaus Hamburg et de 2007 à 2010 il a rempli cette fonction au Maxim Gorki Theater de Berlin) avec notamment Toby Spence et Kristine Opolais, en février 2014 et en juillet ( dirigé par Adam Fischer, puisque Petrenko sera en répétition à Bayreuth en juillet 2014 et ne dirigera pas à Munich pendant le Festival) et enfin Die Soldaten de Zimmermann, dans une mise en scène de Andreas Kriegenburg (celui du fameux Ring munichois) en mai et juin 2014, avec une distribution dominée par Barbara Hannigan dans laquelle on note Hanna Schwarz (la Fricka de Chéreau!) , Endrik Wottrich (hum...) et Michael Nagy.
La dernière nouvelle production de la saison, c'est La Forza del Destino de Verdi dirigée par Asher Fisch (hum) mise en scène par Martin Kušej (cela c'est prometteur) avec...Anja Harteros et Jonas Kaufmann, entourés de Ludovic Tézier, Nadia Krasteva et Vitalyi Kowaljow du 22 décembre au 11 janvier et 3 représentations du 25 au 31 juillet. Vous savez désormais où passer le nouvel an 2014...
Le festival propose deux nouvelles productions, Guillaume Tell de Rossini en version française, mise en scène du jeune Antú Romero Nunes, né en 1983 actuel metteur en scène résident au Maxim Gorki Theater de Berlin) grande promesse de la scène allemande, dirigé par Dan Ettinger, chef israélien qui commence à e faire un nom (directeur musical du National Theater Mannheim, il commence à diriger régulièrement au MET), donc une équipe relativement jeune, avec une très solide distribution: Michael Volle, Marina Poplavskaia, Bryan Hymel, Günther Groissböck. Eh oui, notre directeur de l'opéra de Paris-qui-veut-valoriser le-répertoire-français, n'a pas été capable de monter un Rossini français (l'an prochain, c'est Lyon et la Scala qui coproduisent le Comte Ory, quant à Moïse, depuis 1984, disparu dans les oubliettes de l'histoire): il faudra aller à Munich voir ce chef d’œuvre qu'est Guillaume Tell.
Dernière nouvelle production du Festival, L'Orfeo de Monteverdi, dirigé par l'excellent Ivor Bolton, sans doute le prélude à une trilogie dans une mise en scène du jeune et talentueux David Bösch (qui mettra en scène le Simon Boccanegra de Lyon en 2014) avec Christian Gerhaher dans Orfeo, ce qui suffit à motiver pour faire le voyage et coupler avec La Forza del Destino (5 représentations du 20 au 30 juillet).
Mais dans un opéra de répertoire, il faut aussi repérer les reprises: à Munich il y a souvent de beaux soirs, voir de grands soirs, les distributions sont presque toujours très solides. Vous serez rarement déçus.
Commençons par les représentations dirigées par Kirill Petrenko: il va reprendre en décembre 2013 Tosca (4 représentations du 6 au 18 décembre) avec Catherine Naglestad et Massimo Giordano dans la mise en scène bien connue de Luc Bondy, en janvier Eugen Onegin dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski avec Kristine Opolais, Edgaras Monvidas et Artur Rucinski, Der Rosenkavalier pour 3 représentations début mars (2, 5, 8 mars) dans la légendaire production de Otto Schenk avec Soile Isokoski, Peter Rose,Alice Coote, Martin Gantner, Mojka Erdmann reprise pour 4 représentations fin juillet 2014 dans la même distribution, mais dirigé par Constantin Trinks, un chef qu'on commence à voir beaucoup, Boris Godunov dans la mise en scène de Calixto Bieito toujours en mars 2014 (5 représentations) du 16 au 31/03 2014 avec Anatoli Kotscherga en Boris, Gerhard Siegel en Schuiskij, Brindley Sherratt en Pimen.
