«Arrêtons l’Écocide en Europe» -‐Une initiative citoyenne européenne pour donner des droits à la Terre-‐ L’Écocide se définit par l’endommagement important, la perte ou la destruction d’écosystèmes. "Eco" vient du grec ancien "maison". "Cidere" vient du latin : "tuer". L'écocide est donc le fait de "détruire la maison", en l'occurrence la seule que nous ayons : la Terre !
1 million de signatures pour une proposition de loi
-Pourquoi avoir lancé cette directive ? D'où vient cette idée ?L'OCDE et une quinzaine d'institutions scientifiques internationales s’alarment sur une perte de la biodiversité mondiale de plus en plus rapide et une accélération des changements climatiques liée à une production de gaz à effet de serre incontrolable. D'après leurs chercheurs, il y a un seuil critique à ne pas dépasser, au risque d'un retour en arrière impossible. Ce seuil correspond à l'utilisation de 50 % des ressources terrestres. Or, aujourd'hui, 43 % des écosystèmes terrestres sont déjà utilisés pour subvenir aux besoins des hommes. (cf : Approaching a state-shift in Earth’s biosphere) . Détruire un écosystème ne devrait plus être toléré au vu de l'urgence de la situation.
C'est ce que nous appellons un Ecocide. En écologie, un écosystème désigne l'ensemble formé par une communauté d'êtres vivants et son environnement. Les éléments constituant un écosystème développent un réseau d'échange d'énergie et de matière permettant le maintien et le développement de la vie. L’écosystème désigne donc l'unité de base de la nature. Unité dans laquelle les hommes, les plantes, les animaux et l'habitat interagissent au sein du biotope.
Le crime d'écocide est un concept juridique qui est discuté depuis les années 70 en temps de Paix et depuis Nuremberg en temps de guerre. Mais l’avocate Polly Higgins a proposé officiellement une loi contre l’écocide à la commission des lois de l'ONU en Avril 2010 en vue d’amender le Statut
de Rome constituant de la cour pénale Internationale.
Le crime d’Ecocide pourrait ainsi devenir le 5ème crime contre la Paix. Parallèlement, l'Union européenne, par le Traité de Lisbonne, a d'une part inclus le droit pénal dans ses compétences communautaires en particulier s'agissant d'environnement et a créé un nouvel outil démocratique : l'initiative citoyenne européenne. Celle-ci permet à des citoyens de proposer à la commission européenne des projets de lois. Inspirés par Polly Higgins, nous sommes un comité de citoyens qui nous sommes emparés de cet outil et qui avons donc présenté un projet de Directive contre l'écocide officiellement enregistré par la CE.
Le lancement de notre initiative s'est fait au Parlement européen le 21 janvier dernier, en présence de députés européens. Nous avons maintenant un an pour collecter un million de signatures de soutien de citoyens européens, issus d'un minimum de 7 pays, pour que la commission européenne accepte d'étudier le projet et le soumette ensuite au Parlement européen.
-Quel seraient les conséquences pour les entreprises, les banques et les dirigeants politiques?
Pour mettre un terme à la destruction de nos écosystèmes et garantir l'avenir des générations futures, il faut pouvoir s'attaquer aux donneurs d'ordres et non pas seulement aux sociétés qui commettent des crimes environnementaux, il nous faut faire sauter les verrous actuels de la législation internationale. Concrètement, les dirigeants, personnes physiques, pourraient être tenus responsables de crime d'écocide et être jugés en conséquence au pénal.-En quoi seraient-ils concernés par cette directive ?
Dans notre proposition, la responsabilité pour avoir commis un écocide est basée sur le principe de ‘responsabilité supérieure'. Ce qui implique que des banquiers, des chefs d’entreprises, des chefs de gouvernement peuvent être directement accusés d’écocide(s) à partir de l’instant où leur banque, leur entreprise ou leur gouvernement sont impliqués dans un processus d’écocide. Ils peuvent alors en effet être considérés comme décisionnaires d’actes entrainant ou non un écocide.
Les directives existantes à ce jour ne reconnaissent le principe de responsabilité hiérarchique qu’à des personnes physiques dont l’intention de profit personnel a été démontrée et ne s’applique pas aux responsables de gouvernements, aux administrateurs publics ou aux organisations internationales. La directive Ecocide reconnaît la responsabilité de personnes physiques selon le principe de supériorité hiérarchique, quelles qu’elles soient, même si les actes ont été commis sans intention et lève ainsi toute impunité. Chefs de gouvernement et PDG peuvent donc être concernés. Elle reconnaît aussi la responsabilité de personnes complices qui auraient facilité un écocide en conseillant ou subventionnant des activités dangereuses. Les institutions financières sont donc en effet visées ainsi que les cabinets d’expertise environnementale.
