Hier soir, lorsque mon cher papa m’a annoncé qu’il avait donné le petit pot de légumes printaniers à ma fille de 6 mois à la place de sa purée de carottes au cabillaud, je l’ai traité de « nul ». On ne parle pas comme ça à son père, j’en suis consciente et je l’ai regretté dans la seconde. Mais j’irais plus loin : on ne devrait jamais dire le mot « nul » (excepté peut-être pour le score des matches dans tous les sports…surtout le foot…). « Nul », c’est on ne peut plus dévalorisant, voire humiliant. Ca ne fait pas rire (en dehors d’Alain Chabat et sa bande mais c’était une autre époque). Et les mots qui riment avec nul ne valent pas le coup d’être cités.
Pourtant, la collection d’ouvrages « pour les nuls » n’a jamais aussi bien marché ! Mohamed Nouar, humoriste issu du Jamel Comedy Club et valeur montante sur la scène parisienne, fait même semblant de lire « L’humour pour les nuls » au cours de son spectacle ! Les bouquins « pour les nuls » se multiplient et pour le 100e Tour de France, les éditions First ont sauté sur l’occasion en publiant « Le Tour pour les nuls ». En 2009, Philippe Maquat, rédacteur en chef adjoint de Jogging international, avait lui aussi sorti un « Courir pour les nuls »… comme si la course à pied était difficile à appréhender. Ce mot est totalement antinomique avec le sport. Il doit être banni du vocabulaire des pratiquants sportifs. Qu’importe le niveau des coureurs ou des joueurs, tous ont des qualités et personne n’est nul (« qui n’équivaut à rien », selon la définition du dictionnaire).
Marre de lire ce mot partout, y compris dans les articles de presse et sur les blogs. Sur internet, on explique la Bourse « pour les nuls », les courses (hippiques) « pour les nuls » et même le bonheur ! Europe 1 a même titré l’une de ses émissions : « L’actu pour les nuls », afin de décrypter des faits économiques, politiques ou sociétaux. Pas très malin.
Le mot, péjoratif, est devenu monnaie courante. Il n’empêche, les enfants qu’on traite de nuls ont, en général, peu confiance en eux. Et cela ne s’arrange pas toujours avec l’âge. Rayons-le de notre vocabulaire. On ne pourra que s’en porter mieux.
Anne-Julie