Voilà quelques occasions de sauter dans un TGV pour Munich, il y en a d'autres dans le reste du répertoire, même si il manque au pupitre quelques grands chefs, il y a de bons voire de grands chanteurs et donc les amoureux du chant trouveront de quoi étancher leur soif. Veut-on Mozart? en septembre un Don Giovanni dirigé par Louis Langrée, dans la mise en scène de Stephan Kimmig, avec Simon Keenlyside, Dorothea Röschmann, Bernard Richter, Kyle Ketelsen, Elza van der Heever...pas si mal, surtout si on prolonge (nous sommes en septembre octobre) par des Nozze di Figaro dirigées par Ivor Bolton, avec Stéphane Degout et Genia Kühmeier, ainsi que Vito Priante en Figaro. A la même période, un Wozzeck dirigé par Lothar Koenigsn, mise en scène Andreas Kriegenburg avec Simon Keenlyside, Wolfgang Ablinger-Sperrhake et la Marie de Angela Denoke. On compte pas mal de représentations de Rigoletto, dans la mise en scène très discutée de Arpad Schilling dirgée en octobre par Stefano Ranzani, moui, mais en avril et mai par Marco Armiliato (c'est nettement mieux) avec selon les dates Franco Vassallo, Joseph Calleja, Erin Morley ou Alexandra Kurzak. Signalons au passage la production vue à Lyon (Gregor Jarzyna) de L'enfant et les sortilèges (Ravel) et Der Zwerg (Alexander von Zemlinsky) dirigée comme à Lyon par Martyn Brabbins (octobre), fin octobre et novembre une Rusalka (Production de Martin Kušej) avec Kristine Opolais et Georg Zeppenfeld entre autres, dirigée par le jeune et excellent Tomáš Hanus, une reprise du Trovatore (version Olivier Py) créé en juin prochain, avec Jonas kaufmann (eh! oui, Jonas Kaufmann est munichois, il est là, sous la main) mais sans Anja Harteros remplacée par Krassimira Stoyanova, ce qui est très bien aussi et le Luna de Vitalyi Bilyy, que je viens à peine de voir en Macbeth à la Scala, et qui est un chanteur très honnête, sous la direction de Paolo Carignani. Signalons encore en novembre une bonne Zauberflöte (direction Ivor Bolton, mise en scène sans doute surannée de August Everding, je la vis au début des années 1980) mais très bien distribuée: Toby Spence, Günther Groissböck, Albina Shagimuratova (magnifique reine de la nuit) et Genia Kühmeier, sans oublier les trois enfants du Tölzer Knabenchor. passons ur une Bohème avec Ana Maria Martinez (en décembre) ou Anita Hartig (en mai, préférable) mais le mois de décembre, entre cette Bohème de routine, et Tosca (Petrenko et Naglestad) et Forza del Destino (Kaufmann et Harteros) et Hänsel und Gretel, mise en scène de Richard Jones et dirigé par Tomáš Hanus on a de quoi passer de bonnes soirées. En lisant cette programmation, et ce n'est pas fini, vous comprenez sans doute qu'il faut passer par Munich !
Entrons en 2014.En ce début janvier très chargé en productions intéressantes (Eugen Onegin, La Forza del Destino par exemple) on trouve aussi La Traviata, avec plusieurs distributions en janvier, avril, juillet 2014: Paolo Carignani dirigera les représentations de janvier et juillet, Pietro Rizzo celles d'avril. Bien sûr, il faudra supporter la mise en scène de Günter Krämer (mais toutes ses productions ne sont pas ratées), mais les distributions ne sont pas indifférentes: Violetta sera Ailyn Pérez en janvier, la très attendue Sonya Yoncheva en avril et Diana Damrau pour le festival en juillet, Alfredo sera Charles Castronovo en janvier, Rolando Villazon (qui fait de Munich une de ses scènes de référence) en avril et Joseph Calleja en juillet. A noter que ce dernier qui chantait surtout au MET commence à se faire entendre un peu partout en Europe et c'est justice. quant à Germont, ce sera Thomas Hampson en janvier, Leo Nucci en avril et Simon Keenlyside en juillet. Avouez que ce n'est pas si mal au total, pour des reprises de répertoire. notons aussi en janvier (4 représentations) une belle reprise de La Calisto de Cavalli dans la mise en scène de David Alden et sous la direction de Ivor Bolton, avec notamment Christophe Dumaux et Danielle de Niese. dans la seconde quinzaine de janvier et en juin/juillet 2014, une reprise de Der Fliegende Holländer sous la direction de Gabriel Feltz en janvier et juillet, et Asher Fisch une fois en juin, dans la mise en scène de Peter Konwitschny, qui fut sous Peter Jonas le metteur en scène de référence des Wagner, dans une distribution riche, Evguenyi Nikitin en janvier dans le Hollandais (Johan Reuter en juin et Alan Held en juillet), Kwanchoul Youn en Daland (janvier) et Hans Peter König (en juin juillet), un florilège des meilleurs Erik du moment, Michael König en janvier, Klaus Florian Vogt une fois en juin, et Peter Seiffert en juillet, et deux Senta de référence, Anja Kampe en janvier et juin et Adrianne Pieczonka en juillet. Enfin, toujours en janvier, Kent Nagano reviendra au pupitre pour une reprise de la dernière création mondiale (2012) de Jörg Widmann, livret de Peter Sloterdijk, Babylon, pour trois représentations dans la mise en scène de La Fura dels Baus(Carlus Padrissa) avec Willard White, Anna Prohaska, Gabriele Schnaut et en jaznvier et février, retourne pour trois représentations (dernière le 5 février) Turandot, dans une mise en scène là encore de Carlus Padrissa (La Fura dels Baus) avec Lise Lindstrom (Turandot) Yonghoon Lee (Calaf) et Anita Hartig (Liù). Toujours en février, une reprise des Contes d'Hoffmann, dans la mise en scène de Richard Jones (vue à la TV) pour trois représentations en février là aussi, production dirigée par Constantin Trinks, avec Joseph Calleja, grand titulaire actuel du rôle, l’excellent Laurent Naouri, Kate Lindsey dans la muse et Nicklausse et Rachel Gilmore (Olympia) , Eri Nakamura (Antonia) et Brenda Rae (Giulietta).