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Sous le titre "Rénovation des bâtiments : vraie rupture ou continuité molle ?", l'association de protection de l'homme et de l'environnement Les Amis de la Terre vient de rendre public le communiqué suivant :
La rénovation énergétique des bâtiments a été identifiée par le Président de la République lui-même comme l’une des grandes priorités du Grenelle de l’Environnement pour lutter contre les changements climatiques, anticiper l’épuisement des ressources non-renouvelables et faire face aux conséquences économiques et sociales de l’augmentation inéluctable du prix de l’énergie.
Cette priorité doit conduire à une rupture dans la manière de traiter un secteur qui représente plus de 40% de la consommation d’énergie et une part croissante des émissions de gaz à effet de serre.
Le projet de Loi de Programmation reprend les orientations du Comité Opérationnel en charge des bâtiments neufs (le « ComOp1 ») : les bâtiments construits demain ne consommeront presque plus d’énergie, ceux d’après-demain en produiront plus qu’ils n’en consommeront. Ce sera un grand pas dans la bonne direction.
Mais avec un taux annuel de constructions neuves de 1 à 2 % du parc existant, on sait que c’est sur la rénovation des bâtiments anciens que l’essentiel va se jouer. Or, le rapport final du « ComOp 3 » chargé de cette question reste très éloigné du travail prometteur initié l’automne dernier lors du Grenelle de l’Environnement, et ceci malgré des appels répétés à beaucoup plus d’audace et de volontarisme de la part de nombreux acteurs du secteur. Il se résume à un catalogue de mesures disparates, molles et peu lisibles, centré sur une simple amélioration du « diagnostic de performance énergétique » (DPE), structurellement inadapté, et sur un toilettage des mesures fiscales incitatives. Les immenses besoins en formation professionnelle sont insuffisamment pris en compte.
Là où l’ampleur de la tâche et l’urgence à agir appellent une feuille de route ambitieuse et bien structurée, on ne trouve aucune mention d’objectifs quantifiés et datés permettant de savoir où l’on va, comment on y va, et, plus tard, de vérifier que l’on est sur la bonne trajectoire.
Toute éventualité d’obligation de travaux de rénovation énergétique est repoussée à plus tard … c’est-à-dire à trop tard ! Alors que l’on sait imposer le ravalement des façades, on rechigne à imposer la rénovation de nos logements et de nos bâtiments à un niveau de consommation énergétique cohérent avec l’objectif vital du « facteur 4 »
De même, le « ComOp 2 » chargé de la rénovation urbaine et des logements sociaux se contente de faire dans la demi-mesure, sans obligations de résultat en termes d’économies d’énergie.
Le risque n’est pas de prendre un retard que l’on pourrait éventuellement rattraper plus tard, il est de rendre les objectifs impossibles à atteindre. Ne mettre aujourd’hui que la moitié de l’isolation nécessaire, c’est diviser par deux le gisement d’économie d’énergie, quasiment doubler le temps de retour sur investissement et être obligé à terme de faire une deuxième fois les travaux.
Si la barre est placée au bon niveau, le chantier de la réhabilitation thermique des bâtiments existants ne grève pas le budget de l’État, il s’auto-finance, via des outils bancaires, par la maîtrise des dépenses futures de chauffage et par les retombées économiques de l’activité engendrée : un atout majeur à l’heure de la rareté de l’argent public ! Ce chantier est une priorité pour l’environnement mais c’est aussi une extraordinaire opportunité durant les quatre ou cinq prochaines décennies pour l’activité économique, pour l’emploi et pour le pouvoir d’achat des occupants, particulièrement des plus démunis.
Il n’existe aucune raison valable pour retarder la décision de lancer un vaste programme ambitieux, cohérent et mobilisateur.
La Loi de Programmation doit dès à présent donner un signal fort et viser pour les bâtiments existants la généralisation graduelle d’un niveau de performance « basse consommation-rénovation » inspiré du niveau « BBC » (Bâtiment Basse Consommation) de l’actuelle réglementation sur le neuf, et pour cela :
- chiffrer et dater clairement les objectifs à atteindre, en identifiant les points de passage obligés ;
- instaurer sans délai des exigences minimales de performance élément par élément (labels « BBC-compatibles ») ;
- établir un calendrier règlementaire précis et cohérent pour aller rapidement vers l’obligation de travaux ;
- organiser une phase d’apprentissage fondée sur une approche pragmatique et créative faisant largement appel à la capacité d’initiative et d’expérimentation au niveau local ;
- mettre en place un vaste programme de formation professionnelle adapté aux besoins.
Nous appelons Jean-Louis Borloo à intégrer toutes ces mesures dans la future Loi qui doit être à la hauteur des enjeux, faute de quoi l’objectif de la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre ne pourra pas être atteint : la France ne pourra pas alors se prévaloir de respecter ses propres engagements au moment d’aborder la Présidence de l’Union Européenne.
Signataires : négaWatt, Effinergie, Unsfa, Cler, EnviroBAT, L’Alliance pour la planète, Les Amis de la Terre, RAC-F, WWF, Greenpeace, Cohérence, RIAC 29