"Ce n'est qu'en maigrissant que je pouvais m'éloigner, m'enfuir, m'en aller, non, tu ne pourras jamais m'attraper, ni toi ni personne, je ne laisserai jamais personne m'attraper, même si le fait que je reste pétrifiée sur place pouvait signifier en réalité que je voulais rester là pour une fois, devant toi, devant toi qui t'approches, être ici... non ! Si le corps refuse d'obéir autrement, il ne reste qu'une façon de se déplacer ; en rapetissant et en rétrecissant. Mon évasion par kilos est la seule échappatoire, puisque mes jambes refusent de coopérer."
La mère d'Anna a tout fait au quotidien pour faire oublier à son entourage ses origines estonniennes. Ayant épousé un finlandais, elle a eu à coeur dans son pays d'adoption de gommer tout ce qui aurait pû permettre aux inconnus de la confondre avec ces filles de petite vie qu'elle croise dans la rue. Mais cela ne l'empêche pas de rendre visite régulièrement à sa famille restée derrière la frontière, et de tirer dans son sillage sa fille Anna qui est sommée de se conformer à ses ordres de discrétion. L'ère soviétique fait rage. Anna et sa mère, elles, oscillent entre deux mondes.
Devenue grande, puis adulte, Anna souffre de graves troubles alimentaires. Elle est fière de ses 45 kilos, de sa manière unique et tendue de sculpter son corps, et de sa capacité formidable à ne s'attacher à personne...
J'ai eu une lecture laborieuse avec ce roman de Sofi Oksanen, et pourtant je sais que j'en ai aimé l'atmosphère, le contexte, et ce qu'il m'a permis d'apprendre sur l'Estonie. Seulement, il m'a fallu quelques temps, plusieurs pages en fait, pour suivre au mieux les changement d'époques et de personnages que l'auteure opérait dans sa narration. Une fois les jalons compris, mon attachement acquis à Anna, j'ai aimé ce que j'ai lu.
Les Vaches de Staline, premier roman de Sofi Oksanen, racontent au mieux les ravages de la propagande et du communisme amenés à son paroxysme. De plus, il est intéressant de constater à quoi peut ressembler le bonheur aux yeux de ceux qui manquent de liberté, quelques vêtements modernes, des déodorants, du shampooing et des bananes en tas sur des étals.
Les affres de la boulimie d'Anna sont également bien décrites, et amènent aux yeux des larmes de compassion mêlées d'effroi.
Une lecture exigeante et fière.
Editions du Livre de Poche - 7.90€ - 17 avril 2013
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