Zweig, écrivain aux multiples talents, était à la fois romancier, historien et biographe. Il était aussi un intellectuel qui portait sur le monde un regard lucide, humaniste et parfois idéaliste – d’un idéalisme sans illusion, toutefois, comme le suggère sa vision d’une Europe unie alors qu’il ne lui avait pas échappé que, sur le Vieux continent des années 1930, les bruits de botte couvraient le souffle discret des utopies pacifistes et des lâchetés munichoises.
Cette conception de l’Europe se trouve définie dans L’Histoire de demain, texte qui pose les jalons d’un enseignement historique éloigné des propagandes nationalistes axées sur les guerres ; un enseignement qui mettrait l’accent sur le progrès, à travers l’histoire culturelle et ses apports à l’humanité, comme une porte ouverte sur une collaboration universelle, loin des conflits larvés et des haines entretenues.
On découvrira encore dans ce recueil un texte tout à fait fondamental intitulé Le Secret de la création artistique que devrait lire tout amateur d’art. Zweig, très en avance sur son temps, y pose les premières pierres de ce que l’on appellera plus tard la « critique génétique », si utile aux historiens de l’art et de la littérature pour mieux comprendre une œuvre. Parmi les autres chapitres, figurent une étude sur Tolstoï penseur religieux et social qui met en lumière un aspect peu connu du grand public de l’écrivain russe, une autre consacrée à Béatrice Cenci, un texte sur Byron et un autre, très sensible, où l’auteur compare la mère de Nietzsche à une mater dolorosa. Tout cela écrit dans une langue pure à laquelle nous ne sommes plus guère habitués.
Illustration : Stefan Zweig, photographie.