En ce qui concerne les élus territoriaux, il s’agira de déterminer si leur territoire est « victime » d’un écocide commis par des parties extérieures et dans ce cas les élus se rangeront du côté des plaignants comme ce fut le cas pour les élus bretons, charentais et vendéens dans le procès de l’Erika. En revanche, si des accords sont passés entre élus et entreprises sur l’exploitation d’un territoire donné et que ces dernières sont à l’origine d’un écocide, alors les élus pourront être poursuivis pour complicité.
Ainsi, les élus prendront sans doute plus de mesures pour commanditer des études d’impact environnemental totalement indépendantes des entreprises qui agiront sur leur territoire. Ces études sont souvent payées par des consultants-experts financés par les entreprises elles-mêmes.
-Cette directive sur l'Ecocide , si elle aboutissait, pourrait-elle bouleverser le système économique ? Comment ?
Probablement, car elle posera le cadre d'une révolution énergétique en ne tolérant plus que des industries peu ou pas polluantes. C'est à dire des industries qui n'engendreraient pas de destructions d'écosystèmes. A l'heure actuelle, l'utilisation des énergies fossiles, de l'agro-chimie et de la pétro-chimie, de la technologie nucléaire ne sait pas éviter des pollutions à grande échelle ( catastrophes et pollutions pétrolières, sables bitumineux, pesticides décimant les abeilles et donc la pollinisation, Explosion d'usines de type AZF, catastrophes de Tchernobyl ou Fukushima).De même la production irraisonnée de gaz à effet de serre (combustibles fossiles, déforestation massive, mono-cultures, culture intensive de bétail, enfouissement des déchets, fertilisation artificielle des sols...) participent à un changement climatique bouleversant les écosystèmes du monde. C'est sans compter la gestion des déchets plastiques (dont les plaques de plastique qui se forment en mer) et celle des produits radioactifs. Enfin certains sites industriels engendrent une perturbation trop importante des écosystèmes locaux tels que les grands barrages ou les mines à ciel ouvert.
Mais consciente du bouleversement imposé, la directive Ecocide anticipe sa mise en œuvre en proposant la mise en place d’une période de transition technologique d’au moins cinq années (à négocier avec le Parlement européen) permettant à la société de s’adapter pour être en mesure de s’y conformer. Ainsi une personne ne pourra pas être poursuivie durant cette période de transition. Elle accompagne ainsi efficacement une transition énergétique nécessaire, en lui donnant un cadre légal qui permettra aux Etats de mettre en place un système incitatif et prioritaire efficace et aux entreprises de réorienter leurs fonds de recherche et d'investissement afin d’abandonner petit à petit les vieux schémas industriels.
-Quels comportements les entreprises, les banques et les dirigeants devraient-ils adopter ?
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-Cette directive pourra-t-elle vraiment contraindre les entreprises à changer de comportement ?
Oui pour plusieurs raisons :
- Les DG n'accepteront plus de suivre une ligne dictée, si elle peut être considérée comme écocidaire en sachant que leur responsabilité pénale est engagée.
- La directive contre l’écocide pourrait rendre illégal tout écocide ayant lieu sur le territoire de l’UE mais aussi mettant en cause des entreprises européennes hors des frontières de l’Union. Il en sera de même pour toute association avec de telles entreprises. Il sera par exemple possible de poursuivre, en dehors du territoire européen, des entreprises européennes ayant participé à un écocide, en important, par exemple, des produits issus d’un écocide.
- Tout produit issu d'une chaîne de production écocidaire sera interdit sur le territoire européen.
-Comme la plupart des lois internationales statuant sur des pollutions, celle qui concerne l’écocide sera reconnue comme ‘une loi responsable’. En d’autres termes, ce seront les conséquences et non les intentions induites qui détermineront le crime commis. Ce point parait important puisqu’il semble évident que la plupart des actions écocidaires ne sont pas délibérées.
- Enfin, la directive Ecocide ne prend plus en considération le facteur risque comme unité de mesure mais la hauteur des conséquences. Ainsi la dangerosité d’une technologie ne se mesurera plus en fonction des risques de catastrophe (probabilité) qu’elle pourrait engendrer, mais en fonction de l’étendue des dommages en cas de catastrophe.
Dernier point : la Cour aura la possibilité de commanditer des études d'impact indépendantes et d'ordonner la suspension d'opérations en cours jugées dangereuses.
-Les entreprises ne risquent-elles de trouver des moyens pour contourner cette directive (par exemple pour les entreprises de partir dans des pays où la loi sur l'Ecocide n'existe pas et pour les Etats de privatiser les entreprises pour ne pas être accusés de complicité) ?
Comme la directive Ecocide s'applique également aux entreprises européennes opérant en dehors de l'UE ou interdit les produits issus d’une chaîne de production ayant causé un écocide, ces mesures éviteront une délocalisation d’entreprises européennes cherchant à contourner la loi. Et puisque l'impunité des chefs d'états et membres de gouvernement serait levée, et que ces dirigeants pourraient être poursuivis pénalement, la solution de privatiser n'est pas viable car leur responsabilité serait alors engagée.