En voyage toujours je m’étonne de croiser des troupeaux de mes congénères touristes. Sans doute mus par un instinct grégaire, ou de la peur de l’inconnu, ils se déplacent, le plus souvent lentement, badgés, certains, les bons élèves, collés à leur guide, les autres le regard perdu en quête d’une terrasse ombragée pour accueillir leur fatigue.
Et je me suis interrogée sur ce qui les incite à ne passer nos frontières qu’entre concitoyens et recréer un microcosme franchouillard alors qu’ils ont théoriquement opté pour l’exotisme. Bien sûr, dans ces conditions, il serait bien plus simple de séjourner à Vichy ou à Ventimille. Tout au moins est-ce ce que j’ai pensé dans un premier temps. Et puis je me suis souvenue d’une époque pas si lointaine, d’une génération, celle d’après-guerre pionnière et des congés payés, qui après avoir goûté aux vacances en camping sur la Costa Brava, se mettait à rêver de lointains paysages. Leur enfance avait été bercée par les récits des grands explorateurs, bravant indigènes, climats et animaux hostiles au péri de leur vie. Alors, les plus téméraires poussaient la porte d’une agence de voyage, et prenaient un forfait tout compris, avec prise en charge dès l’aéroport.
C’était les décennies où la télévision entrait peu à peu dans les foyers, où d’une chaîne elle passait à trois, toutes étatisées, où la guerre froide battait son plein, où l’on ne parlait de l’étranger que pour en narrer les guerres et les menaces, et où ouvrir l’Encyclopédie Universalis était une invitation au rêve.
Nous, ceux qui y écrivons et ceux qui nous lisent, sommes des purs produits internet. Une question, un doute ? Nous allons chercher la réponse sur le net. Nous comparons, cherchons, achetons sur nos portables. Nous voyageons loin, mais toujours connectés, toujours en lien avec les nôtres, toujours informés heure par heure.
Finalement sommes-nous, suis-je si différente de tous ceux que je regarde avec curiosité condescendante ? Ils sont nos parents, nos grands-parents, tout comme nous, moi, mus par la curiosité et la soif de découverte. Ils nous ont ouvert la voie, que nous pouvons suivre avec plus de liberté.
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