Mélenchon est intelligent et cultivé. Ces deux qualités suffiraient à la distinguer parmi les hommes politiques.
Il dompte le verbe, et nous utilisons à dessein cette expression, puisque s'y trouvent réunis Dieu et le cirque Medrano, toutes choses qui résument assez bien le personnage.
Jean-Luc Mélenchon est un instituteur : il en a l'autorité, la bonhommie, et un vrai sens de la vulgarisation. Un instituteur à la Pagnol, si l'on veut, aimant, et exigeant tant envers lui-même qu'envers autrui. Et, à chaque occasion, meeting, interview, dans l'envolée lyrique ou la gouaille faubourienne, il nous apprend quelque chose. Ecouter Mélenchon dix minutes, c'est s'enrichir...
Aussi à l'aise sur un plateau d'émission de divertissement que dans l'hémicycle, vif d'esprit, il répond à tout, et persuade, démontre, démonte. Il y a chez cet homme de l'horloger et du petit enfant : il examine avec la même minutie curieuse ce qu'il y a dans tout. Et il s'en repaît.
Quand on écoute Jean-Luc Mélenchon, on le comprend. Il est le seul de nos hommes politiques qui se mette à notre portée tout en nous élevant. Quand on écoute Jean-Luc Mélenchon, on se sent meilleur, plus généreux et plus intelligent.
Il a des vertus apéritives. Celles de la clef, pas celles de la porte !
Et puis, cet homme est le seul aujourd'hui qui représente la Nation. Il est véritablement ce dont il est construit : l'histoire de notre pays, et sans doute un peu, au fond, l'histoire des hommes. Sa culture n'est pas superficielle : on sent qu'elle l'a changé, chargé. Il est fait de tous les évènements qui ont marqué une rupture, et en a construit une permanence. Il réussit à rendre toute cette formidable geste vivante et actuelle.
Qu'importe que l'on soit d'accord avec les idées qu'il représente et le monde qu'il propose : notre pays représenté par cet homme, ç'aurait de la gueule !
Qu'importe même qu'il soit sincère : il incarne tout seul le paradoxe du comédien, et le résout ! Et l'important, chez un homme politique, n'est pas sa vérité, mais qu'il nous révèle la nôtre. Mélenchon manie pour ce faire l'ironie socratique, car il tient davantage de ce philosophe que de Juvénal, malgré les apparences…
Sans doute ce qui résume le mieux Jean-Luc Mélenchon… Non, je ne peux me résoudre à employer à son sujet le mot "résumer". Il se comporte et poursuit, comme on dit dans le jargon juridique, en amphitryon. Il invite, nourrit, anime et choie les invités de sa table ouverte en permanence. C'est Grimod de la Reynière qui aurait rencontré Marx, en quelque sorte…
Qu'il soit aussi à l'aise en partageant sur le pouce un casse-dalle de voyou qu'en maniant des couverts à poisson n'est pas le plus remarquable, mais qu'il en tire le même plaisir nous renseigne sur sa qualité non d'homme du peuple, mais d'homme d'un peuple. La nuance est importante.
La caste des hommes politique, c'est l'hermétisme quand lui est le creuset. Et nos voix dans l'urne alimentent le feu quand elles le désignent. Il ne s'agit donc pas de "faire de la politique", mais de "fondre" la politique : outre l'anagramme facile mais significatif, cela signifie que Jean-Luc Mélenchon ne sépare pas : il rassemble. Il agite, rectifie (invenit occultum lapidem au passage…) et partage le plat entre nous. Lui, il se contente de lécher la cuiller. Avec gourmandise…
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