Parmi ses séries de webinaires gratuits (sur inscription), Gartner a récemment produit une intéressante présentation synthétisant quelques bonnes pratiques pour la mise en place et l'animation des entités dédiées à l'innovation dans les grandes entreprises. Voilà l'occasion de remettre l'accent sur quelques principes fondamentaux trop souvent oubliés ou négligés.
Dès l'introduction, une question essentielle est posée : pourquoi faut-il se préoccuper de "gérer" l'innovation ? Les réponses sont simples mais doivent être gardées en mémoire en permanence pour maintenir le cap : parce que la tendance naturelle va vers ce qui est déjà connu et risque d'ignorer les vraies sources de disruption, parce qu'il existe des barrières et autres obstacles, souvent invisibles, qu'il faut éradiquer, parce qu'il faut diffuser la culture d'innovation et coordonner les initiatives hétérogènes...
A partir de ces constats génériques, un conseil émerge très rapidement : il est important de déterminer et formaliser les décisions clés de l'entreprise vis-à-vis de son programme d'innovation. Qu'il s'agisse des objectifs stratégiques visés, des secteurs et domaines ciblés, du niveau de risque accepté, des ressources allouées... tous les critères doivent être identifiés avant de se lancer, afin d'optimiser la démarche. Ces principes généraux feront l'objet de la "charte d'innovation", qui guidera ensuite toutes les activités.
Le pourquoi de l'innovation fait partie des aspects critiques de cette réflexion globale. Ainsi les motivations (trop souvent entendues) telles que "tout le monde le fait" ou "l'entreprise veut être innovante" sont bien faibles et ne vont probablement pas aboutir à des résultats significatifs, alors que des considérations du genre "notre environnement concurrentiel se transforme" ou "il s'agit d'une question de survie" vont constituer des incitations fortes à une démarche productive.
Pour illustrer l'impact de tous ces choix, Gartner décrit 6 grands rôles type pour un groupe d'innovation : le "répondeur" (qui pilote les projets sur demande des métiers, en mode tactique), le "navigateur" (qui explore et expérimente les technologies existantes et recherche les applications possibles pour le métier), le "chercheur" (qui va inventer de nouvelles solutions), le "conseiller" (qui aide les dirigeants à identifier les idées à potentiel), le "conducteur" (qui coordonne les activités en cours dans l'entreprise) et le "pollinisateur" (qui encourage et stimule l'innovation dans les départements).
Incidemment, Gartner souligne l'importance de formaliser la stratégie d'innovation pour une raison très pragmatique. Comme toutes les tendances à la mode – et dieu sait si l'innovation est de celles-là – il faut s'attendre à une forte désillusion à court terme (positionnée en 2014 par les analystes), due à des résultats en dessous des attentes. Il sera alors nécessaire de disposer de toutes les données objectives (du plan initial aux indicateurs de résultats) qui permettront de démontrer que les efforts ne sont pas vains.
Cette exigence conduit d'ailleurs à s'attarder sur les instruments de mesure, à mettre en place dès le début du programme d'innovation. On pensera facilement à des métriques quantitatives, plus ou moins aisées à évaluer : augmentation de chiffre d'affaire et de bénéfices imputable à l'innovation, nombre de nouveaux produits et services, montant des investissements... Mais d'autres critères, qualitatifs, sont tout aussi importants : équilibre entre clients existants et nouveaux clients, temps passé par les dirigeants sur l'innovation, taux d'échec (l'organisation prend-elle suffisamment de risques ?)...
Finalement, la recommandation de Gartner aux entreprises qui lancent un programme d'innovation est facile à résumer. Sur la base d'une charte (qui peut se résumer à poser quelques grands principes), il va falloir rechercher l'approche idéale en fonction des objectifs fixés et de la culture existante. Elle sera naturellement unique pour chaque organisation et devra, de plus, évoluer avec le temps. Enfin, il restera à se souvenir qu'il existe de multiples manières d'innover autour d'un même modèle.