« L’ange du bizarre », est une exposition d’art (surtout peinture) que j’ai visité au Musée d’Orsay .
C’est une exposition ouverte jusqu’à 9 juin 2013, donc vous avez encore largement le temps pour la visiter !
La thématique d’œuvres concerne surtout le « romantisme noir », une manière empathique de voir le monde au travers des émotions, ici plongés plutôt dans l’obscurité, des émotions négatives.
En termes de artistes, nous y retrouvons les œuvres venant des époques assez éloignés, à commencer par les œuvres romantiques proprement dit de la fin de XVIIIème siècle (comme Goya) et début de
XIXème siècle et en finissant avec des œuvres du XXème siècle (comme Salvador Dali ou Max Ernst).
Par quoi se caractérise ce romantisme ? Il ne s’agit pas des *histoires d’amour*, bien que celle-ci sont une des facettes de ce courant. Nous considérons plutôt un regard au-delà des apparences
sur le monde, qui cherche un autre fond émotionnel, moral des choses tout en utilisant les moyens d’expression très diverses et la forme très riche. Ce romantisme ne se contente pas à raconter la
vie réelle, donner la vision directe, seiche ou moraliste du monde mais il se plonge dans différentes strates des impressions qui peuvent être données par des lieux, situations, personnages.
Le romantisme noir fascine par la découverte des interdits, prise en compte des tabous, l’antimorale. Des artistes mélangent de l’amour métaphysique, purement physique avec la mort et frôlent des
concepts du mal.
Paul Delaroche, La femme de l’artiste, Louise Vernet, sur son lit de mort, 1849
Les artistes de ce courant reprennent des inspirations dans mythologie, mais aussi dans la tradition chrétienne, d’où lien très étroit avec de l’art du moyen âge et baroque.
Samuel Colman, Veille d’apocalypse,
Le romantisme noir cherche sa force dans l’obscurité, le mystère. Il n’est pas rare de retrouver des œuvres qui racontent l’histoire concernant des esprits, des démons dominant ceux qui sont
faibles ou innocents et influençables (différentes images de corruption des femmes par démons ou encore épuisement des hommes par des créatures démoniaques féminines).
Les artistes se tournent vers la tradition populaire des légendes, croyances et superstitions ; le monde abandonne sa certitude d’époque des lumières du XVIIIème siècle (ou encore celle de
positivisme plus tard en XIXème siècle… l’histoire refait un cycle complet à chaque fois).
Ce courant aime beaucoup mise en contraste de l’innocence et hédonisme, de bien et mal, de ce qui est beau et moche ou odieux. Des œuvres forcent la réaction d’observateur par leur violence
exprimé à une manière plus ou moins indirecte et rien n’est définitif …
Une vierge sous emprise des démons peut même trouver un troublant plaisir dans ce qui l’arrive, … c’est tellement *Sadien* dans son sens…
Johann Heinrich Füssli, Le Cauchemar, 1741
Je note également que Mr. Füssli a produit une bonne quantité des beaux œuvres qui étaient également présents dans cette exposition … cf. notamment :
Satan s'échappant sous le coup de la lance d’Ithuriel 1779
Satan invoquant Belzebuth sur la mer de feu.1802
Thor luttant contre le serpent de Midgard 1790
Les trois sorcières, 1783
La folie de Kate
Le péché poursuivi par la mort
Ary Scheffer, Lénore ou Les Morts vont vite, 1830, motif d'une jeune fille ramené par un amant mort vivant
Auguste Préault, Ophélie, 1842, montrant la souffrance dessiné sur le visage d’une jeune fille après sa noyade …
Un personnage très puissant tel que cette Hydra peut être tourmenté dans son sort pour l’éternité
Paul Dardé, L’Eternelle Douleur, 1913
Gustave Moreau, Victime … peinture mise dans une cour de justice, qui montre une victime, sale, sali, tellement lointaine des filles innocentes vues dans les peintures d'avant, accusant ceux qui
sont coupables de sa souffrance, encore avec une arme de crime dans son coeur.
Gustave Moreau, La débauche, 1893-96
Le diable, lui, peut être beau et puissant dans son pandémonium et pas odieux, comme avant, à l’époque de Baroque ou de Moyen Age …
John Martin, Le Pandemonium (photo de Wikipedia)
Francisco de Goya est un de ceux qui étaient déçus pas l’époque des lumières, un rationalisme défaillant devant la vilaine nature humaine qui encore une nouvelle fois envahit les esprits… ce même
Goya, marqué par des guerres napoléoniennes, qui peint avant une belle Maya (La Maja nue (La Maja desnuda)) … se met à peindre et dessiner des terribles horreurs…
Francisco de Goya, Estragos de la guerra (« Les ravages de la guerre », Désastre 30)
Francisco de Goya, Les Résultats
Une femme nature, c’est équivalent pour les hommes de motif plus classique des diables qui séduisent jeunes filles innocentes : la puissance naturelle d’une femme qui peut détruire la force
vitale d’un homme, de la nature dévastatrice et perverse.
Jean Delville, L’Idole de la perversité, 1891
A notre époque ceci me fait penser de concept de Viriditas, introduit dans la série SF « Red, Green, Blue Mars » de Kim Stanley Robinson, ou la société des colonisateurs de Mars est en pleine
mutation, notamment en forme d’introduction d’une nouvelle religion qui remplace monothéisme patriarcal par un monothéisme matriarcal.
Ce thème est proche également d’interrogation d’homme d’aujourd’hui sur sa rôle dans la société occidentale qui a devenu très flue, et sur sa valeur sociale qui diminue.
Franz von Stuck Le Baiser de Sphinx (Der Kuss der Sphinx), après 1895
Edvard Munch Vampire, 1893-94
Léon Fréderic, Vanité
Francisco de Goya, le vol des sorcières, 1797-98, cet œuvre montre la peur des hommes qui se cachent tandis que des sorcières aspirent la force vitale d’un homme soulevé par leur pouvoir
magique…
Associée à ce motif est un autre : la sorcellerie et la sorcière, un personnage qui maintient le lien entre l’homme et la nature et qui est également la trace de très ancien monde matriarcal (souvent c’était une femme qui détenait la sagesse des anciens ce qui l’a donnait beaucoup de pouvoir sur les autres membres de la société)
Louis Boulanger, La ronde du sabbat, 1830
Eugene Delacroix Sabbat des sorcières, 1831-33
Eugene Grasset Trois Femmes et trois loups, 1892
Des esprits, le spiritisme, des medium et d'autres phénomènes paranormaux et irrationnels font partie intégrale de ce style …
Pierre Bonnard, femme assoupie sur un lit ou l’indolente, 1899
Une peinture assez curieuse, montrant une femme allongée sur un lit dans une pose bien sensuelle … cette impression est impactée par un élement d’incertitude, des ombres. Dans ses cheveux nous pouvons apercevoir un chat noir … symbole de sorcellerie par excellence ;).
Gabriel von Max la femme en blanc, 1900
Louis Boulanger, Les Fantômes, 1829 (illustration pour « Les Orientales » de Victor Hugo)
Le romantisme noir se manifeste d’une manière particulière dans le paysage : au XVIIIème et le début de XIXème siècle nous avons beaucoup des peintures plus classiquement « romantiques », dans
les cadres des ruines, châteaux mystérieux, des monastères, des vieilles forêts et des montagnes sauvages inconnues, souvent liées aux motives des histoires populaires parmi jeunes dames de cette
période où des jeunes filles innocentes qui se retrouvent dans ces lieux mystérieux avec des personnages spéciales, pas forcement bienveillants… et font des choses interdits par la moralité
d’époque.
Carl Gustav Carus, Le colisée à Rome (Das Kolosseum in Rom), 1828
Carl Gustav Carus, Nuages de brume en Suisse Saxonne, 1828
Franz Ludwig Catel, Moines à la chartreuse de San Giacomo à Capri, 1827-1830 ; j’aime bien des couleurs mystérieux des torches de cette peinture.
Theodore Géricault, Scène de déluge, 1818-19, c’est une belle scène qui a tout dans son ambiance particulière.
Carl Blechen, Route de campagne en hiver au clair de lune, 1829, encore un autre paysage qui à mon avis dégage une impression particulière par son ambiance.
Odilon Redon, Temple vitrail, assez grand, des colonnes autour du vitrail indéterminé ; a droit en bas un ange tenant une sorte de crâne, 1904
Edvard Munch, Dans la forêt II, 1915
Dans la deuxième moitie de XIXème siècle, l’imaginaire s’introduit dans la ville autour des concepts d’obscurité, silence et solitude, autour de ces ambiances sombres des nuits brumeux, des lumières adoucis par les ombres…
Wiliam Degouve de Nuncques, Nocturne au parc royal de Bruxelles, 1897
Léon Spilliaert, Clair de la lune et lumières, 1909
Léon Spilliaert, Digue la nuit Reflets de lumière, 1909
D’autres œuvres qui m’ont marqué : Charles Lacoste, la main de l’ombre, 1896
Ensuite arrive le surréalisme, une manière de voir le monde tirant beaucoup d’inspiration de subconscient, souvent très associée aux rêves, à l'irréalisme, des impressions absurdes, des bribes
des pensés de l’artiste…
Paul Klee, sans titre, 1940, j’aime bien le choix des couleurs !
Max Ernst, le banquet du Sphinx (Das Gastmahl der Sphinx), 1940
Un petit Dali tout sympa
Autres peintures qui m’ont marqué :
René Magritte, le colloque sentimental, 1945
Pour aller plus loin ...d'autres expositions d'art intéressantes que j'ai vu:
Exposition HEY ! Modern Art & Pop Culture - Part II à la Halle Saint Pierre, Paris
Expo de Cabaret du Chat Noir au Musée du Montmartre à Paris
Visite au Musée d’Orsay… expo « Degas et le nu » du 23/06/12